Dans un climat teinté de désillusion, les habitants du Kurdistan autonome dans le nord de l'Irak votent dimanche pour élire leurs députés au Parlement régional, un scrutin législatif qui avait attiré un électeur sur trois à la mi-journée.
Pour ces élections dominées par les deux principaux clans politiques rivaux, le taux de participation en début d'après-midi était de 31%, a annoncé la commission électorale.
Plus de 1.200 bureaux de vote fermeront à 18H00 (15H00 GMT) après avoir ouvert à 07H00 (04H00 GMT). Sur les six millions d'habitants du Kurdistan, 2,9 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour élire 100 députés, dont trente femmes, en vertu d'un quota.
Les deux formations hégémoniques depuis des décennies, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) du clan Barzani, et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), du clan Talabani, ont enchaîné les meetings électoraux et mobilisés leurs réseaux partisans.
Mais des experts pointent du doigt un certain désenchantement de l'opinion publique, dans un contexte économique morose.
Houri Mohamed, 66 ans, a voté pour le PDK, la formation aux manettes à Erbil, capitale régionale, car elle "sert le peuple", confie cette femme au foyer.
Elle espère que le prochain gouvernement "prêtera attention aux classes pauvres: la majorité de notre population a des moyens limités" mais ce sont ces citoyens qui "soutiennent toujours" le pouvoir.
Autonome depuis 1991, le Kurdistan s'affiche comme une oasis de stabilité propice aux investissements étrangers dans un Irak aux immenses richesses pétrolières. Mais militants et opposition y dénoncent, entre autres maux, corruption, climat d'affairisme, clientélisme, et répression de toute voix dissidente.
Les législatives devaient se tenir il y a deux ans. Elles ont été reportées à quatre reprises du fait notamment des divergences entre PDK et UPK.
"Insatisfaits, en colère"
Malgré ses 80 printemps, Qader Souleimane vote à Souleimaniyeh pour "le changement". "Ces élections doivent mettre fin aux souffrances que sont le chômage et les salaires impayés" des fonctionnaires, plaide-t-il.
Ce problème revient régulièrement sur le devant de la scène, illustrant aussi le bras-de-fer entre le Kurdistan et le pouvoir fédéral de Bagdad, chaque camp accusant l'autre d'être responsable des retards dans le versement.
Le politologue Shivan Fazil pointait récemment "une lassitude grandissante vis-à-vis des deux partis" se disputant le pouvoir.
"Cette dernière décennie les conditions de vie se sont détériorées", expliquait-il à l'AFP.
Cette année quatre circonscriptions ont été créées pour remplacer l'unique circonscription qui recouvrait autrefois toute la région et affiner la représentation locale.
Cette réforme "pourrait conduire à une redistribution des voix et des sièges au sein du prochain Parlement", pronostique Shivan Fazil. Mais le PDK "pourrait encore préserver sa majorité, grâce à sa discipline et cohésion internes".
Avec 45 sièges, le PDK jouissait d'une majorité relative dans le Parlement sortant grâce à des alliances avec des députés élus via un quota réservé aux minorités chrétiennes et turcomane.
Aujourd'hui, des partis d'opposition comme "Nouvelle génération" ou encore une formation naissante de Lahour Cheikh Zengi, dissident du clan Talabani, pourraient bénéficier d'un vote-sanction.
"Les gens sont insatisfaits et en colère en raison de la hausse des prix et des taxes, des pénuries d'électricité et d'eau", estime un candidat de l'opposition, Hiwa Hadi, du parti naissant Halwest, qui votait à Erbil.
"Gouvernement d'union"
Les résultats officiels des élections sont attendus 24H après la fermeture des bureaux de vote, selon la commission électorale.
Une fois élus, les députés voteront pour désigner les successeurs des président et Premier ministre de la région autonome, Nechirvan et Masrour Barzani, cousins et figures du PDK.
Comme à Bagdad, la politique au Kurdistan oscille entre décisions majeures prises par consensus entre les principaux décideurs (PDK et UPK) et rivalités et dissensions, sources d'impasses et de blocages.
"Après les élections nous nous assiérons ensemble pour former un gouvernement, au service du Kurdistan", a déclaré dimanche le président Nechirvan Barzani, espérant "former un gouvernement d'union le plus rapidement possible", selon l'agence de presse étatique INA.
Comprenant naguère 111 députés, le Parlement kurde a vu son nombre de sièges réduit à 100, par une décision de justice. Cinq sièges sont réservés aux minorités.
Aux dernières législatives régionales de 2018, la participation s'élevait à 59%. Aujourd'hui, Sazan Saduala, institutrice de 55 ans, a opté pour le boycott.
"Ce pouvoir ne peut être changé par le vote", assène-t-elle. "Il se maintient par la force des armes et de l'argent, et tout changement via le Parlement est difficile", ajoute-t-elle. "La répartition des sièges pourrait être modifiée (...) mais l'essence du pouvoir restera la même".
Hamid Mohammed et Shwan Mohammed, avec AFP
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