©L'Inde, composée à 80% d'hindous, est en réalité une mosaïque d'ethnies et de religions différentes que le Mahatma Gandhi souhaitait voir coexister dans le cadre d'un État laïc. (AFP)
Loin du projet laïque et multiculturel du Mahatma Gandhi, l'Inde se tourne de plus en plus vers une identité ethno-religieuse. L'idéologie du "Hindutva" (nationalisme hindou) est portée par le parti BJP (Bharatiya Janata Party) dont fait partie le Premier ministre Narendra Modi, qui a néanmoins pris soin d'atténuer la rhétorique discriminatoire dont il usait allègrement lorsqu'il était gouverneur de l'État du Gujarat. De nombreux membres des minorités dénoncent la polarisation croissante de la société, ainsi que la centralité de l'idéologie nationaliste hindou dans la politique indienne que même le parti laïc du Congrès a été contraint d'adopter à des fins électorales.
Arrivé au pouvoir en 2014, le Premier ministre Narendra Modi est porteur d'une politique nationaliste hindou, mais a atténué la rhétorique polarisante dont il usait lorsqu'il était gouverneur du Gujarat. (AFP)
Le prêtre hindou Jairam Mishra, qui officie sur les rives du Gange, parle d'une voix douce mais, 75 ans après la naissance de l'Inde, indépendante et laïque, son message est acerbe : "nous devons, désormais, trancher toutes les mains qui s'élèvent contre l'hindouisme".
En 1947, quand l'Inde a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne, le projet du Mahatma Gandhi, fervent hindou, était d'en faire un État laïque et multiculturel, afin que "chaque homme jouisse de l'égalité de statut, quelle que soit sa religion". "L'État se doit d'être totalement laïque", prônait Gandhi, assassiné par un fanatique hindou, moins d'un an après.
Jairam Mishra juge cette idée inadéquate aujourd'hui. "Si quelqu'un vous gifle une joue, Gandhi disait qu'il fallait tendre l'autre", déclare à l'AFP ce brahmane de Varanasi, ville sainte de l'hindouisme, dans l'Uttar Pradesh.
Cet État, le plus peuplé de l'Inde, est dirigé par de puissants partisans de l'"Hindutva", projet d'hégémonie hindoue. "Les hindous hésitent même à tuer un moustique, mais les autres communautés exploitent cet état d'esprit et continueront à nous dominer si nous ne changeons pas", poursuit le religieux.
Près de 80% de 1,4 milliard d'habitants de l'Inde sont hindous. "Nous devons changer avec l'époque", ajoute-t-il, "nous devons, désormais, trancher toutes les mains qui s'élèvent contre l'hindouisme".
Ces dernières années, l'extrême droite a accru ses campagnes appelant à faire de l'Inde une nation hindoue et à l'inscrire dans la constitution, pour se protéger des 210 millions de musulmans du pays.
Les grands chantiers hindous se multiplient
Durant le mandat du président Modi, les attaques contre la minorité musulmane, accusée de menacer l'unité nationale et d'être une cinquième colonne au service du Pakistan, se sont multipliées. (AFP)
Ce projet est déjà en œuvre, à en croire la rhétorique du parti nationaliste hindou, Bharatiya Janata Party (BJP), et les grands chantiers hindous qui galvanisent sa base depuis l'arrivée au pouvoir en 2014 du Premier ministre Narendra Modi, leur chef de file.
Comme ce grand temple hindou en construction, dans la ville sainte d'Ayodhya, sur le site d'une mosquée de l'ère moghole, détruite, il y a trente ans, par des fanatiques hindous. Cet événement avait déclenché des émeutes interconfessionnelles dans tout le pays où plus de 1.000 personnes avaient trouvé la mort.
Le BJP patronne l'érection d'une statue à l'effigie du roi Chhatrapati Shivaji, guerrier hindou du XVIIe siècle, haute de 210 mètres, au large de Bombay, d'un coût de 300 millions de dollars.
En décembre dernier, M. Modi a inauguré en grande pompe des travaux autour d'un important temple hindou, dans sa circonscription de Varanasi, avant la retransmission de ses ferventes ablutions dans le Gange, en direct à la télévision.
Il y avait remporté une première victoire, écrasante, aux élections nationales et ses succès dans le développement de cette cité sont reconnus même parmi ses détracteurs.
