Le président de la Chambre Nabih Berry s’est déchaîné contre le camp de Michel Aoun, déconstruisant son argumentation au sujet de la présidentielle.
Pendant qu’au palais présidentiel de Baabda le Premier ministre désigné Nagib Mikati discutait encore une fois avec le président Michel Aoun de la formule d’un hypothétique nouveau gouvernement, le président de la Chambre Nabih Berry tirait à boulets rouges depuis Tyr sur le camp présidentiel et définissait le profil du nouveau chef de l’État.
À quelques heures du début du délai officiel pour l’élection d’un nouveau président, mercredi à minuit, le paysage politique local semble ainsi se compliquer. La violence des propos du président du Parlement, un farouche détracteur du camp présidentiel, notamment du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, augure d’un renforcement de l’épreuve de force politique qui porte tant sur le dossier gouvernemental que sur la présidentielle. Le camp du chef de l’État, dont la responsabilité est pointée du doigt au niveau de l’aliénation de la souveraineté libanaise à cause de la caution qu’il apporte au Hezbollah ou encore de son incapacité à freiner l’effondrement et à proposer des solutions, cherche à tout prix à consolider ses acquis avant la fin du sexennat. Que ce soit à travers un gouvernement qu’il pourra contrôler ou en se positionnant comme un acteur incontournable dans le choix du nouveau président. En face, l’opposition, mais aussi Nabih Berry, l’allié du Hezbollah, semblent vouloir mettre tout leur poids dans la balance pour empêcher le CPL fondé par Michel Aoun d’atteindre ses objectifs.
Plusieurs personnalités politiques et religieuses étaient présentes à la cérémonie de commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr. ©Hassan Ibrahim
Le discours prononcé par Nabih Berry pour la 44ᵉ commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de ses compagnons en Libye a officiellement ouvert la bataille présidentielle, d’autant qu’il constitue une réponse directe à Gebran Bassil, qui dans une interview accordée il y a deux jours au quotidien libanais al-Akhbar, s’est pratiquement posé en faiseur incontestable et incontournable de président, revenant sur le caractère indispensable selon lui de la représentativité du successeur de Michel Aoun au niveau chrétien.
À ce critère qu’il répète comme un leitmotiv, Nabih Berry a opposé d’autres, sur un ton qui trahissait une animosité à peine contenue contre le chef du CPL qu’il n’a d’ailleurs à aucun moment cité. «Nous allons voter pour une personnalité qui rassemble et ne divise pas, qui unifie les Libanais et ne les monte pas les uns contre les autres, qui voit en Israël une menace existentielle, qui soit soutenue par une forte base chrétienne, mais aussi musulmane, et qui soit surtout nationale. Nous voterons pour une personnalité qui croit aux constantes nationales, qui est capable de faire face aux défis et qui ne soit pas elle-même un défi à la volonté des Libanais», a-t-il dit, dans une allusion directe à Gebran Bassil, décrié par un grand nombre de Libanais.
S’adressant à ce dernier qui avait exposé les scénarios possibles au cas où le mandat de Michel Aoun prendrait fin avant qu’un nouveau gouvernement ne soit formé, Nabih Berry a martelé: «Ce qui n’est pas normal du tout, c’est de manipuler ou de violer la Constitution ou encore d’inventer des jurisprudences qui correspondent aux ambitions de tel ou tel autre parmi les candidats dits naturels». Entre autres scénarios, le chef du CPL avait évoqué le maintien de Michel Aoun à Baabda ou encore la formation d’un gouvernement qui serait présidé par une personnalité autre que Nagib Mikati, alors que la Constitution d’après Taëf n’accorde pas cette prérogative au chef de l’État. «À ceux qui veulent jouer aux malins et nous ramener à l’avant Taëf, nous rappelons que le Liban est une République démocratique parlementaire au sein de laquelle la Chambre représente le peuple et qu'elle est dotée, seule, de la compétence qui consiste à interpréter la Constitution. (…) La responsabilité du Parlement et de son président consiste à imposer le respect des délais constitutionnels pour l’élection d’un président», a-t-il commenté, sans pour autant dire quand, ou s’il compte convoquer la Chambre pour élire un successeur à Michel Aoun, avant le 31 octobre 2022.
