©Un graffiti de l'artiste EXIST qui était expose au ARTHAUS à Gemmayzeh- Crédit photo: Pamela Chrabieh
La crise multiforme qui marque le quotidien des Libanais pousse beaucoup à croire que l’art est un luxe et que les droits à la sécurité, au logement, à la nourriture, à l’emploi et à l’électricité devraient être les seules priorités des citoyens et de l’État. Or, les interventions artistiques des dernières années, et notamment depuis octobre 2019, déconstruisent cette croyance et soulignent l’aspect vital de l’art pour toute société, et en particulier la société libanaise.
En effet, la façon dont l’art est intervenu et intervient encore dans l’élaboration d’un projet collectif ou dans l’espace public s’est récemment diversifiée et a acquis de l’importance en tant que stratégie et action citoyennes : concerts véhiculant un message d'unité dans la pluralité et d’engagement citoyen en vue d’une déconfessionnalisation du système socio-politique (Beirut Jam Sessions, Minal Shaab) ; installations publiques dans les rues de villes côtières pour la justice sociale et les droits humains (Haven for Artists) ; graffitis révolutionnaires (Ivan Debs, Spaz, Ring Bridge, Art for Change, Ashekman, Yazan Halwani, REK) ; expositions en ligne alliant artistes émergents et établis suite à l’explosion du port de Beyrouth (arleb.org) ; ateliers de thérapie par l’art (Meadows, A+ Initiatives) ; publications d’ouvrages collectifs sur la préservation de la mémoire et la résistance culturelle (Beyrouth mon amour, 4 août 2020 18h07 ; The Beirut Call : Harnessing Creativity for Change ; Beirut Urban Ruins : Save it on Paper), etc.
Photo prise par Pamela Chrabieh lors d'une intervention artistique par "Haven for Artists" en avril 2021 a Gemmayzeh et Mar Mikhaël
Ces exemples et bien d’autres encore nous rappellent l’importance de l’art puisque celui-ci nous permet de mieux collaborer les uns avec les autres, d’identifier des problèmes et de les résoudre, de gérer les émotions, de guérir les blessures, de favoriser l'écoute, la réflexion, l'imagination, l'observation, le décentrement, le questionnement... et certainement, de construire une société saine. Il est à noter qu’en novembre 2019, l’Organisation mondiale de la santé publiait un rapport reposant sur 900 articles scientifiques qui affirment l’impact bénéfique de l’art sur la santé physique et mentale. D'où l'importance de généraliser les activités et les interventions artistiques au côté des protocoles thérapeutiques en milieu hospitalier, dans l’éducation mais aussi dans la vie de tous les jours pour améliorer le bien-être individuel et collectif.
Par ailleurs, lorsqu’il n’est pas instrumentalisé par des partis politiques ni n’est utilisé pour la propagande étatique, l’art offre des opportunités d’éducation à la citoyenneté et peut, par conséquent, entraîner une prise de conscience en vue de la convivialité. En ce sens, de plus en plus d’académiciens et d’artistes entreprennent des recherches sur l’art et la citoyenneté et forment des réseaux de collaboration locale et régionale tel celui de l’Université Dar al-Kalima. Celui-ci promeut notamment une citoyenneté active et inclusive définie par la participation et non par l'idéologie, et appelle à la pensée et la pratique de l'art comme véhicule de participation pour approfondir les discussions publiques sur les questions civiques et les valeurs fondamentales.
Malheureusement, les défis socio-économiques auxquels se heurtent une large partie d’artistes, d’entreprises créatives et d’organismes s’accumulent au fil des jours au Liban, sans compter l’exacerbation des identités meurtrières, le recul des libertés et la sacralisation de la politique mafieuse. Dans cette perspective, si les lieux de la pensée et de la pratique libres et libératrices – qu’ils soient formels ou non – ne s’élargissent pas, et notamment à travers l’art, il est à craindre que beaucoup de Libanais ne pourront désapprendre ce qu’ils ont appris suite à des décennies de guerre, de népotisme, de corruption, de mauvaise gouvernance, d’autoamnistie, et d’impunité. Désapprendre est un processus et une éducation visant la sortie du système d’exclusion mutuelle, en appliquant l’exercice de la subversion qui n’est nullement une destruction ou un rejet, mais qui essaye de comprendre le pourquoi et le comment des choses, de problématiser le canevas épistémologique articulant chaque discours et expression et d’ouvrir la voie à un engagement citoyen protéiforme inclusif.
