Les répercussions au Liban de l'accord nucléaire avec l'Iran
Les observateurs qui suivent de près le dossier nucléaire iranien s’accordent à confirmer que l’élaboration de l’accord est achevée, et qu’il ne reste plus qu’à décider du timing de son annonce. La date peut être proche, comme elle pourrait aussi ne pas être fixée pour bientôt, et ceci pour plusieurs raisons. Alors qu'il est devenu clair que les Israéliens font pression en dernière minute pour empêcher la signature de cet accord, les Européens, eux, sont occupés à le promouvoir en raison de leur besoin urgent en pétrole iranien.

Au Liban, tout le monde attend de pied ferme les répercussions de cette entente. Alors que certains craignent que l'influence, la puissance et l'autorité du Hezbollah ne continuent de croître, d'autres excluent que l’accord en question ait des répercussions directes, puisque la crise majeure actuelle au Liban est de nature économique, qui laisse la communauté internationale de glace,cette dernière ayant choisi d’agir selon la règle du «débrouillez-vous comme vous pouvez».

Une personnalité politique libanaise ayant suivi de près la signature de l'accord nucléaire à l'époque de l'ancien président américain Barack Obama, raconte à Ici Beyrouth comment les monarchies du Golfe  et le Liban officiel – qui participait aux réunions de l'Assemblée générale des Nations unies – ont accueilli avec surprise la nouvelle de la signature de l'accord entre Téhéran et Washington. Cette personnalité, qui faisait alors partie de la délégation libanaise à New York, indique que cette annonce avait provoqué un grand mécontentement parmi les dirigeants des pays du Golfe qui participaient aux sessions de l'Assemblée, et qui n’avaient pas été préalablement avertis de la date à laquelle l’accord allait être signé. Par conséquent, il ne semble pas improbable qu'aujourd'hui, à tout moment, la signature de l’accord sur le nucléaire soit annoncée à l'improviste, puisque toutes les informations confirment que de grands progrès ont été réalisés dans ce domaine.

Pression israélienne 

L'ancien ambassadeur du Liban à Washington, Riad Tabbara, estime que «malgré les nombreux obstacles surmontés par les négociations, qui sont à un stade très avancé, il reste des facteurs importants sur lesquels il n’y a toujours pas eu de consensus». Il explique que, «ces facteurs sont liés aux milices affiliées à l'Iran dans la région, car (comme c'était le cas avec le précédent accord sous l'ère Obama) le nouvel accord doit porter sur les relations de l'Iran avec les pays voisins». Il a affirmé à Ici Beyrouth que «les Israéliens font pression pour empêcher la signature de l'accord, et que les responsables multiplient les visites à Washington pour avertir d’un scénario peu favorable». Il a précisé que le document est lié à la libération des fonds saisis par l'Iran, en particulier appartenant à la Corée du Sud, ainsi qu’une «autorisation d’exporter 50 millions de barils de pétrole par jour, ce qui enrichira le pays, avec pour résultat de renforcer son rôle et son influence dans les pays de la région. En conséquence, l’Iran sera capable d’augmenter le financement de ses milices dans la région».

Riad Tabbara exclut que l'accord ait des répercussions directes sur la scène libanaise, comme l’option de remettre au Hezbollah les rênes du pays. L’ancien ambassadeur estime que «les circonstances sont aujourd’hui complètement différentes, et le parti chiite, contrairement à ce qui se dit, est incapable d'imposer son autorité totale à l'intérieur du Liban, sinon il l’aurait fait en nommant un président de la République de son choix».  Et d’ajouter: «Chaque parti au Liban bénéficie d'un droit de veto et d'obstruction, et personne n'est en mesure de contrôler pleinement le pays, même le Hezbollah, dont le pouvoir et l'influence peuvent être accrus par l'accord nucléaire, car son financement sera susceptible d'augmenter. Mais tout ceci ne sera pas aussi fatal pour le Liban, pour la simple raison qu’Israël ne permettra pas cet état de fait».

Des compromis qui englobent la région... et le Liban ?


Le général à la retraite et proche du parti pro-iranien, Amine Hoteit, estime pour sa part que «l'accord sera le début d'une phase de compromis dans la région, y compris au Liban», et ses premières répercussions risquent d’être ressenties sur le dossier présidentiel. Cela se mettra en place en «entravant la route aux candidats des différents axes au profit de candidats dits de consensus».  Il ajoute dans une interview à Ici Beyrouth: «Lorsque nous parlons de compromis qui affecteront la région, nous n’impliquons pas que ceci se produira demain, mais plutôt dans un délai de deux à cinq ans».

Amine Hoteit exclut que le résultat de l'accord favorisera un parti politique libanais au détriment d'un autre, soulignant que «le pays bénéficiera sans aucun doute de cet accord, car des compromis potentiels régionaux se traduiront à travers une certaine stabilité qui se reflètera automatiquement sur nous». «En revanche, ce qui est certain, c'est que l'accord sera dénué d'impact significatif sur les armements de l'Iran dans la région», ajoute-t-il.

Concernant les raids aériens lancés par l'armée américaine le mardi 23 août contre des groupes soutenus par l'Iran à Deir el-Zor en Syrie, Amine Hoteit explique: «Ce genre d’attaques est considéré comme chose normale dans les négociations, et c'est une étape qui précède la signature. C’est ce que l'on appelle négocier "sous la pression du   feu", dans le but de parfaire les termes de la négociation, mais cela ne portera pas atteinte à l'accord».

Les armes de l’Iran maintenues…

Par ailleurs, le professeur de sciences politiques à l’Université américaine de Beyrouth, Hilal Khachane, considère «que la crise actuelle au Liban est principalement financière et économique, et c’est une crise dont l’Iran n’est pas responsable, contrairement à de nombreuses autres crises». Le professeur clarifie ses propos: «Une stabilité régionale peut conduire à la stabilité du Liban. Mais, soyons clairs sur un point essentiel: aucun pays ne se soucie du Liban au vu de la corruption qui y sévit, et suite à l’effondrement qui dure depuis trois ans, et où aucune autorité n’a été capable d’entreprendre des réformes sérieuses. Au contraire, l’État et le système ne font que drainer l’argent des déposants dans les banques».

Hilal Khashan souligne qu’aujourd’hui, la priorité de l’Iran n’est pas de posséder la bombe atomique en tant que telle. «Ce qui lui importe vraiment, c'est de disposer de la technologie nécessaire lui permettant de fabriquer une bombe en deux ou trois semaines. Le plus fondamental pour l’Iran en ce moment, c’est de préserver son arsenal militaire dans la région à travers lequel il poursuivrait l'expansion de la pensée Khomeyniste, et assurer sa mainmise sur les pays voisins», souligne-t-il. Le professeur affirme que «le Moyen-Orient est devenu une région qui ne préoccupe plus les États-Unis, confortés par l'omniprésence d'Israël». Et Hilal Khachane de conclure: «Au final, l’Iran veut lutter contre la montée en puissance industrielle de la Chine dans l’économie mondiale. De ce fait, il s’est engagé à forger des alliances avec les pays voisins, et en fait son cheval de bataille dans l’étape actuelle».
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