Des milliers de personnes ont pris part à la cérémonie organisée à Tyr pour la 44e commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr. ©Hassan Ibrahim
Fustigeant ceux qui «œuvrent pour entraîner le pays vers un vide institutionnel», le président de la Chambre a encouragé la formation d’un gouvernement doté des pleins pouvoirs.
Contrairement à son allié, le Hezbollah, il n’a pas préconisé un renflouement de l’équipe actuelle. M. Berry a en revanche stigmatisé la proposition aouniste qui consiste à mettre en place un cabinet de 30 ministres dont six sans portefeuilles. «Ces six vont servir à quoi? Souvenons-nous du gouvernement de Tammam Salam avec 24 ministres dont chacun a fini par devenir président de la République», a-t-il insisté.
Zéro électricité
Nabih Berry s’est littéralement déchaîné contre le courant aouniste, stigmatisant sa gestion des affaires publiques et notamment du secteur de l’énergie auquel le parti de Michel Aoun s’accroche comme si sa survie en dépendait. «En toute franchise, le Liban traverse la pire période de son histoire. Malheureusement, les défis et les dangers auxquels il est exposé sont abordés par certains avec la pire et la plus grave des mentalités. Leur approche est faite de haine, de rancœurs et de rancune. Ils sont littéralement déconnectés de la réalité», a asséné Nabih Berry avant de lancer: «Y a-t-il un seul pays au monde qui a zéro heure de courant? Y-a-t-il un seul pays où une effroyable crise du pain et du carburant éclate et se termine sans qu’on ne comprenne ce qui s’est passé? Y a-t-il quelqu’un au sein de ce pouvoir qui se cache derrière le slogan 'on ne nous a pas laissé travailler' qui peut nous expliquer pourquoi l’autorité de régulation du secteur de l’énergie n’a toujours pas été mise en place, ce qui nous prive du gaz de l’Égypte et de l’électricité de Jordanie?».
Devant le ministre sortant de l’Énergie Walid Fayad, qui faisait partie des personnalités présentes à la cérémonie, M. Berry s’est lâché, accusant le CPL (qui gère le ministère de l’Énergie depuis plus de dix ans) de «prétexter la nécessité de modifier la loi correspondante, adoptée il y a une dizaine d’années et qu’il n’a jamais voulu appliquer», parce que sa mise en place affaiblit le ministre de tutelle. «Cette affaire d’autorité de tutelle a drainé le Trésor. Le coût du refus de la mettre en place équivaut au tiers de la dette publique», a-t-il fait valoir, avant de faire état de «74 lois votées par le Parlement, mais qui attendent les décrets d’exécution pour qu’elles deviennent applicables».
M. Berry qui a réitéré son appel à décréter un état d’urgence économique a par ailleurs assuré qu’il «n’acceptera aucune loi ou plan économique et financier qui ne tiennent pas compte des droits des déposants».
Nabih Berry a fustigé le Courant patriotique libre dans son discours à Tyr.
©Hassan Ibrahim
Le dossier des frontières
Abordant le dossier de la démarcation des frontières maritimes sud avec Israël, il a assuré son attachement à défendre «de toutes nos forces notre frontière, notre territoire, notre gaz et notre pétrole». Mais s’il s’est dit favorable à une reprise des négociations indirectes avec Israël, il a averti que celles-ci «ne doivent pas s'éterniser». Nabih Berry a en outre insisté sur le fait que son parti est sur la même longueur d’ondes que le Hezbollah au sujet de ce dossier et reproché au médiateur américain Amos Hochstein d’avoir tardé à communiquer aux autorités libanaises la réponse de Tel-Aviv à leur offre.
Le président de la Chambre a enfin commenté la dégradation de la situation en Irak. S’il s’est félicité de l’appel lancé mardi par le leader chiite Moqtada el-Sadr à ses partisans pour qu’ils se retirent de la Zone verte, il a appelé ce dernier à revenir sur son désengagement politique et à répondre favorablement à l’appel au dialogue lancé par le président Moustafa el-Kazimi.