Il est ainsi plus que temps de dépasser les frontières dites immuables entre individus et communautés, de sortir des ghettos, d’être à l’écoute des attentes et des aspirations de toutes les composantes de la société, de transformer le regard sur l’autre afin qu’il soit dénué de tout projet d’autojustification et le regard sur soi-même pour qu’il ne se complaise pas dans des poncifs convenus. Et au-delà du survivre ou mourir, il est plus que temps de vivre. Or, en nous privant de l’art, ou en limitant l’accès à l’art, on tue notre envie de vivre, et de là, ce qui fait notre humanité.
En effet, la façon dont l’art est intervenu et intervient encore dans l’élaboration d’un projet collectif ou dans l’espace public s’est récemment diversifiée et a acquis de l’importance en tant que stratégie et action citoyennes : concerts véhiculant un message d'unité dans la pluralité et d’engagement citoyen en vue d’une déconfessionnalisation du système socio-politique (Beirut Jam Sessions, Minal Shaab) ; installations publiques dans les rues de villes côtières pour la justice sociale et les droits humains (Haven for Artists) ; graffitis révolutionnaires (Ivan Debs, Spaz, Ring Bridge, Art for Change, Ashekman, Yazan Halwani, REK) ; expositions en ligne alliant artistes émergents et établis suite à l’explosion du port de Beyrouth (arleb.org) ; ateliers de thérapie par l’art (Meadows, A+ Initiatives) ; publications d’ouvrages collectifs sur la préservation de la mémoire et la résistance culturelle (Beyrouth mon amour, 4 août 2020 18h07 ; The Beirut Call : Harnessing Creativity for Change ; Beirut Urban Ruins : Save it on Paper), etc.
Photo prise par Pamela Chrabieh lors d'une intervention artistique par "Haven for Artists" en avril 2021 a Gemmayzeh et Mar Mikhaël
Ces exemples et bien d’autres encore nous rappellent l’importance de l’art puisque celui-ci nous permet de mieux collaborer les uns avec les autres, d’identifier des problèmes et de les résoudre, de gérer les émotions, de guérir les blessures, de favoriser l'écoute, la réflexion, l'imagination, l'observation, le décentrement, le questionnement... et certainement, de construire une société saine. Il est à noter qu’en novembre 2019, l’Organisation mondiale de la santé publiait un rapport reposant sur 900 articles scientifiques qui affirment l’impact bénéfique de l’art sur la santé physique et mentale. D'où l'importance de généraliser les activités et les interventions artistiques au côté des protocoles thérapeutiques en milieu hospitalier, dans l’éducation mais aussi dans la vie de tous les jours pour améliorer le bien-être individuel et collectif.
Par ailleurs, lorsqu’il n’est pas instrumentalisé par des partis politiques ni n’est utilisé pour la propagande étatique, l’art offre des opportunités d’éducation à la citoyenneté et peut, par conséquent, entraîner une prise de conscience en vue de la convivialité. En ce sens, de plus en plus d’académiciens et d’artistes entreprennent des recherches sur l’art et la citoyenneté et forment des réseaux de collaboration locale et régionale tel celui de l’Université Dar al-Kalima. Celui-ci promeut notamment une citoyenneté active et inclusive définie par la participation et non par l'idéologie, et appelle à la pensée et la pratique de l'art comme véhicule de participation pour approfondir les discussions publiques sur les questions civiques et les valeurs fondamentales.
Malheureusement, les défis socio-économiques auxquels se heurtent une large partie d’artistes, d’entreprises créatives et d’organismes s’accumulent au fil des jours au Liban, sans compter l’exacerbation des identités meurtrières, le recul des libertés et la sacralisation de la politique mafieuse. Dans cette perspective, si les lieux de la pensée et de la pratique libres et libératrices – qu’ils soient formels ou non – ne s’élargissent pas, et notamment à travers l’art, il est à craindre que beaucoup de Libanais ne pourront désapprendre ce qu’ils ont appris suite à des décennies de guerre, de népotisme, de corruption, de mauvaise gouvernance, d’autoamnistie, et d’impunité. Désapprendre est un processus et une éducation visant la sortie du système d’exclusion mutuelle, en appliquant l’exercice de la subversion qui n’est nullement une destruction ou un rejet, mais qui essaye de comprendre le pourquoi et le comment des choses, de problématiser le canevas épistémologique articulant chaque discours et expression et d’ouvrir la voie à un engagement citoyen protéiforme inclusif.
Il est ainsi plus que temps de dépasser les frontières dites immuables entre individus et communautés, de sortir des ghettos, d’être à l’écoute des attentes et des aspirations de toutes les composantes de la société, de transformer le regard sur l’autre afin qu’il soit dénué de tout projet d’autojustification et le regard sur soi-même pour qu’il ne se complaise pas dans des poncifs convenus. Et au-delà du survivre ou mourir, il est plus que temps de vivre. Or, en nous privant de l’art, ou en limitant l’accès à l’art, on tue notre envie de vivre, et de là, ce qui fait notre humanité.
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