Fixée au 4 novembre prochain par une décision du ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, la rentrée scolaire dans les écoles publiques s’annonce complexe et non sans défis. Des milliers de déplacés occupent aujourd’hui ces établissements, y ayant trouvé refuge après l’intensification des affrontements entre le Hezbollah et Israël, notamment depuis le 23 septembre dernier. La question de leur sort demeure problématique.
Normalement prévue pour le mois de septembre, la rentrée scolaire à laquelle étaient destinés des milliers d’élèves à travers le pays a été reportée cette année. La raison? Les déplacements internes provoqués par la situation actuelle au Liban, exacerbée par la guerre en cours. Forcés de quitter leurs foyers situés dans les zones les plus touchées par les combats, beaucoup de Libanais, les plus défavorisés surtout, ont été hébergés dans divers bâtiments publics, dont des écoles.
Selon les données récentes, plus de 750 écoles servent actuellement d’abris, dans les régions périphériques et rurales, mais aussi dans certaines zones urbaines, créant une situation inédite qui complique l’organisation de la rentrée scolaire. La question qui se pose donc est celle de savoir ce qu’il adviendrait de ces déplacés étant donné la rentrée du 4 novembre.
“Nous n’accepterons en aucun cas une évacuation des déplacés, sans qu’une alternative louable à leur hébergement soit mise en place”, a martelé le ministre sortant du Travail, Moustapha Bayram, interrogé par Ici Beyrouth (IB).
“Pourquoi cet empressement par les temps qui courent? Avons-nous oublié comment la propagation du coronavirus en 2019 mais aussi la révolution d’octobre de cette même année, avec ses innombrables protestations, avaient conduit à la fermeture des écoles?” s’est-il interrogé. Et M. Bayram d’ajouter: “Nous pouvons très bien attendre que la situation se calme un peu plus, vu les précédents en la matière.”
Une assertion que ne partagent pas certains observateurs. “Le gouvernement pourrait, en coopération avec les municipalités et les organisations humanitaires avec lesquelles il collabore étroitement, envisager une évacuation progressive des déplacés installés dans les écoles publiques”, suggère-t-on de source proche du dossier, sous couvert d’anonymat.
Cette solution, bien que nécessaire pour permettre la reprise des cours, présente des défis de taille. Où relocaliser ces familles? Dans un contexte de crise politico-économique, est-on en mesure de fournir aux déplacés des abris adéquats ailleurs, dans un délai aussi court?
Proposition du ministre de l’Éducation
Alors que la date du 4 novembre approche rapidement, M. Halabi s’est empressé de répondre à tous ces questionnements.
“Aujourd’hui, le retour à l’école de 500.000 élèves et étudiants, contraints au déplacement, est en jeu”, a-t-il signalé, le 21 octobre dernier, dans le cadre de sa rencontre au Sérail avec le Premier ministre sortant, Najib Mikati.
“Si l’éducation des enfants ne doit pas être compromise, nous n’avons aucunement l’intention d’évacuer les personnes qui se trouvent actuellement dans ces établissements scolaires, contrairement à ce qui circule”, a-t-il insisté, avant de soumettre le plan préparé par son ministère à cet effet.
M. Halabi a ainsi expliqué qu’il prévoyait, dans un premier temps, l’ouverture des écoles non occupées. Une même journée comprendrait alors deux horaires consécutifs pour permettre l’accès d’un plus grand nombre d’élèves à l’éducation. Certains experts interrogés par IB craignent, toutefois, que l’insuffisance des infrastructures scolaires et des ressources disponibles rende la situation extrêmement difficile à gérer, surtout dans les zones où les écoles sont massivement occupées.
Ensuite, le ministre a sollicité l’aide de quelques écoles privées qui pourraient accueillir les élèves, selon des horaires spécifiques.
Enfin, la possibilité d’un enseignement à distance a été évoquée. Le problème qui se pose dans ce cas est celui des modalités prévues pour ce faire, modalités qui n’ont toujours pas été détaillées. Or bon nombre d’élèves, ne pouvant profiter ni de la première ni de la seconde option, n’ont pas nécessairement accès à une connexion internet, ce qui pourrait les empêcher de suivre leurs cours.
En ce qui concerne l'Université libanaise, M. Halabi a envisagé l’ouverture, le 28 octobre prochain, de cinq facultés de l’institution en question.
Une rentrée sous le signe de l’incertitude
Outre la question des déplacés, les écoles publiques libanaises font face à d’autres défis structurels, notamment un manque de financement, des infrastructures détériorées et une pénurie d’enseignants.
“Le secteur éducatif libanais est déjà affaibli par la crise économique. Il pourrait subir un nouveau coup dur si des mesures concrètes ne sont pas prises pour soutenir à la fois les élèves, les déplacés et les enseignants”, indique-t-on de source proche du dossier. “N’oublions pas que le corps enseignant se trouve lui aussi en position précaire. Après des mois de grève en raison des conditions de travail déplorables et des salaires insuffisants, les enseignants pourraient exiger des réformes avant de s’engager pleinement dans cette nouvelle année scolaire”, poursuit-on de même source. Rappelons que leurs revendications incluent une revalorisation des salaires et de meilleures conditions d’enseignement, des demandes que le ministère devrait, le cas échéant, rapidement traiter pour éviter de nouvelles perturbations.
La rentrée scolaire du 4 novembre au Liban est donc loin d’être une rentrée ordinaire. Entre la guerre, les vagues de déplacements et les conditions économiques déplorables, les écoles publiques sont à la croisée des chemins. Il appartient aux autorités libanaises de trouver des solutions pragmatiques et humaines pour répondre à cette crise sans précédent. L’objectif est de préserver le secteur de l’éducation, pilier fondamental de l’avenir du pays, afin qu’il ne soit pas une victime supplémentaire de la guerre et de la crise actuelle. Les prochaines semaines seront donc décisives. Le défi consiste à concilier l’accueil des déplacés internes et la reprise des cours dans les écoles publiques, tout en assurant une rentrée scolaire sécurisée, tant pour les élèves que pour les enseignants.
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