- Et puis d’ailleurs, ça sent quoi notre pays?
Papa pose le bec du narguilé sur la table après en avoir tiré une large bouffée et expiré un nuage de fumée blanche, qui se transforme rapidement en élégantes arabesques éphémères. L’air se charge aussitôt d’un subtil parfum anisé.
Il me scrute avec ce regard sérieux et torturé qu’il sait prendre lorsque le sujet appelle une explication réfléchie.
- Nombreuses sont les réponses malheureuses à cette question, ma chérie. La corruption, la misère, la famine, la crise, la guerre.
- Non, tu n’as pas compris, Papa. Ce que je veux savoir c’est, si je demande à ma mémoire de me fournir un souvenir olfactif de notre pays, quelle senteur va-t-elle m’apporter?
- Sans conteste, les gaz d’échappement et les poubelles amoncelées.
Parfois, je me dis que mon père est très terre à terre. Pourtant, nous aimons tous les deux philosopher, voire longuement palabrer. Mais on dirait qu’il a oublié comment rêver… Dans cette vie, cela me paraît pourtant une essentielle échappée.
- Moi je crois que si je ferme les yeux et laisse mon imagination me guider, les effluves seront doux parce que je ne veux que de la poésie, de la beauté et des souvenirs magnifiés.
- Alors je t’écoute, ma chérie, qu’est-ce que ça sent, le Liban?
Je pense aux marchands dans leurs roulottes, en bas, et je crois bien que la réponse se trouve là. Ce sont des fabricants de parfums. On leur passe commande et après un peu de patience, ils délivrent sur demande la fragrance désirée. Papa les connaît bien pour m’y avoir souvent emmenée.
Si je demande les odeurs de « Dior, J’adore » et que je roule la bille du parfum sur le plat de mon poignet, je vais imaginer me transformer en Charlize Theron, drapée dans sa robe dorée, sortant de l’eau les cheveux mouillés pour un défilé.
Je peux aussi instantanément voyager et me retrouver en plein cœur d’un champ de coquelicots, des pétales rouges volant tout autour de moi, image bucolique née des quelques gouttes de «Flower by Kenzo» déposées au creux de mon cou.
Mais si je demande aux artisans «un parfum du Liban», je vois un éclat particulier illuminer leur créativité. Emprisonnées dans deux tubes bien distincts, deux fleurs m’offrent leur essence, m’enveloppant de ce parfum du Levant. L’un plutôt jaune ambré hume l’envoûtant, le divin, le jasmin. L’autre pâle et plus discret sent la prose et l’amour, la rose.
Mais quand je regarde le visage dubitatif de Papa qui m’écoute attentivement, je me dis que le parfum du Liban, c’est peut-être simplement une question de personne et de moment.
Pour lui, ces temps-ci, les odeurs de notre pays ne sont que détestation… pour moi, indéniablement, elles traversent le temps et je leur voue adoration.
Et pour aujourd’hui, nos pensées abstraites et complices s’envolent dans des volutes de fumée qui sentent bon l’anis.
Papa pose le bec du narguilé sur la table après en avoir tiré une large bouffée et expiré un nuage de fumée blanche, qui se transforme rapidement en élégantes arabesques éphémères. L’air se charge aussitôt d’un subtil parfum anisé.
Il me scrute avec ce regard sérieux et torturé qu’il sait prendre lorsque le sujet appelle une explication réfléchie.
- Nombreuses sont les réponses malheureuses à cette question, ma chérie. La corruption, la misère, la famine, la crise, la guerre.
- Non, tu n’as pas compris, Papa. Ce que je veux savoir c’est, si je demande à ma mémoire de me fournir un souvenir olfactif de notre pays, quelle senteur va-t-elle m’apporter?
- Sans conteste, les gaz d’échappement et les poubelles amoncelées.
Parfois, je me dis que mon père est très terre à terre. Pourtant, nous aimons tous les deux philosopher, voire longuement palabrer. Mais on dirait qu’il a oublié comment rêver… Dans cette vie, cela me paraît pourtant une essentielle échappée.
- Moi je crois que si je ferme les yeux et laisse mon imagination me guider, les effluves seront doux parce que je ne veux que de la poésie, de la beauté et des souvenirs magnifiés.
- Alors je t’écoute, ma chérie, qu’est-ce que ça sent, le Liban?
Je pense aux marchands dans leurs roulottes, en bas, et je crois bien que la réponse se trouve là. Ce sont des fabricants de parfums. On leur passe commande et après un peu de patience, ils délivrent sur demande la fragrance désirée. Papa les connaît bien pour m’y avoir souvent emmenée.
Si je demande les odeurs de « Dior, J’adore » et que je roule la bille du parfum sur le plat de mon poignet, je vais imaginer me transformer en Charlize Theron, drapée dans sa robe dorée, sortant de l’eau les cheveux mouillés pour un défilé.
Je peux aussi instantanément voyager et me retrouver en plein cœur d’un champ de coquelicots, des pétales rouges volant tout autour de moi, image bucolique née des quelques gouttes de «Flower by Kenzo» déposées au creux de mon cou.
Mais si je demande aux artisans «un parfum du Liban», je vois un éclat particulier illuminer leur créativité. Emprisonnées dans deux tubes bien distincts, deux fleurs m’offrent leur essence, m’enveloppant de ce parfum du Levant. L’un plutôt jaune ambré hume l’envoûtant, le divin, le jasmin. L’autre pâle et plus discret sent la prose et l’amour, la rose.
Mais quand je regarde le visage dubitatif de Papa qui m’écoute attentivement, je me dis que le parfum du Liban, c’est peut-être simplement une question de personne et de moment.
Pour lui, ces temps-ci, les odeurs de notre pays ne sont que détestation… pour moi, indéniablement, elles traversent le temps et je leur voue adoration.
Et pour aujourd’hui, nos pensées abstraites et complices s’envolent dans des volutes de fumée qui sentent bon l’anis.
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