Pendant qu’au palais présidentiel de Baabda le Premier ministre désigné Nagib Mikati discutait encore une fois avec le président Michel Aoun de la formule d’un hypothétique nouveau gouvernement, le président de la Chambre Nabih Berry tirait à boulets rouges depuis Tyr sur le camp présidentiel et définissait le profil du nouveau chef de l’État.
À quelques heures du début du délai officiel pour l’élection d’un nouveau président, mercredi à minuit, le paysage politique local semble ainsi se compliquer. La violence des propos du président du Parlement, un farouche détracteur du camp présidentiel, notamment du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, augure d’un renforcement de l’épreuve de force politique qui porte tant sur le dossier gouvernemental que sur la présidentielle. Le camp du chef de l’État, dont la responsabilité est pointée du doigt au niveau de l’aliénation de la souveraineté libanaise à cause de la caution qu’il apporte au Hezbollah ou encore de son incapacité à freiner l’effondrement et à proposer des solutions, cherche à tout prix à consolider ses acquis avant la fin du sexennat. Que ce soit à travers un gouvernement qu’il pourra contrôler ou en se positionnant comme un acteur incontournable dans le choix du nouveau président. En face, l’opposition, mais aussi Nabih Berry, l’allié du Hezbollah, semblent vouloir mettre tout leur poids dans la balance pour empêcher le CPL fondé par Michel Aoun d’atteindre ses objectifs.
Plusieurs personnalités politiques et religieuses étaient présentes à la cérémonie de commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr. ©Hassan Ibrahim
Le discours prononcé par Nabih Berry pour la 44ᵉ commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de ses compagnons en Libye a officiellement ouvert la bataille présidentielle, d’autant qu’il constitue une réponse directe à Gebran Bassil, qui dans une interview accordée il y a deux jours au quotidien libanais al-Akhbar, s’est pratiquement posé en faiseur incontestable et incontournable de président, revenant sur le caractère indispensable selon lui de la représentativité du successeur de Michel Aoun au niveau chrétien.
À ce critère qu’il répète comme un leitmotiv, Nabih Berry a opposé d’autres, sur un ton qui trahissait une animosité à peine contenue contre le chef du CPL qu’il n’a d’ailleurs à aucun moment cité. «Nous allons voter pour une personnalité qui rassemble et ne divise pas, qui unifie les Libanais et ne les monte pas les uns contre les autres, qui voit en Israël une menace existentielle, qui soit soutenue par une forte base chrétienne, mais aussi musulmane, et qui soit surtout nationale. Nous voterons pour une personnalité qui croit aux constantes nationales, qui est capable de faire face aux défis et qui ne soit pas elle-même un défi à la volonté des Libanais», a-t-il dit, dans une allusion directe à Gebran Bassil, décrié par un grand nombre de Libanais.
S’adressant à ce dernier qui avait exposé les scénarios possibles au cas où le mandat de Michel Aoun prendrait fin avant qu’un nouveau gouvernement ne soit formé, Nabih Berry a martelé: «Ce qui n’est pas normal du tout, c’est de manipuler ou de violer la Constitution ou encore d’inventer des jurisprudences qui correspondent aux ambitions de tel ou tel autre parmi les candidats dits naturels». Entre autres scénarios, le chef du CPL avait évoqué le maintien de Michel Aoun à Baabda ou encore la formation d’un gouvernement qui serait présidé par une personnalité autre que Nagib Mikati, alors que la Constitution d’après Taëf n’accorde pas cette prérogative au chef de l’État. «À ceux qui veulent jouer aux malins et nous ramener à l’avant Taëf, nous rappelons que le Liban est une République démocratique parlementaire au sein de laquelle la Chambre représente le peuple et qu'elle est dotée, seule, de la compétence qui consiste à interpréter la Constitution. (…) La responsabilité du Parlement et de son président consiste à imposer le respect des délais constitutionnels pour l’élection d’un président», a-t-il commenté, sans pour autant dire quand, ou s’il compte convoquer la Chambre pour élire un successeur à Michel Aoun, avant le 31 octobre 2022.
