Bassil: «Nous n’accorderons pas la confiance au gouvernement sortant»
«Nous n’allons pas reconnaître la légitimité du gouvernement sortant après la fin du mandat du président Michel Aoun», a prévenu le chef du CPL, Gebran Bassil, mardi, lors d’une conférence de presse.  

De retour après des vacances passées en Grèce, le visage reposé et le teint bien bronzé, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a lancé des attaques au vitriol en direction de ses adversaires politiques dans le cadre d’une conférence de presse mardi après-midi.

Le gendre du président de la République a articulé son discours autour de trois thèmes principaux: le système judiciaire, la formation du gouvernement et l’élection présidentielle, en écorchant vif le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, le Premier ministre désigné, Najib Mikati, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, ainsi que le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel.

Gebran Bassil s’est d’abord lancé dans une diatribe contre le système judiciaire libanais, accusant certains juges d’être «soudoyés par le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, pour éviter d’ouvrir des enquêtes le concernant». «Nous n’avons pas honte de clamer haut et fort que nous voulons retirer Riad Salamé de la BDL, mais plusieurs juges, journalistes, médias et politiques le défendent car ils perçoivent des sommes d’argent en contrepartie de leur silence», a-t-il dénoncé. Il s’est déchaîné contre M. Salamé et contre les juges libanais qui «ne l’arrêtent pas» dans le cadre des enquêtes ouvertes en France et au Luxembourg suite à des plaintes déposées contre lui par des groupes occultes au sujet d’activités «douteuses» qui lui sont attribuées et qui, de l’avis de M. Bassil, «feront sans doute l’objet de nombreux scandales».

Le député de Batroun s’est ensuite penché sur la grève des magistrats, critiquant l’interruption du travail judiciaire sur trois dossiers qu’il considère d’une «importance nationale». «Il est du droit des juges de faire la grève, sans que cela interrompe le cours du travail judiciaire, plus précisément dans les affaires de l’explosion du port de Beyrouth, (le 4 août 2020), de l’évasion des capitaux, ainsi que des prisons. J’accuse de ce fait le Conseil supérieur de la magistrature d’obstruction à la justice», a-t-il tancé. «Les deux premiers dossiers sont bloqués à cause de pressions politiques», a-t-il indiqué, visant le mouvement Amal pointé du doigt pour avoir empêché le juge d’instruction Tarek Bitar de continuer son enquête.

«Quant à la fuite des capitaux, elle constitue un crime qui doit être pénalisé, puisqu’il est organisé et élaboré sur base d’ingénieries financières, fomentées par le Premier ministre, le gouverneur de la BDL et certains juges, avec pour seul but d’appauvrir le peuple libanais», a-t-il poursuivi. «Pour ce qui est des prisons, la situation est intenable en raison de la surpopulation carcérale et du fait que certains magistrats n’effectuent pas leur travail». Et M. Bassil de commenter: «Tout juge qui se dérobe à ses devoirs doit être jugé».


La formation d’un gouvernement

Le leader du parti orange s’est par ailleurs déchaîné contre le Premier ministre désigné, Najib Mikati, l’accusant de bloquer la formation du gouvernement. «Hier, Najib Mikati a déclaré qu’en cas de vide présidentiel, le gouvernement sortant assumera les responsabilités et les compétences du chef de l’État. Toutefois, nous refuserons d’attribuer notre confiance à ce gouvernement, car il ne peut pas à la fois gérer les affaires courantes et assumer les prérogatives du président de la République. Ce cumul relève du chaos constitutionnel», a-t-il souligné. «Nous n’allons pas reconnaître la légitimité du gouvernement sortant après la fin du mandat du président Michel Aoun», a-t-il prévenu, d'un ton catégorique. «Nous le considérerons illégal, illégitime, inconstitutionnel, même si tout le monde vient à l’accepter», a-t-il martelé. «Formez un gouvernement au plus vite, en dépit des conseils ou des instructions que vous recevez de l’étranger», a menacé Gebran Bassil, en s’adressant à M. Mikati, jugé responsable par le camp présidentiel d’entraver les efforts pour former un cabinet afin de rester au pouvoir après le départ de Michel Aoun de Baabda. Et d’ajouter: «Former un gouvernement n’empêche pas la tenue de l’élection présidentielle. Au contraire, la formation du gouvernement reste une garantie pour le pays, mais ne signifie pas que l’élection d’un président n’est pas tout aussi importante».

L’élection présidentielle

En abordant ce point, Gebran Bassil a tiré à boulets rouges sur tous ceux qui critiquent le mandat de son beau-père. «L’histoire de Michel Aoun ne se résume pas à deux mois. Il ne pourra jamais se dissocier de l’histoire ou de la géographie de ce pays et il restera à jamais présent dans l’esprit des Libanais», a-t-il dit en réponse au chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui avait prononcé dimanche un discours virulent contre le chef de l’État, après la célébration de la messe annuelle à l’intention des martyrs de la Résistance libanaise. «Nous refusons de recevoir des conseils d’une personne qui souffre de maladies mentales et qui prétend détenir la majorité chrétienne au Parlement. Il n’a qu’à revenir sur son passé, lui qui a tué des enfants, des politiciens, des hommes d’État et des officiers de l’armée. En discréditant la fonction présidentielle, il commet un crime d’ordre moral envers les chrétiens du Liban», a-t-il relevé.

Le responsable aouniste a par la suite inclus le chef du parti Kataëb Samy Gemayel dans ses attaques, le traitant d’«agent» et l’accusant d’avoir participé «en catimini» aux côtés des FL aux affrontements de Tayyouneh entre des partisans du parti de M. Geagea et d’autres d’Amal et du Hezbollah qui avaient investi le quartier de Aïn el-Remmaneh, en octobre 2021. «Le duo de Tayyouneh n’est autre que deux milices qui se partagent le gâteau et n’ont que des discours haineux et dépourvus de contenu politique, tandis que nous (le CPL) avons un discours bâtisseur, réformateur et de sauvetage. L’un est un malade mental alors que l’autre souffre de troubles psychologiques», a-t-il ironisé, un sourire narquois aux lèvres. «En revanche, nous saluons l’initiative des treize députés du changement et nous leur tendons la main pour unir nos efforts afin d’élire le prochain président», a-t-il noté.

M. Bassil a appelé à élire «une personne qui représente les chrétiens et les musulmans au suffrage universel», indépendamment du fait que «le régime politique libanais soit parlementaire et non pas présidentiel». «Chaque candidat à la présidence doit avoir une grande représentativité chrétienne et être élu sur base d’un vote uninominal à deux tours: le premier sera réservé aux chrétiens et le second se fera au niveau national. Il est donc nécessaire pour le Liban d’adopter un nouveau système politique qui soit moderne, loin du communautarisme et du confessionalisme», a-t-il estimé. «Notre pays doit favoriser la relance de l’économie, des investissements, de l’agriculture, de l’industrie, des services; d’autant plus qu’il bénéficie de ressources naturelles, pétrolières, humaines… Le Liban doit aussi faire partie intégrante de l’Orient, étant donné sa neutralité, son indépendance, sa stratégie de défense nationale, son armée, et son État. Il ne doit pas être soumis à tel ou tel axe», a-t-il conclu.
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