"Les infrastructures, les routes, les projets de berges et la propreté, tout s'est amélioré", admet Syed Feroz Hussain, musulman de 44 ans, employé d'un hôpital.
"Mais il y a aussi trop de violence et de meurtres liés à la religion et un sentiment constant de tension et de haine" entre les communautés, ajoute-t-il, se disant "très inquiet" pour l'avenir de ses enfants.
Une rhétorique polarisante
La nouvelle présidente de l'Inde, Droupadi Murmu, a été investie dans ses fonctions en juillet dernier, devenant la première cheffe de l'État d'origine tribale du pays. Ce choix du BJP visait essentiellement à améliorer son image et camoufler sa politique nationaliste hindou. (AFP)
Selon le professeur Harsh V. Pant, du King's College de Londres, l'ascension du BJP a bénéficié des positions du Congrès, parti de Gandhi, qui a dirigé le pays pendant des décennies. Tout en prêchant la laïcité, le Congrès s'est mis au service des éléments extrémistes des deux grandes religions à des fins électorales, explique-t-il.
Depuis la destruction de la mosquée d'Ayodhya, le BJP a exploité la fibre hindoue désormais "au cœur de la politique indienne", estime M. Pant. "Tout le monde croit à son discours, y répond, a l'impression que personne d'autre n'a d'idées", ajoute-t-il, "ils sont là pour les deux ou trois prochaines décennies".
C'est du pain béni pour les suprémacistes, à l'instar de l'organisation Vishwa Hindu Parishad. "Nous sommes une nation hindoue parce que l'identité de l'Inde est hindoue", déclare à l'AFP son leader Surendra Jain. Selon lui, la laïcité est "une malédiction et une menace pour l'existence de l'Inde". "Cela ne signifie pas que les autres doivent partir", poursuit-il, "ils peuvent vivre en paix mais le caractère et l'éthique de l'Inde seront toujours hindous".
M. Modi se garde de cette rhétorique polarisante dont il usait quand il dirigeait l'État du Gujarat, mais ses détracteurs lui reprochent de laisser les personnalités de son parti tenir des discours incendiaires. Et ses actes, disent-ils, satisfont amplement les partisans de l'Hindutva.
À 52 ans, Nasir Jamal Khan, gardien d'une mosquée de Varanasi, confie à l'AFP "ressentir une fracture croissante", alors que ses "ancêtres sont nés" en Inde.
Selon lui, les élus de l'Inde devraient cesser d'invoquer la religion : "je vois le Premier ministre comme un père de famille. Un père ne doit pas traiter ses enfants différemment".
Avec AFP
Arrivé au pouvoir en 2014, le Premier ministre Narendra Modi est porteur d'une politique nationaliste hindou, mais a atténué la rhétorique polarisante dont il usait lorsqu'il était gouverneur du Gujarat. (AFP)
Le prêtre hindou Jairam Mishra, qui officie sur les rives du Gange, parle d'une voix douce mais, 75 ans après la naissance de l'Inde, indépendante et laïque, son message est acerbe : "nous devons, désormais, trancher toutes les mains qui s'élèvent contre l'hindouisme".
En 1947, quand l'Inde a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne, le projet du Mahatma Gandhi, fervent hindou, était d'en faire un État laïque et multiculturel, afin que "chaque homme jouisse de l'égalité de statut, quelle que soit sa religion". "L'État se doit d'être totalement laïque", prônait Gandhi, assassiné par un fanatique hindou, moins d'un an après.
Jairam Mishra juge cette idée inadéquate aujourd'hui. "Si quelqu'un vous gifle une joue, Gandhi disait qu'il fallait tendre l'autre", déclare à l'AFP ce brahmane de Varanasi, ville sainte de l'hindouisme, dans l'Uttar Pradesh.
Cet État, le plus peuplé de l'Inde, est dirigé par de puissants partisans de l'"Hindutva", projet d'hégémonie hindoue. "Les hindous hésitent même à tuer un moustique, mais les autres communautés exploitent cet état d'esprit et continueront à nous dominer si nous ne changeons pas", poursuit le religieux.
Près de 80% de 1,4 milliard d'habitants de l'Inde sont hindous. "Nous devons changer avec l'époque", ajoute-t-il, "nous devons, désormais, trancher toutes les mains qui s'élèvent contre l'hindouisme".
