Depuis le 20 septembre dernier, près de deux millions de Libanais ont été déplacés, tandis que 550.000 ont quitté le pays. Ces chiffres révèlent un bouleversement démographique alarmant, surtout si certaines localités frontalières venaient à être occupées ou rasées par l'armée israélienne, ce qui rendrait impossible le retour de leurs habitants, majoritairement chiites. Ce scénario rappelle la guerre en Syrie où des millions de personnes ont dû fuir sans possibilité de retour, en raison du régime en place.
La crise du déplacement des habitants du Liban-Sud, de la Békaa et de la banlieue sud de Beyrouth ne cesse de s'aggraver. Contraintes de fuir, de nombreuses personnes se retrouvent à dormir à même le sol, sur les trottoirs, tandis que d’autres ont trouvé refuge dans des écoles et des centres d’hébergement. Les plus nantis ont loué des maisons ou des locaux dans des régions plus sûres du Liban, pour échapper aux bombardements israéliens qui n’épargnent ni les civils ni les infrastructures. Les attaques ciblent non seulement les populations civiles, mais également les équipes médicales et leurs véhicules, en violation flagrante des conventions et des lois internationales, pouvant être qualifiées de génocide et de crimes contre l'humanité. Des chercheurs et des analystes en droit international avertissent qu'une prolongation de la guerre pourrait entraîner des formes extrêmes d'exclusion, de massacres et de déplacements de population massifs.
Depuis le 20 septembre dernier, près de deux millions de Libanais ont été déplacés, tandis que 550.000 ont quitté le pays pour rejoindre la Syrie, la Turquie, l'Irak, ainsi que plusieurs pays européens et occidentaux. Selon les données d'Information International, communiquées à Ici Beyrouth, bien que ce chiffre soit élevé, il demeure en deçà de celui des déplacements observés lors de la guerre de juillet 2006. Cette situation peut être attribuée à plusieurs facteurs: la crise financière actuelle, le manque de ressources, les opérations d'évacuation mises en place par certains pays et le fait que les frontières syriennes ne sont pas entièrement ouvertes, ce qui limite les possibilités de fuite.
Les chiffres des départs se répartissent comme suit :
- 62.000 citoyens ont quitté le pays via l'aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth.
- 128.000 déplacés libanais sont entrés en Syrie.
- 330.000 déplacés syriens sont retournés en Syrie.
- 3.000 déplacés se sont dirigés vers la Turquie, principalement par voie terrestre ou maritime.
- 8.000 déplacés ont rejoint l'Irak, dont près de 2.000 par voie terrestre via les aéroports internationaux de Bagdad et de Najaf, le reste passant par le poste frontalier de Qaa'im.
Ces chiffres élevés indiquent un bouleversement démographique alarmant, surtout si certaines localités frontalières venaient à être occupées ou rasées par l'armée israélienne, ce qui rendrait impossible le retour de leurs habitants, majoritairement chiites. Cette situation rappelle celle de la Syrie, où des millions de Syriens ont fui vers le Liban et d’autres pays voisins, tels que l’Irak, la Jordanie et la Turquie, la plupart étant issus de la communauté sunnite. Beaucoup d'entre eux n'ont pas pu retourner en Syrie en raison du régime en place, craignant pour leur sécurité en cas de retour. Certains envisagent même un nouveau projet de relocalisation des populations dans le cadre du nouvel ordre pour le Moyen-Orient.
Alors que le nombre de déplacés et des retours en Syrie approche les 458.000, Libanais et Syriens confondus, la question des déplacés chiites vers l'Irak émerge avec force. Les estimations indiquent que 3.000 à 8.000 personnes ont déjà fait ce trajet. L’Irak, en particulier la ville de Kerbala et le sanctuaire de Sayyed al-Awsiya’, a chaleureusement ouvert ses portes aux arrivants du Liban, les accueillant comme des invités. Auparavant, ces pèlerins s’y rendaient chaque année pour commémorer le quarantième jour de l’imam Hussein, découvrant alors une hospitalité exemplaire et une générosité inégalée.
