J’ai appris à aimer contre ta peau, d’amour incarné. Il y a peu de temps encore, tu me caressais les joues; ta main, peau de mon visage maintenant, empreinte comme avant et à vie.
Ton crédo, c’est fait avec amour. Ton mystère, que tout geste soit portée d’amour, hacher le persil du taboulé, essuyer la poussière d’un meuble ou arroser tes plantes, transformant simple balcon en luxuriante forêt, lumineuse parmi les klaxons de la ville.
C’est fait avec amour, tu m’as appris que tout acte de création n’est que vaine reproduction s’il lui manque une part de nous, le risque de soi. Que créer commence dans la matière, sublimer le banal, le quotidien. De mouvements nobles et humbles, habiter la vie.
S’il fallait définir l’amour, je parlerais de ton naturel à sacraliser l’ordinaire, à investir d’une même vitalité tous les aspects de la vie, dans un geste qui élève au lieu de juger. Le sacré comme amour, ton amour en parole et actions, ton grand «oui» aux paradoxes de la vie.
J’ai appris à parler sur tes lèvres, à chercher le sens. À nuancer, à chanter faux aussi mais juste cœur et plein corps de cette joie que je trouvais dans ton rire, dans ton courage, fort et doux. Vivre les épreuves comme des occasions pour avancer meilleurs. Se dresser, foncer avec audace. Écrire est devenu mon geste, je te le dois. Je n’ai pas cessé de t’écrire. T’écrire encore aujourd’hui pour tenir ta main, te bercer de voix dans les nuits que je ne connais pas. T’écrire, poursuivre la conversation de toujours, revoir tes yeux écouter avec ce gai sérieux que tu mets en tout acte.
Tu m’as appris, sois humaine surtout. Tu m’as appris en étant toi. Ta discrète générosité, mais surtout plus puissant don de soi. Il y a quelque temps encore, tu me disais être ton soutien, ton socle alors que tu m’es terre qui permet de tenir debout, terre et sa gravité, l’assurance de l’accueil à chaque retour.
Aujourd’hui tu m’apprends la douleur absolue, l’au-delà des larmes. Je ne connais pas de bras comme les tiens, larges, sans limites. Tes bras contenants, douceur qui enveloppe. Seule toi peux me consoler de ta perte, comment faire sans ton corps en vie, ta protection joueuse? Seuls tes bras me consoleraient de ton départ, ton étreinte manque.
Survivre à ton absence? Tu me l’as fait promettre. Avec courage et joie, tu as dit. Si tu m’aimes, tu as ajouté. Je survis oui je te l’ai promis, vivre est une autre histoire.
Partout l’implacable membre fantôme. Comme ce réflexe idiot que j’ai encore de regarder le balcon de la rue, te chercher toi au balcon, guetter tes signes: bénédiction, discrète plaisanterie ou au revoir… Ton visage au-dessus de la rambarde blanche, tes boucles brunes et la bouche qui sourit ou se referme quand je repars en France. J’ai toujours ce regard vers toi, entre les plantes de ta jungle citadine. Ce dernier geste que je rends avec ma main qui se lève penaude de te quitter, mon élan de pudique amour.
Je ne sais pas compter ce temps, ce hiatus où je réajuste : tu n’es pas au balcon, tu ne peux pas, ne le sera plus jamais. Ni temps ni lieu, ce tremblement entre l’avant et le présent. Tu ne m’attendras plus, ne me feras plus ce signe qui crée le départ et sa dimension dramatique. Tu ne te tiendras plus sur ce vertigineux seuil qu’est le balcon, tu ne me signifieras plus ta présence ni mes départs, je ne te quitterai plus.
Tu disais, on n’emporte rien avec soi, on part vidé, vide. Que dire de cette part de moi emportée avec toi. Tu ne pars pas vide maman, mais pleine de l’amour que tu as toujours donné.
Tu ne seras jamais seule, merveilleuse mère. Tu peux te taire comme l’absolu est sans mot humain, tu te tais, mais je t’entends toujours, me tiens contre ta voix odorante, bavarde de passé doux.
On parlera encore, on chantera, on sera, oui, cet amour sans mesure. Des réveils avec en bouche nos refrains, tous les matins, des paroles aussi simples qui me permettent de dire sans l’écrire, sans la charge et les détours des images, mon amour pour toi. Simple comme nos comptines d’enfance, ses bercements.
Seule toi pour me consoler, comment faire sans ton regard, tes gestes, ton humour. Ta vitalité n’a pas quitté notre monde, elle me permet de poursuivre sans et avec. Tu es à chaque instant dans mes paupières. Toi, ce que je vois de plus près; maman, je suis ton astigmate. Tu me disais, toi et moi ongles et peau, ne se détachent pas; tu poursuis cette présence qui ne s’agrippe pas. Parce que tu as ce don de t’ajuster à l’autre, mais sans perdre ta singularité, la grâce d’être avec, mais sans t’égarer, sans te quitter.
Te laisser me quitter. Comment t’écrire pour que ton chemin nouveau soit paix. Comment t’écrire pour ces quarante jours quand je n’ai pas cessé de t’écrire depuis toujours.
Tu me manques, tu me disais en souriant. Je t’aime, ah que je t’aime, te l’égréner tous les jours comme pour tapisser ton éternité de mon amour. Je t’aime, je ne savais plus dire que ça, te le répétais comme mantra d’enfant. Tendre toi.
Il y a peu de temps, tu m’as répondu, tu as dit merci, à peine audible. Mon frère me l’a répété, tu n’as pas entendu, mais elle t’a dit merci.