Ces dernières années, l'extrême droite a accru ses campagnes appelant à faire de l'Inde une nation hindoue et à l'inscrire dans la constitution, pour se protéger des 210 millions de musulmans du pays.
Les grands chantiers hindous se multiplient
Durant le mandat du président Modi, les attaques contre la minorité musulmane, accusée de menacer l'unité nationale et d'être une cinquième colonne au service du Pakistan, se sont multipliées. (AFP)
Ce projet est déjà en œuvre, à en croire la rhétorique du parti nationaliste hindou, Bharatiya Janata Party (BJP), et les grands chantiers hindous qui galvanisent sa base depuis l'arrivée au pouvoir en 2014 du Premier ministre Narendra Modi, leur chef de file.
Comme ce grand temple hindou en construction, dans la ville sainte d'Ayodhya, sur le site d'une mosquée de l'ère moghole, détruite, il y a trente ans, par des fanatiques hindous. Cet événement avait déclenché des émeutes interconfessionnelles dans tout le pays où plus de 1.000 personnes avaient trouvé la mort.
Le BJP patronne l'érection d'une statue à l'effigie du roi Chhatrapati Shivaji, guerrier hindou du XVIIe siècle, haute de 210 mètres, au large de Bombay, d'un coût de 300 millions de dollars.
En décembre dernier, M. Modi a inauguré en grande pompe des travaux autour d'un important temple hindou, dans sa circonscription de Varanasi, avant la retransmission de ses ferventes ablutions dans le Gange, en direct à la télévision.
Il y avait remporté une première victoire, écrasante, aux élections nationales et ses succès dans le développement de cette cité sont reconnus même parmi ses détracteurs.
"Les infrastructures, les routes, les projets de berges et la propreté, tout s'est amélioré", admet Syed Feroz Hussain, musulman de 44 ans, employé d'un hôpital.
"Mais il y a aussi trop de violence et de meurtres liés à la religion et un sentiment constant de tension et de haine" entre les communautés, ajoute-t-il, se disant "très inquiet" pour l'avenir de ses enfants.
Une rhétorique polarisante
La nouvelle présidente de l'Inde, Droupadi Murmu, a été investie dans ses fonctions en juillet dernier, devenant la première cheffe de l'État d'origine tribale du pays. Ce choix du BJP visait essentiellement à améliorer son image et camoufler sa politique nationaliste hindou. (AFP)
Selon le professeur Harsh V. Pant, du King's College de Londres, l'ascension du BJP a bénéficié des positions du Congrès, parti de Gandhi, qui a dirigé le pays pendant des décennies. Tout en prêchant la laïcité, le Congrès s'est mis au service des éléments extrémistes des deux grandes religions à des fins électorales, explique-t-il.
Depuis la destruction de la mosquée d'Ayodhya, le BJP a exploité la fibre hindoue désormais "au cœur de la politique indienne", estime M. Pant. "Tout le monde croit à son discours, y répond, a l'impression que personne d'autre n'a d'idées", ajoute-t-il, "ils sont là pour les deux ou trois prochaines décennies".
C'est du pain béni pour les suprémacistes, à l'instar de l'organisation Vishwa Hindu Parishad. "Nous sommes une nation hindoue parce que l'identité de l'Inde est hindoue", déclare à l'AFP son leader Surendra Jain. Selon lui, la laïcité est "une malédiction et une menace pour l'existence de l'Inde". "Cela ne signifie pas que les autres doivent partir", poursuit-il, "ils peuvent vivre en paix mais le caractère et l'éthique de l'Inde seront toujours hindous".
M. Modi se garde de cette rhétorique polarisante dont il usait quand il dirigeait l'État du Gujarat, mais ses détracteurs lui reprochent de laisser les personnalités de son parti tenir des discours incendiaires. Et ses actes, disent-ils, satisfont amplement les partisans de l'Hindutva.
À 52 ans, Nasir Jamal Khan, gardien d'une mosquée de Varanasi, confie à l'AFP "ressentir une fracture croissante", alors que ses "ancêtres sont nés" en Inde.
Selon lui, les élus de l'Inde devraient cesser d'invoquer la religion : "je vois le Premier ministre comme un père de famille. Un père ne doit pas traiter ses enfants différemment".
Avec AFP
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