À part peut-être l’appel à un cessez-le-feu, “seule condition pour que les colons israéliens puissent rentrer chez eux”, à la frontière avec le Liban et l’annonce d’“une nouvelle équation sur le terrain, qui consiste (pour le Hezb) à frapper partout en Israël”, il n’y a pratiquement rien à retenir de consistant du discours du numéro 2 du Hezbollah, Naïm Qassem.
Ce dernier a essayé lamentablement de défendre la guerre destructrice dans laquelle sa formation a entraîné le Liban et de promettre à son public, à coups de vœux pieux, une victoire qu’il sait impossible.
Naïm Qassem a poussé le délire jusqu’à transformer en “exploit qui fait mal à l’ennemi” le retentissement des sirènes en Israël et l’appel aux Israéliens à se réfugier dans des abris, lorsque sa formation lance des roquettes contre leur territoire. Quant à la destruction de centaines de villages libanais, de nombreux quartiers de la banlieue sud de Beyrouth, aux 2.350 vies fauchées pour rien, aux 10.906 blessés et aux centaines de milliers de déplacés, ils constituent seulement, pour reprendre ses paroles, le “prix à payer” pour “empêcher Israël d’atteindre ses objectifs”.
Aussi, s’est-il cru obligé, pour essayer de rendre son argumentation crédible, de se lancer dans une longue tirade sur les “projets expansionnistes d’Israël”, soutenu, selon lui, par “le Grand Satan que sont les États-Unis” qu’il a accusés de vouloir “un nouveau Moyen-Orient, à la hauteur des aspirations expansionnistes de l’entité sioniste qui veut contrôler toute la région”.
C’est donc cette idée qu’il a développée dans une piteuse tentative de défendre le funeste front de soutien avec le Hamas et Gaza que sa formation a ouvert le 8 octobre 2023, contre Israël, ainsi que cette unité de destin anormale entre le Liban et la Palestine, imposée par le Hezb aux Libanais.
Naïm Qassem a considéré qu’il était du ”devoir du Hezbollah de soutenir le droit légitime des Palestiniens à libérer leur terre, menant pour cela l’action qu’ils ont lancée le 7 octobre” 2023 contre Israël.
Car, dans la logique curieuse du Hezbollah, totalement dissocié de la réalité pour des raisons de propagande populaire, “il n’est pas possible de disjoindre le Liban et la Palestine, en raison des objectifs expansionnistes israéliens”.
Cheikh Qassem a ainsi rappelé les deux invasions israéliennes du Liban, en 1978, puis en 1982, mais, évidemment, sans évoquer leurs causes, à savoir les attaques menées par les milices palestiniennes armées à partir du Liban-Sud contre le territoire israélien.
En effet, s’il avait évoqué le tort que la présence palestinienne armée avait causé au Liban, il n’aurait pas pu accuser Israël d’avoir “voulu établir des colonies au Liban-Sud si ses forces n’avaient pas été chassées du Liban par la Résistance”.
Selon lui, le Hezbollah est donc engagé dans cette guerre pour “aider les Palestiniens à libérer leur terre et protéger la nôtre”.
Naïm Qassem s’est empressé de dédouaner l’Iran à ce niveau, estimant que “son rôle consiste à soutenir le projet palestinien et l’axe de la résistance”.
Il a reproché aux émissaires étrangers qui ont défilé au Liban de “ne pas avoir abordé le cœur du problème, qui est l’occupation israélienne, et de s’être contentés d’appeler à un cessez-le-feu et à dissocier les deux dossiers libanais et palestiniens”.
Un bilan singulier
Dans le même ordre d’idées, le numéro 2 du Hezb s’est efforcé de rejeter toute responsabilité dans les terribles conséquences de la guerre meurtrière imposée par sa formation au Liban. “Vous ne voyez pas ce qu’Israël est en train de faire? Si nous ne le combattons pas, il va atteindre ses objectifs. Nous sommes en train de protéger les générations futures pour au moins 50 à 100 ans. Il est normal que cela ait un prix, mais l’ennemi aussi en paie le prix”, a-t-il lancé.
“Nous combattons honorablement et visons leurs militaires, alors qu’ils visent des civils, des secouristes, des hôpitaux” au Liban, a-t-il déploré, avant d’expliquer que “depuis deux semaines, la tactique sur le terrain a changé”. “Nous nous sommes engagés dans des combats rapprochés et nous avons marqué des points, alors que notre mission n’est pas de repousser une armée régulière”, a-t-il dit, en allusion aux combats qui se déroulent dans certains secteurs frontaliers lors d’incursions israéliennes ponctuelles.
Poursuivant sur sa lancée au sujet “des exploits de la Résistance”, cheikh Qassem a annoncé: “Et, depuis une semaine à ce jour, nous avons décidé de faire du mal à l’ennemi. Nos missiles arrivent maintenant à Haïfa et bien au-delà, ainsi qu’à Tel Aviv. Dans 149 villages, les Israéliens sont descendus dans les abris, terrorisés, et l’aéroport Ben Gourion s’est arrêté de fonctionner. Avec la dernière attaque sur Binyamina, nous avons infligé à l’ennemi de lourdes pertes (4 soldats tués et une soixantaine blessés). Nous avons réussi à faire une centaine de tués et de blessés grâce à nos attaques”. Pas un mot, comme toujours, sur le terrifiant bilan libanais de milliers de morts et de plus d’un million de déplacés, dont des centaines de sans-abri. À l'entendre évoquer ces exploits, on ne sait pas s’il faut en rire ou pleurer.
“Faire mal à Israël”
Quoi qu’il en soit, Naïm Qassem a “promis de continuer à faire du mal à Israël, grâce à une nouvelle équation de terrain, qui consiste à frapper partout en Israël, au nord, au sud ou au centre”. “Nous nous réservons le droit de choisir les sites à cibler”, a-t-il assuré, avant d’appeler à un “un cessez-le-feu, seule solution pour que les colons retournent chez eux”, dans le nord d’Israël.
Se voulant rassurant à sa façon, cheikh Qassem a promis que “la Résistance ne sera pas vaincue, parce que ses combattants sont tous des projets de martyrs”. Il a aussi promis à sa base déplacée et meurtrie, dont il a salué “les sacrifices”, de ne pas tarder à reconstruire ce qu’Israël a détruit. “Nous avons lancé les préparatifs de cette phase”, a-t-il affirmé.
Et, s’il a conclu en insistant une fois de plus sur “la puissance” de sa formation “en dépit des coups qu’elle a reçus” et sur “la recomposition de son directoire”, ainsi que sur “l’unité de destin avec le mouvement Amal” du président de la Chambre, Nabih Berry, c’est surtout pour faire passer son message final: une mise en garde à peine voilée aux adversaires politiques du Hezbollah. “Que personne ne pense qu’il pourra instrumentaliser, sur le plan interne, ce qui se passe aujourd’hui”, a averti cheikh Qassem. Un message qui semblait s’adresser particulièrement aux Forces libanaises qui ont commencé un forcing pour l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU, relative au désarmement des milices.
Un déni surprenant
Les réactions à ce discours surréaliste n’ont pas tardé. Le député Elias Hankache (Kataëb) a relevé “un déni surprenant” dans une interview à la MTV. “La raison serait peut-être le fait qu’il se trouve quelque part sous terre où il ne reçoit pas les informations qu’il faut sur ce qui se passe”.
Le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a pour sa part tourné en dérision les menaces de cheikh Qassem contre son pays. “Vous êtes devenus un monstre battu, sans ressources”, a-t-il écrit sur son compte X.
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