Merci d’être aimée? Quel merci à la hauteur de ce que tu m’as donné et qui se perpétue.
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Page YouTube de Gracia Bejjani
Ton crédo, c’est fait avec amour. Ton mystère, que tout geste soit portée d’amour, hacher le persil du taboulé, essuyer la poussière d’un meuble ou arroser tes plantes, transformant simple balcon en luxuriante forêt, lumineuse parmi les klaxons de la ville.
C’est fait avec amour, tu m’as appris que tout acte de création n’est que vaine reproduction s’il lui manque une part de nous, le risque de soi. Que créer commence dans la matière, sublimer le banal, le quotidien. De mouvements nobles et humbles, habiter la vie.
S’il fallait définir l’amour, je parlerais de ton naturel à sacraliser l’ordinaire, à investir d’une même vitalité tous les aspects de la vie, dans un geste qui élève au lieu de juger. Le sacré comme amour, ton amour en parole et actions, ton grand «oui» aux paradoxes de la vie.
J’ai appris à parler sur tes lèvres, à chercher le sens. À nuancer, à chanter faux aussi mais juste cœur et plein corps de cette joie que je trouvais dans ton rire, dans ton courage, fort et doux. Vivre les épreuves comme des occasions pour avancer meilleurs. Se dresser, foncer avec audace. Écrire est devenu mon geste, je te le dois. Je n’ai pas cessé de t’écrire. T’écrire encore aujourd’hui pour tenir ta main, te bercer de voix dans les nuits que je ne connais pas. T’écrire, poursuivre la conversation de toujours, revoir tes yeux écouter avec ce gai sérieux que tu mets en tout acte.
Tu m’as appris, sois humaine surtout. Tu m’as appris en étant toi. Ta discrète générosité, mais surtout plus puissant don de soi. Il y a quelque temps encore, tu me disais être ton soutien, ton socle alors que tu m’es terre qui permet de tenir debout, terre et sa gravité, l’assurance de l’accueil à chaque retour.
Aujourd’hui tu m’apprends la douleur absolue, l’au-delà des larmes. Je ne connais pas de bras comme les tiens, larges, sans limites. Tes bras contenants, douceur qui enveloppe. Seule toi peux me consoler de ta perte, comment faire sans ton corps en vie, ta protection joueuse? Seuls tes bras me consoleraient de ton départ, ton étreinte manque.
Survivre à ton absence? Tu me l’as fait promettre. Avec courage et joie, tu as dit. Si tu m’aimes, tu as ajouté. Je survis oui je te l’ai promis, vivre est une autre histoire.
Partout l’implacable membre fantôme. Comme ce réflexe idiot que j’ai encore de regarder le balcon de la rue, te chercher toi au balcon, guetter tes signes: bénédiction, discrète plaisanterie ou au revoir… Ton visage au-dessus de la rambarde blanche, tes boucles brunes et la bouche qui sourit ou se referme quand je repars en France. J’ai toujours ce regard vers toi, entre les plantes de ta jungle citadine. Ce dernier geste que je rends avec ma main qui se lève penaude de te quitter, mon élan de pudique amour.
Je ne sais pas compter ce temps, ce hiatus où je réajuste : tu n’es pas au balcon, tu ne peux pas, ne le sera plus jamais. Ni temps ni lieu, ce tremblement entre l’avant et le présent. Tu ne m’attendras plus, ne me feras plus ce signe qui crée le départ et sa dimension dramatique. Tu ne te tiendras plus sur ce vertigineux seuil qu’est le balcon, tu ne me signifieras plus ta présence ni mes départs, je ne te quitterai plus.
Tu disais, on n’emporte rien avec soi, on part vidé, vide. Que dire de cette part de moi emportée avec toi. Tu ne pars pas vide maman, mais pleine de l’amour que tu as toujours donné.
Tu ne seras jamais seule, merveilleuse mère. Tu peux te taire comme l’absolu est sans mot humain, tu te tais, mais je t’entends toujours, me tiens contre ta voix odorante, bavarde de passé doux.
On parlera encore, on chantera, on sera, oui, cet amour sans mesure. Des réveils avec en bouche nos refrains, tous les matins, des paroles aussi simples qui me permettent de dire sans l’écrire, sans la charge et les détours des images, mon amour pour toi. Simple comme nos comptines d’enfance, ses bercements.
Seule toi pour me consoler, comment faire sans ton regard, tes gestes, ton humour. Ta vitalité n’a pas quitté notre monde, elle me permet de poursuivre sans et avec. Tu es à chaque instant dans mes paupières. Toi, ce que je vois de plus près; maman, je suis ton astigmate. Tu me disais, toi et moi ongles et peau, ne se détachent pas; tu poursuis cette présence qui ne s’agrippe pas. Parce que tu as ce don de t’ajuster à l’autre, mais sans perdre ta singularité, la grâce d’être avec, mais sans t’égarer, sans te quitter.
Te laisser me quitter. Comment t’écrire pour que ton chemin nouveau soit paix. Comment t’écrire pour ces quarante jours quand je n’ai pas cessé de t’écrire depuis toujours.
Tu me manques, tu me disais en souriant. Je t’aime, ah que je t’aime, te l’égréner tous les jours comme pour tapisser ton éternité de mon amour. Je t’aime, je ne savais plus dire que ça, te le répétais comme mantra d’enfant. Tendre toi.
Il y a peu de temps, tu m’as répondu, tu as dit merci, à peine audible. Mon frère me l’a répété, tu n’as pas entendu, mais elle t’a dit merci.
Merci d’être aimée? Quel merci à la hauteur de ce que tu m’as donné et qui se perpétue.
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