De nombreuses familles du Liban-Sud, de la Békaa et de la banlieue sud de Beyrouth ont choisi de se réfugier en Irak où le gouvernement a mis en place des mesures d'accueil importantes. Un budget de trois milliards de dinars a été alloué pour leur fournir des services essentiels. En outre, des avions ont été dépêchés pour acheminer de l'aide médicale et alimentaire vers le Liban. De plus, le gouvernement irakien a facilité l'entrée des Libanais en délivrant rapidement des documents aux personnes sans passeport, simplifiant ainsi leur arrivée dans le pays.
De son côté, le sanctuaire de l'imam Hussein a créé un comité supérieur pour venir en aide au peuple libanais, en coordonnant avec des entités locales pour organiser le voyage des Libanais exposés aux bombardements israéliens. Ces réfugiés ont été logés dans six complexes hôteliers et tous les hôpitaux sont en “état d'alerte” pour accueillir d'éventuels blessés en provenance du Liban. Selon les dernières statistiques irakiennes, plus de 6.000 Libanais sont déjà arrivés à Kerbala.
Un réfugié libanais à Kerbala, qui a préféré garder l’anonymat, a partagé son expérience avec Ici Beyrouth, expliquant qu’il ne supportait plus les bombardements, ni la vie dans une école avec sa famille. Il a donc décidé de se rendre en Irak, estimant qu’un départ pour la Syrie, comme en 2006, n'était pas une option en raison de l'instabilité et de la crise économique qui règnent dans le pays. Il a salué l’accueil chaleureux des Irakiens qui considèrent les Libanais comme des invités.
Lorsqu'on lui a demandé si chaque famille avait reçu un logement et une aide financière de 1.000 dollars, il a trouvé cette affirmation un peu exagérée. Il a toutefois reconnu la mise en place d'aides financières et alimentaires, ainsi que de logements offerts par des personnes de bonne volonté. Certains réfugiés ont choisi de louer des maisons, tandis que d'autres ont préféré s’installer chez des proches déjà présents en Irak. Il a conclu en affirmant que si un cessez-le-feu était instauré, tous souhaiteraient retourner au Liban.
Cette situation suscite des inquiétudes quant à un éventuel exode massif de chiites vers l'Irak, pouvant donner lieu à un nouveau processus de “transfert”. En effet, la destruction des villages frontaliers par l'armée israélienne complique considérablement le retour des populations déplacées et prolonge la perspective de reconstruction. Toutefois, Karim al-Nouri, vice-ministre irakien de l'Immigration et des Déplacements, a récemment affirmé que son ministère ne mettrait pas en place de camps à l’intention des Libanais arrivant en Irak, préférant les désigner comme des visiteurs plutôt que des déplacés, terme leur conférant un statut juridique. Cette distinction traduit la volonté de l’Irak de les accueillir avant tout à titre d’invités.
Alors qu'un débat animé a eu lieu en Irak sur les répercussions de l'arrivée des Libanais et la possibilité de leur intégration, qui n’est pas sans rappeler ce qui s'est produit en Syrie, Mustafa Fahs, écrivain et journaliste, a précisé à Ici Beyrouth que leur nombre reste très limité. Selon lui, l'élite chiite irakienne n'est pas favorable à un accueil permanent des Libanais, mais plutôt à un séjour temporaire. Ces derniers ont été inscrits dans la base de données du ministère de l’Immigration, chargé de pourvoir à leurs besoins essentiels. Fahs a également souligné que les autorités de Najaf sont vigilantes et préfèrent éviter une installation permanente des chiites libanais, afin de préserver la démographie chiite en Irak et de ne pas provoquer des changements au Liban. À l’heure actuelle, l’accent est mis sur l’accueil et l’aide humanitaire dans le but de soulager les souffrances des Libanais. Si la guerre prend fin et que la situation se stabilise, les Irakiens souhaitent que les Libanais retournent chez eux.
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