Des milliers de personnes ont pris part à la cérémonie organisée à Tyr pour la 44e commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr. ©Hassan Ibrahim
Fustigeant ceux qui «œuvrent pour entraîner le pays vers un vide institutionnel», le président de la Chambre a encouragé la formation d’un gouvernement doté des pleins pouvoirs.
Contrairement à son allié, le Hezbollah, il n’a pas préconisé un renflouement de l’équipe actuelle. M. Berry a en revanche stigmatisé la proposition aouniste qui consiste à mettre en place un cabinet de 30 ministres dont six sans portefeuilles. «Ces six vont servir à quoi? Souvenons-nous du gouvernement de Tammam Salam avec 24 ministres dont chacun a fini par devenir président de la République», a-t-il insisté.
Zéro électricité
Nabih Berry s’est littéralement déchaîné contre le courant aouniste, stigmatisant sa gestion des affaires publiques et notamment du secteur de l’énergie auquel le parti de Michel Aoun s’accroche comme si sa survie en dépendait. «En toute franchise, le Liban traverse la pire période de son histoire. Malheureusement, les défis et les dangers auxquels il est exposé sont abordés par certains avec la pire et la plus grave des mentalités. Leur approche est faite de haine, de rancœurs et de rancune. Ils sont littéralement déconnectés de la réalité», a asséné Nabih Berry avant de lancer: «Y a-t-il un seul pays au monde qui a zéro heure de courant? Y-a-t-il un seul pays où une effroyable crise du pain et du carburant éclate et se termine sans qu’on ne comprenne ce qui s’est passé? Y a-t-il quelqu’un au sein de ce pouvoir qui se cache derrière le slogan 'on ne nous a pas laissé travailler' qui peut nous expliquer pourquoi l’autorité de régulation du secteur de l’énergie n’a toujours pas été mise en place, ce qui nous prive du gaz de l’Égypte et de l’électricité de Jordanie?».
Devant le ministre sortant de l’Énergie Walid Fayad, qui faisait partie des personnalités présentes à la cérémonie, M. Berry s’est lâché, accusant le CPL (qui gère le ministère de l’Énergie depuis plus de dix ans) de «prétexter la nécessité de modifier la loi correspondante, adoptée il y a une dizaine d’années et qu’il n’a jamais voulu appliquer», parce que sa mise en place affaiblit le ministre de tutelle. «Cette affaire d’autorité de tutelle a drainé le Trésor. Le coût du refus de la mettre en place équivaut au tiers de la dette publique», a-t-il fait valoir, avant de faire état de «74 lois votées par le Parlement, mais qui attendent les décrets d’exécution pour qu’elles deviennent applicables».
M. Berry qui a réitéré son appel à décréter un état d’urgence économique a par ailleurs assuré qu’il «n’acceptera aucune loi ou plan économique et financier qui ne tiennent pas compte des droits des déposants».
Nabih Berry a fustigé le Courant patriotique libre dans son discours à Tyr.
©Hassan Ibrahim
Le dossier des frontières
Abordant le dossier de la démarcation des frontières maritimes sud avec Israël, il a assuré son attachement à défendre «de toutes nos forces notre frontière, notre territoire, notre gaz et notre pétrole». Mais s’il s’est dit favorable à une reprise des négociations indirectes avec Israël, il a averti que celles-ci «ne doivent pas s'éterniser». Nabih Berry a en outre insisté sur le fait que son parti est sur la même longueur d’ondes que le Hezbollah au sujet de ce dossier et reproché au médiateur américain Amos Hochstein d’avoir tardé à communiquer aux autorités libanaises la réponse de Tel-Aviv à leur offre.
Le président de la Chambre a enfin commenté la dégradation de la situation en Irak. S’il s’est félicité de l’appel lancé mardi par le leader chiite Moqtada el-Sadr à ses partisans pour qu’ils se retirent de la Zone verte, il a appelé ce dernier à revenir sur son désengagement politique et à répondre favorablement à l’appel au dialogue lancé par le président Moustafa el-Kazimi.
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