La résolution 2650 continue de faire des remous
Longtemps après avoir été le pays qui s’oppose à toute modification des règles d’engagement au Liban-Sud à chaque du renouvellement du mandat de la Finul, sous prétexte de préserver la sécurité des Casques bleus, la France a pris l’initiative d’élaborer une nouvelle mouture de la résolution 2650 de reconduction du mandat de la force onusienne.

Le Liban officiel, qui n’a pas eu voix au chapitre, n’a pas réagi. Pour justifier ce manque de réactivité, le ministre sortant des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib a expliqué que Beyrouth a été «pris de court» et qu’«il ne disposait pas d’assez de temps pour convaincre certains membres du Conseil de sécurité de changer ce point». La résolution 2650 autorise de fait les Casques bleus à «opérer de manière indépendante dans leur zone de déploiement et à effectuer des patrouilles annoncées ou non annoncées, conformément aux termes de l’accord sur le statut et le mandat de la force internationale). M. Habib affirme cependant avoir rencontré le commandant en chef de la Finul, Aroldo Lázaro, qui lui a assuré qu’il n’y aura aucun changement au niveau des règles d’engagement au Liban-Sud et que la majorité des patrouilles sont effectuées conjointement avec l’armée. Selon le général Lázaro, 20% des patrouilles sont exclusivement menées par les Casques bleus.

À cet égard, des milieux politiques proches de la banlieue-sud (fief du Hezbollah) s’interrogent sur les raisons pour lesquelles la Russie et la Chine n’ont pas utilisé leur droit de veto et aussi sur les dimensions de cette prise de position. Selon un diplomate occidental, ces derniers développements signifient que la «période de grâce» est terminée. Selon lui, le Liban, incapable de remplir son rôle et ses fonctions et qui se trouve complètement démuni face au pouvoir démesuré des forces de facto qui s’abritent derrière l’État, devrait désormais se mettre au diapason de la communauté internationale, notamment les États-Unis, l’heure étant à la paix dans la région en prélude au grand compromis.

La Finul a mis en garde le Liban du danger de tout incident armé la visant, une attaque contre elle pouvant conduire à un retrait du Liban-Sud. De fait, la Finul refuse d’être un faux témoin et de servir de boîte à lettres à quiconque désire adresser des messages à portée régionale, sur base de l’agenda de l’axe syro-iranien. Selon des rapports internationaux, le message d’Israël à Washington était clair: Tel-Aviv ne peut pas tolérer ou ignorer toute opération sécuritaire ou agression qui empêcherait ou retarderait Israël de profiter de la conjoncture actuelle pour exporter son gaz vers l’Europe à des prix élevés.

Les changements opérationnels intervenus dans la mission de la Finul, après l’échec des tentatives de Washington de modifier les règles d’engagement de ces forces, confirment que le vent a tourné aux niveaux international et régional. La résolution 2650 constitue un message multidirectionnel adressé aux pays de la région, à l’Iran, ainsi qu’au Liban dont les institutions sécuritaires sont appelées à assumer ses devoirs. Sans quoi, la Finul va entreprendre de nettoyer la zone d’opérations internationales au sud du Litani des armes illégales, notamment le long des frontières, d’autant que le Hezbollah a établi 22 tours de contrôle qu’il a mis à la disposition de Vert sans frontières, une ONG prétendument écologique. Selon des rapports onusiens, ces tours, où sont postés des hommes armés, sont utilisées à des fins de surveillance.

Le Hezbollah a été pris de court par la nouvelle résolution, notamment par les articles 16 à 23, qui accordent à la Finul la liberté de se mouvoir sans autorisation ni escorte de l’armée libanaise, d’autant que des rapports de l’ONU ont relevé l’absence d’enquête lorsque des agressions étaient commises contre les Casques bleus. De plus, lorsque des investigations étaient menées, les résultats n’étaient pas rendus public. Sans compter que les enquêtes sur les tunnels aménagés par le Hezbollah à la frontière n’ont pas été effectués, contrairement à ce que réclamait le secrétaire général de l’ONU.


De ce fait, comment le Hezbollah va-t-il gérer les changements opérationnels des forces de la Finul? Il est clair que les responsables libanais ont observé le mutisme à ce sujet, à l’exception de M. Bou Habib qui a justifié le mécanisme ayant abouti à l’adoption de la résolution 2650, alors que le camp présidentiel a laissé filtré des informations selon lesquelles le gouvernement serait à l’origine de cette résolution. Auquel cas, comment les amendements ont-ils été votés sans que Baabda ne soit au courant? Des sources proches du Grand Sérail affirment qu’il existe des preuves que Baabda fait cavalier seul en matière de politique étrangère. Tel est le cas notamment de la position adoptée au sujet de l’Ukraine et la condamnation par le Liban de l’invasion russe, Beyrouth allant même jusqu’à demander le retrait des troupes de Moscou. Sans compter que le Liban a voté à l’assemblée générale de l’ONU en faveur des résolutions soutenant la position de Washington et condamnant la Russie. À cela s’ajoutent les positions libanaises hostiles à l’Arabie saoudite et le parti pris en faveur de l’Iran. Dans les mêmes milieux, on souligne qu’il est improbable que le Premier ministre Najib Mikati soit à l’origine de la résolution controversée.

Pressentant qu’il y a anguille sous roche, le Hezbollah enquête sur les faits pour lever le voile sur ce qui s’est passé, craignant les répercussions des modalités de cette résolution. Ceci étant dit, il décidera donc à la lumière des informations qu’il recevra des modes de riposte ou de confrontation, laquelle sera différente des pratiques habituelles. Le parti est pleinement conscient des changements régionaux. Il est en contact avec les Français avec lesquels il coordonne sur les dossiers liés au Liban. Mais, ce qui inquiète particulièrement la formation pro-iranienne, c’est l’absence de position de Baabda et du Courant patriotique libre, ainsi que l’absence de sanctions relatives aux responsables concernés dans ce dossier. C’est l’omerta dans toute sa splendeur. Dès lors, le parti examine méticuleusement les détails de l'affaire et cherche à recueillir des informations avant de se lancer dans une aventure, craignant un piège qui lui serait tendu.

Le porte-parole de la Finul, Andrea Tenenti, a quant à lui souligné l’obligation des Casques bleus à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité à la lettre. La Finul ne peut intervenir au niveau du contenu, puisqu’elle est une simple force d’exécution qui doit mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et empêcher la présence armée illégale dans sa zone d’opération.

Simultanément, dans les cercles proches du Hezbollah, on s’étonne de voir le Conseil de sécurité ignorer les violations israéliennes quotidiennes de l’espace libanais. Dans les mêmes milieux, on dénonce la politique des deux poids deux mesures, des contraintes étant imposées au Liban et non à l’État hébreu.

Un expert diplomatique souligne que le but de la résolution 2650 est d’instaurer une nouvelle phase au Liban et dans la région, à laquelle toutes les parties doivent s’adapter. Elle coïncide avec l’élection d’un nouveau président qui doit lui aussi être en phase avec les changements qui seront amorcés avec l’accord sur le nucléaire, la délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël, ainsi que la feuille de route mise en place afin de résoudre la crise irakienne. De son côté, un diplomate arabe affirme que la rencontre des ministres des Affaires étrangères saoudien et iranien qui devrait avoir lieu à Bagdad marquera le coup d’envoi du chantier de la solution. Le contrôle des frontières au Liban-Sud pourrait permettre d’aboutir enfin à un cessez-le feu, 16 ans après l’adoption de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle ne prévoit qu'une simple cessation des hostilités.
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