Le gouverneur de la banque centrale du Liban, Riad Salamé a porté plainte en France contre X pour dénonciation calomnieuse.
Enquêtes pénales, perquisitions en série, gels d’avoirs en France, en Allemagne, en Suisse et au Luxembourg… Plongé depuis plusieurs mois dans une tourmente judiciaire, Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban, s’efforce de reprendre la main. Il a déposé en juin au tribunal de Lyon une plainte contre X pour « dénonciation calomnieuse » et « tentative d’escroquerie à jugement ». Figure de la vie économique au Proche-Orient, ce Franco-Libanais de 72 ans dirige à Beyrouth l’institution financière depuis 1993 sans discontinuer. Alors que le pays traverse une crise sans précédent, il se voit suspecté d’enrichissement illicite. En France, deux ONG ont déposé plainte contre lui en 2021 au Parquet national financier (PNF), notamment pour blanchiment, recel et escroquerie.
Un rapport de 2016 attribué à Cristal Group international, une société spécialisée dans l’intelligence économique établie à Lyon, a joué le rôle de déclencheur. Lorsque le contenu de ses 12 pages fuite dans la presse libanaise en 2020, le scandale éclate. Riad Salamé est accusé d’avoir détourné plus de 2 milliards de dollars à son profit et à celui de certains proches, même si aucune preuve décisive n’est apportée par les pièces peu lisibles qui accompagnent le document. Mais le plus surprenant reste à venir. Quelques jours après la publication de ces informations voulues explosives, le dirigeant de Cristal Group Kévin Rivaton conteste publiquement en être l’auteur. « Ni moi ni aucun de mes employés n’avons quoi que ce soit à voir dans la rédaction du rapport publié sur les réseaux sociaux au Liban », déclare-t-il alors.
Un témoignage écrit, cité dans la plainte de Riad Salamé, vient aujourd’hui ajouter au trouble. Il émane d’une personne qui se présente comme un employé de Cristal Group. Il raconte qu’au début de l’année 2016, quatre hommes se sont présentés au siège de l’entreprise pour commanditer une enquête. Ils souhaitaient obtenir confirmation de détournements de fonds visant le gouverneur. L’un d’entre eux est identifié par le témoin, qui se dit prêt à se mettre à la disposition de la justice, comme un haut responsable du ministère des Finances libanais, connu pour son animosité envers le banquier. Tous se seraient montrés insistants pour un résultat rapide. Sollicité à plusieurs reprises par le JDD, Kévin Rivaton n’a pas donné suite.
120 millions d’euros gelés
Il n’empêche qu’au Liban ce rapport est retenu comme un élément justifiant l’ouverture d’une enquête visant Riad Salamé; elle a valu à son frère Raja de passer plusieurs semaines en prison au printemps avant d’être remis en liberté. En France, en Suisse et en Angleterre, ces feuillets désormais non identifiés alimentent les soupçons de plusieurs ONG qui y ajoutent le résultat de leurs propres investigations. À Paris, l’association Sherpa et le Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban, saisissent le PNF. Ils détaillent dans leur plainte le patrimoine du gouverneur, de son frère, de son fils et de l’une de ses collaboratrices: actions, biens immobiliers à Paris et à Antibes, le total s’élèverait à plusieurs dizaines de millions d’euros, « un montant disproportionné par rapport aux salaires et traitements officiels » de Riad Salamé, estiment-ils. Ce dernier a expliqué qu’à sa désignation à la tête de la banque centrale en 1993, il disposait d’une fortune personnelle de 23 millions de dollars qu’il avait depuis lors fait fructifier.
Les diverses enquêtes ouvertes en Europe ont provoqué le gel d’avoirs pour un montant global d’environ 120 millions d’euros. À Paris, il concerne deux ensembles immobiliers d’une valeur de 16 millions d’euros. Des comptes bancaires en France et à Monaco ont également été visés à hauteur de 46 millions d’euros. À Bruxelles, c’est un immeuble, à Munich et à Hambourg, trois propriétés, au Luxembourg, 11 millions d’euros dans des banques. En France, des recours contre ces mesures ont été engagés par l’avocat de Riad Salamé, Pierre-Olivier Sur.
Le gouverneur conteste avoir commis une infraction. Selon son entourage, il serait la victime de luttes interlibanaises. Est mis en avant le rôle joué par la juge Ghada Aoun, présumée proche du clan du président libanais, hostile à Riad Salamé. En avril, la magistrate invitée du colloque sur la corruption organisée par la sénatrice (Union centriste) Nathalie Goulet et l’homme d’affaires libanais Omar Harfouch, avait ouvertement ciblé son compatriote sur Public Sénat. À Beyrouth, la presse vient de dévoiler les résultats de l’audit de KPMG sur les comptes de la Banque du Liban de 2015 à 2019: aucune infraction n’aurait été constatée. Une seconde expertise est en cours pour 2020 et 2021.
