Deux photos prises dans les rues de Téhéran ces derniers jours résument à elles seules toute la dimension de la crise existentielle qui ébranle, une fois de plus, l’Iran. L’une montre un garçonnet brandissant fièrement une pancarte sur laquelle est inscrite une phrase (en anglais) particulièrement éloquente: «Nous sommes obéissants à notre leader». La seconde est celle d’une jeune fille iranienne, cheveux au vent, tenant en main un foulard – vraisemblablement le voile qui lui est imposé – qu’elle fait visiblement virevolter, bras tendu à la verticale, au-dessus de sa tête.
Deux photographies, deux mondes, deux conceptions de la vie. D’un côté, la soumission quasiment inconditionnelle à un leader autocratique, la soumission à un régime qui n’épargne aucun moyen pour réprimer dans le sang toute contestation. Les méthodes les plus cruelles sont exploitées à cette fin, comme tirer à balles réelles directement sur la foule sans crier gare et sans s’encombrer du moindre scrupule, ou (au mieux) molester les manifestants dans la rue, opérer des rafles – suivies d’actes de torture – afin de dissuader les plus téméraires et les plus insoumis.
L’important pour les défenseurs du projet de la Révolution islamique en Iran n’est-il pas de préserver le régime et les valeurs socioreligieuses qu’il s’obstine à imposer par la force des baïonnettes ? Pas seulement en Iran, d’ailleurs. Lors des manifestations organisées à la fin du mois d’août à Bagdad par le courant souverainiste conduit par Moqtada Sadr – hostile aux tentatives d’hégémonie iranienne sur le pouvoir irakien – les milices inféodées à Téhéran avaient tiré aveuglément sur la foule rassemblée dans la « zone verte » de la capitale irakienne, tuant en une seule soirée une trentaine de partisans de Sadr.
Des pratiques d’un autre monde, d’une autre ère. Une conception meurtrière et coercitive des rapports humains que les jeunes filles et les jeunes femmes iraniennes ont l’incommensurable courage d’affronter au risque de leur vie dans les rues de Téhéran, reflétant un profond malaise populaire latent qui s’est déjà exprimé à plusieurs reprises, notamment en 2021, en 2019 ainsi qu’en 2009 et en 1999, mais qui à chaque fois était sauvagement réprimé dans le sang.
Si le soulèvement auquel nous assistons depuis quelques jours revêt une portée particulière, c’est que ses principaux acteurs sont des jeunes filles âgées, pour la plupart, d’une vingtaine d’années. Le phénomène dépasse donc le cadre des traditionnelles revendications socioéconomiques, comme ce fut le cas lors de la grève des camionneurs.
Ces jeunes filles à la fleur de l’âge qui risquent leur vie, dont plusieurs – une dizaine au moins – ont été tuées par balles, ont crié haut et fort, non pas tant leur colère face à une crise sociale, mais plutôt leur rejet d’un projet de société… Un projet de société obscurantiste que le pouvoir des mollahs s’obstine à vouloir leur imposer, en leur infligeant la bastonnade, la flagellation, la mort par balles, ou sous la torture, en cas de fronde.
En brûlant sur la place publique leur voile, tout en dansant et en chantant avec un enthousiasme débordant, ces jeunes filles rejettent le mode de vie, l’échelle de «valeurs», qu’un pouvoir autocratique a façonnés à la mesure de critères d’un autre âge. C’est un combat par essence profondément sociétal, existentiel, qu’elles mènent pour être perçues comme un individu libre de ses choix, ses choix de vie, et non comme un simple pion en société dont le sort doit être décidé par une obscure autorité divine.
En un certain sens, le combat de ces jeunes héroïnes iraniennes rejoint celui mené au Liban, en Irak et dans certains pays, arabes ou autres, par tous ceux qui s’opposent aux forces de facto locales dont les maitres à penser sévissent aujourd’hui en Iran. Dans le jargon moderne, le combat de ces jeunes femmes et jeunes filles iraniennes, dont le seul tort est d’avoir l’audace de laisser entrevoir une symbolique «mèche de cheveux», est un combat pour la défense des droits humains dont l’Occident se fait le porte-étendard. Comment ne pas s’indigner, par ce fait même, contre les réactions très tardives et très timorées de certains dirigeants occidentaux qui, de surcroît, qualifient de «disproportionnée» (!) la répression sauvage en cours.
