Le Liban a été officiellement ajouté à la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI). Cette décision, somme toute attendue, n’a surpris personne.
Toutefois, il n’y a pas de raison de paniquer. Les transferts d’argent depuis et vers le Liban ne devraient pas être affectés, et le taux de change de la livre face au dollar devrait rester stable.
"Bien entendu, nous sommes conscients de la situation extrêmement grave à laquelle le Liban est actuellement confronté", a remarqué la présidente mexicaine du Gafi Elisa de Anda
Madrazo et "je tiens à préciser que le statut du Liban sur la liste grise ne doit pas entraver les efforts de secours" le concernant.
"Le Gafi, a-t-elle souligné, n’appelle pas à une diligence accrue, ni à des contre-mesures, et ous travanillons pour garantir que les canaux d’aide humanitaire restent ouverts" pour ce
pays. Elle a indiqué qu'une "certaine flexibilité" avait été accordée au pays inscrits sur la liste grise pour les délais de son plan d'action, et "regretté les pertes en vies humaines" dans la région.
Sur le plan financier, les frais des transactions bancaires vers l'étranger vont augmenter, et les délais de traitement des opérations bancaires seront allongés.
Concernant le taux de change, la Banque du Liban (BDL) maintient actuellement le contrôle de la masse monétaire en livres libanaises en circulation, ce qui limite tout risque de dérapage.
L’inscription sur “la liste grise” ne signifie nullement une rupture totale des transactions, car certains pays occidentaux figurent également sur cette liste tout en étant au cœur des échanges financiers.
Pour rappel, le Liban avait été inscrit sur la “liste noire” des pays non coopératifs en 2000, mais l'adoption de la loi LAB/CFT en 2001 et son adhésion au groupe Egmont (un consortium international d'unités de lutte contre le blanchiment d'argent des États membres) ont permis son retrait de cette liste en 2022.
Liste grise et liste noire
Selon Nadim Sabeh, PDG de First Financial Markets, le Liban enfreint depuis longtemps les exigences du GAFI qui lui ont valu d’être sur sa liste grise. Jusqu’ici, le report de son inscription était une décision “purement politique” en raison d’un statu quo politico-sécuritaire soutenu par les États-Unis. M. Sabeh estime cependant, que l’ouverture du front sud avec Israël par le Hezbollah et l’escalade militaire ont rompu cet équilibre.
Le GAFI classe les pays en fonction de leur niveau de coopération dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, selon quarante critères qui lui sont propres.
Lorsqu'une juridiction est placée sous surveillance renforcée ou sur la “liste grise” par le GAFI, cela indique que le pays s'est engagé à remédier rapidement aux insuffisances stratégiques identifiées, dans les délais convenus, tout en faisant l'objet d'une surveillance accrue.
Autrement dit, le Liban doit renforcer ses procédures internes, notamment dans les domaines des douanes, de la justice, de la lutte contre la corruption, ainsi que pour les professions non financières telles que les notaires et d'autres. Cela inclut également le contrôle des transactions en espèces et le rétablissement du système bancaire.
La Banque mondiale avait évalué l'économie liquide à 9,9 milliards de dollars, représentant 45,7 % du PIB en 2022, rappelle-t-on.
Dans cet ordre d’idées, on note qu’en juin 2024, 21 pays figuraient sur la “liste grise”, notamment la Bulgarie, le Burkina Faso, le Cameroun, la Croatie, le Congo, Haïti, le Kenya, le Mali, Monaco, le Mozambique, la Namibie, le Nigeria, les Philippines, le Sénégal, l'Afrique du Sud, le Soudan du Sud, la Syrie, la Tanzanie, le Venezuela, le Viêt Nam et le Yémen.
Quant à “la liste noire”, elle regroupait des pays présentant des lacunes importantes et graves en matière de lutte contre ces activités, tels que la Corée du Nord et l’Iran.
Les efforts de la BDL
Cela dit, la Banque du Liban (BDL) a fait des efforts pour corriger un tant soit peu l’économie du cash qui domine dans le pays. Dans cet esprit, s’est inscrit notamment la circulaire de base n° 165, qui permet aux banques d'ouvrir des comptes en dollars et en livres libanaises, de fournir des cartes de paiement et de revenir aux moyens de paiement disponibles dans le secteur bancaire. Cependant, cette circulaire n'a pas été accompagnée d'une loi de l'autorité législative pour faciliter ces procédures.
Précisons par ailleurs, que le Gafi a ajouté l'Algérie, l'Angola et la Côte d'Ivoire, en plus du Liban, à sa "liste grise", lors de sa réunion plénière à Paris.
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