*Journaliste au Journal du dimanche
Enquêtes pénales, perquisitions en série, gels d’avoirs en France, en Allemagne, en Suisse et au Luxembourg… Plongé depuis plusieurs mois dans une tourmente judiciaire, Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban, s’efforce de reprendre la main. Il a déposé en juin au tribunal de Lyon une plainte contre X pour « dénonciation calomnieuse » et « tentative d’escroquerie à jugement ». Figure de la vie économique au Proche-Orient, ce Franco-Libanais de 72 ans dirige à Beyrouth l’institution financière depuis 1993 sans discontinuer. Alors que le pays traverse une crise sans précédent, il se voit suspecté d’enrichissement illicite. En France, deux ONG ont déposé plainte contre lui en 2021 au Parquet national financier (PNF), notamment pour blanchiment, recel et escroquerie.
Un rapport de 2016 attribué à Cristal Group international, une société spécialisée dans l’intelligence économique établie à Lyon, a joué le rôle de déclencheur. Lorsque le contenu de ses 12 pages fuite dans la presse libanaise en 2020, le scandale éclate. Riad Salamé est accusé d’avoir détourné plus de 2 milliards de dollars à son profit et à celui de certains proches, même si aucune preuve décisive n’est apportée par les pièces peu lisibles qui accompagnent le document. Mais le plus surprenant reste à venir. Quelques jours après la publication de ces informations voulues explosives, le dirigeant de Cristal Group Kévin Rivaton conteste publiquement en être l’auteur. « Ni moi ni aucun de mes employés n’avons quoi que ce soit à voir dans la rédaction du rapport publié sur les réseaux sociaux au Liban », déclare-t-il alors.
Un témoignage écrit, cité dans la plainte de Riad Salamé, vient aujourd’hui ajouter au trouble. Il émane d’une personne qui se présente comme un employé de Cristal Group. Il raconte qu’au début de l’année 2016, quatre hommes se sont présentés au siège de l’entreprise pour commanditer une enquête. Ils souhaitaient obtenir confirmation de détournements de fonds visant le gouverneur. L’un d’entre eux est identifié par le témoin, qui se dit prêt à se mettre à la disposition de la justice, comme un haut responsable du ministère des Finances libanais, connu pour son animosité envers le banquier. Tous se seraient montrés insistants pour un résultat rapide. Sollicité à plusieurs reprises par le JDD, Kévin Rivaton n’a pas donné suite.
120 millions d’euros gelés
Il n’empêche qu’au Liban ce rapport est retenu comme un élément justifiant l’ouverture d’une enquête visant Riad Salamé; elle a valu à son frère Raja de passer plusieurs semaines en prison au printemps avant d’être remis en liberté. En France, en Suisse et en Angleterre, ces feuillets désormais non identifiés alimentent les soupçons de plusieurs ONG qui y ajoutent le résultat de leurs propres investigations. À Paris, l’association Sherpa et le Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban, saisissent le PNF. Ils détaillent dans leur plainte le patrimoine du gouverneur, de son frère, de son fils et de l’une de ses collaboratrices: actions, biens immobiliers à Paris et à Antibes, le total s’élèverait à plusieurs dizaines de millions d’euros, « un montant disproportionné par rapport aux salaires et traitements officiels » de Riad Salamé, estiment-ils. Ce dernier a expliqué qu’à sa désignation à la tête de la banque centrale en 1993, il disposait d’une fortune personnelle de 23 millions de dollars qu’il avait depuis lors fait fructifier.
Les diverses enquêtes ouvertes en Europe ont provoqué le gel d’avoirs pour un montant global d’environ 120 millions d’euros. À Paris, il concerne deux ensembles immobiliers d’une valeur de 16 millions d’euros. Des comptes bancaires en France et à Monaco ont également été visés à hauteur de 46 millions d’euros. À Bruxelles, c’est un immeuble, à Munich et à Hambourg, trois propriétés, au Luxembourg, 11 millions d’euros dans des banques. En France, des recours contre ces mesures ont été engagés par l’avocat de Riad Salamé, Pierre-Olivier Sur.
Le gouverneur conteste avoir commis une infraction. Selon son entourage, il serait la victime de luttes interlibanaises. Est mis en avant le rôle joué par la juge Ghada Aoun, présumée proche du clan du président libanais, hostile à Riad Salamé. En avril, la magistrate invitée du colloque sur la corruption organisée par la sénatrice (Union centriste) Nathalie Goulet et l’homme d’affaires libanais Omar Harfouch, avait ouvertement ciblé son compatriote sur Public Sénat. À Beyrouth, la presse vient de dévoiler les résultats de l’audit de KPMG sur les comptes de la Banque du Liban de 2015 à 2019: aucune infraction n’aurait été constatée. Une seconde expertise est en cours pour 2020 et 2021.
*Journaliste au Journal du dimanche
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