La répression, dans ce cas de figure bien précis, deviendrait-elle légitime si elle était davantage «proportionnée», pour tenir compte d’une realpolitik de l’autruche qui exclurait les Iraniens de l’accès aux droits humains les plus basiques afin de préserver le régime en place ? Il est loin le droit d’ingérence… Comble du paradoxe dans un monde qui lutte pour la sauvegarde de la dignité humaine en feignant de ne pas percevoir que, parfois, l’individu est broyé sur l’autel d’intérêts qui sont, eux, démesurément disproportionnés.
Deux photographies, deux mondes, deux conceptions de la vie. D’un côté, la soumission quasiment inconditionnelle à un leader autocratique, la soumission à un régime qui n’épargne aucun moyen pour réprimer dans le sang toute contestation. Les méthodes les plus cruelles sont exploitées à cette fin, comme tirer à balles réelles directement sur la foule sans crier gare et sans s’encombrer du moindre scrupule, ou (au mieux) molester les manifestants dans la rue, opérer des rafles – suivies d’actes de torture – afin de dissuader les plus téméraires et les plus insoumis.
L’important pour les défenseurs du projet de la Révolution islamique en Iran n’est-il pas de préserver le régime et les valeurs socioreligieuses qu’il s’obstine à imposer par la force des baïonnettes ? Pas seulement en Iran, d’ailleurs. Lors des manifestations organisées à la fin du mois d’août à Bagdad par le courant souverainiste conduit par Moqtada Sadr – hostile aux tentatives d’hégémonie iranienne sur le pouvoir irakien – les milices inféodées à Téhéran avaient tiré aveuglément sur la foule rassemblée dans la « zone verte » de la capitale irakienne, tuant en une seule soirée une trentaine de partisans de Sadr.
Des pratiques d’un autre monde, d’une autre ère. Une conception meurtrière et coercitive des rapports humains que les jeunes filles et les jeunes femmes iraniennes ont l’incommensurable courage d’affronter au risque de leur vie dans les rues de Téhéran, reflétant un profond malaise populaire latent qui s’est déjà exprimé à plusieurs reprises, notamment en 2021, en 2019 ainsi qu’en 2009 et en 1999, mais qui à chaque fois était sauvagement réprimé dans le sang.
Si le soulèvement auquel nous assistons depuis quelques jours revêt une portée particulière, c’est que ses principaux acteurs sont des jeunes filles âgées, pour la plupart, d’une vingtaine d’années. Le phénomène dépasse donc le cadre des traditionnelles revendications socioéconomiques, comme ce fut le cas lors de la grève des camionneurs.
Ces jeunes filles à la fleur de l’âge qui risquent leur vie, dont plusieurs – une dizaine au moins – ont été tuées par balles, ont crié haut et fort, non pas tant leur colère face à une crise sociale, mais plutôt leur rejet d’un projet de société… Un projet de société obscurantiste que le pouvoir des mollahs s’obstine à vouloir leur imposer, en leur infligeant la bastonnade, la flagellation, la mort par balles, ou sous la torture, en cas de fronde.
En brûlant sur la place publique leur voile, tout en dansant et en chantant avec un enthousiasme débordant, ces jeunes filles rejettent le mode de vie, l’échelle de «valeurs», qu’un pouvoir autocratique a façonnés à la mesure de critères d’un autre âge. C’est un combat par essence profondément sociétal, existentiel, qu’elles mènent pour être perçues comme un individu libre de ses choix, ses choix de vie, et non comme un simple pion en société dont le sort doit être décidé par une obscure autorité divine.
En un certain sens, le combat de ces jeunes héroïnes iraniennes rejoint celui mené au Liban, en Irak et dans certains pays, arabes ou autres, par tous ceux qui s’opposent aux forces de facto locales dont les maitres à penser sévissent aujourd’hui en Iran. Dans le jargon moderne, le combat de ces jeunes femmes et jeunes filles iraniennes, dont le seul tort est d’avoir l’audace de laisser entrevoir une symbolique «mèche de cheveux», est un combat pour la défense des droits humains dont l’Occident se fait le porte-étendard. Comment ne pas s’indigner, par ce fait même, contre les réactions très tardives et très timorées de certains dirigeants occidentaux qui, de surcroît, qualifient de «disproportionnée» (!) la répression sauvage en cours.
La répression, dans ce cas de figure bien précis, deviendrait-elle légitime si elle était davantage «proportionnée», pour tenir compte d’une realpolitik de l’autruche qui exclurait les Iraniens de l’accès aux droits humains les plus basiques afin de préserver le régime en place ? Il est loin le droit d’ingérence… Comble du paradoxe dans un monde qui lutte pour la sauvegarde de la dignité humaine en feignant de ne pas percevoir que, parfois, l’individu est broyé sur l’autel d’intérêts qui sont, eux, démesurément disproportionnés.
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