Acheminement équitable des aides humanitaires: quelle stratégie pour le Liban?
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Depuis l’intensification du conflit entre Israël et le Hezbollah, le 23 septembre dernier, le Liban fait face à une crise humanitaire sans précédent. Destructions massives de quartiers et de zones d’habitation, déplacements internes de plus d’un million deux cent mille personnes… Le dernier bilan humain, datant du 30 octobre 2024, fait état de 2.792 tués et de 12.772 blessés “depuis le début de l’offensive israélienne”.

Le coût de la guerre au Liban dépasserait les 20 milliards de dollars, selon le dernier rapport (du 20 octobre) de l’Independent Task Force for Lebanon (ITFL). Un bilan lourd à payer.

Pour soutenir le Liban dans cette crise qui vient s’ajouter à celle économique précédente, déclenchée en 2019, divers pays et maintes organisations internationales se sont mobilisés et continuent de le faire. L’objectif est de répondre aux besoins urgents de la population libanaise.

Si la gestion de ces aides dépend étroitement du comité de gestion des crises présidé par le ministre sortant de l’Environnement, Nasser Yassine, nombreux sont les défis auxquels se heurte le comité. Ce dernier tente, en effet, de répondre rapidement aux besoins immédiats tout en posant des bases pour un soutien durable en collaboration étroite avec ses partenaires humanitaires internationaux.

Acheminement des aides

Le comité d’urgence gouvernemental que dirige Nasser Yassine au Liban s’accorde, entre autres missions, celle de coordonner l’aide humanitaire provenant de nombreux États et visant à soutenir le pays dans un contexte de guerre et de crise. Or, la gestion et l’acheminement de ces fonds ne sont pas sans entraves. Aujourd’hui, le processus de distribution est souvent obstrué par des défis logistiques et sécuritaires. À cela s’ajoute le fait que de nombreuses personnes déplacées ne sont pas enregistrées dans des centres d’accueil formels, ce qui rend difficile le décompte exact des bénéficiaires. Bien que des efforts soient déployés pour une distribution équitable, le manque de moyens et de transparence pourrait poser des défis quant au suivi de l’aide reçue et distribuée. D’autant plus que les besoins réels surpassent de loin les ressources disponibles et la transparence dans la gestion de cette aide reste un enjeu crucial.

Pour contourner ce problème, le comité d’urgence a mis en place un système pour assurer une coordination et une répartition équitable des aides.

Selon une source proche du dossier, le comité procède comme suit: après avoir effectué un état des lieux auprès des groupes de population les plus vulnérables (civils affectés par la guerre, blessés, déplacés internes, etc.) qui se trouvent dans différentes régions, il détermine la répartition des ressources qui incluent nourriture, médicaments et équipements essentiels.

Il collabore pour cela avec plusieurs organisations internationales (comme l’Organisation des Nations unies (ONU), la Croix-Rouge et d’autres organisations non gouvernementales). Il coordonne aussi avec les gouvernements des pays donateurs pour planifier et répartir les ressources en fonction des besoins prioritaires.

Le comité coordonne ensuite la logistique des convois humanitaires pour garantir que l’aide arrive dans les régions concernées par cette démarche. Selon la source susmentionnée, il travaille souvent avec des agences locales et internationales pour sécuriser des sortes de corridors humanitaires. Les équipes sur le terrain distribuent l’aide directement aux populations ou via des centres de distribution, notamment dans les zones difficiles d’accès.

Afin d’assurer une répartition équitable et d’éviter les détournements, le comité a mis en place un système de suivi des aides. Des rapports réguliers sont établis pour les donateurs et les partenaires, permettant une transparence sur l’usage des fonds et des biens reçus, toujours selon la même source.

Parallèlement à cette mission, “le comité s’efforce de planifier des mesures de relèvement à moyen terme, incluant la reconstruction des infrastructures, le soutien aux services de santé et d’éducation et l’appui à la résilience des communautés affectées”, indique-t-on de même source.

Les aides internationales: d’où proviennent-elles?

À l’international, l’Union européenne (UE) a renforcé son aide au Liban avec une enveloppe supplémentaire de 30 millions d’euros, portant le total de son soutien humanitaire à plus de 100 millions pour 2024. Ces fonds sont destinés à fournir de l’aide alimentaire, des abris et des soins médicaux.

De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’Organisation des Nations unies (ONU) a initié des opérations d’urgence pour fournir de la nourriture à environ un million de personnes déplacées. Le PAM a indiqué, le 29 septembre dernier, travailler “avec des donateurs et des partenaires, depuis plusieurs mois, pour stocker des vivres dans des zones stratégiques à travers le pays”. Il a, par ailleurs, appelé la communauté internationale à “mobiliser ses ressources”, la somme de 105 millions de dollars étant nécessaire pour répondre aux besoins d’urgence d’ici fin 2024.

Le 3 octobre dernier, la Banque mondiale (BM) a annoncé la réorientation de 250 millions de dollars d’aide au Liban, initialement prévus pour le développement des énergies renouvelables, vers l’aide d’urgence aux populations déplacées par les bombardements israéliens dans le sud du pays. Celle-ci a été mise en place en étroite coordination avec les partenaires au développement et à l’aide humanitaire de la BM.

La France a elle aussi renforcé son aide humanitaire et diplomatique. Ainsi, lors de la Conférence internationale de soutien pour le Liban, organisée à Paris le 24 octobre dernier, plus d’un milliard de dollars ont pu être rassemblés. Près de 800 millions de dollars de cette somme sont destinés à des actions humanitaires, telles que la fourniture de produits alimentaires, de médicaments et au soutien des infrastructures médicales endommagées. De plus, une enveloppe de 200 millions de dollars a été allouée à l’armée libanaise pour renforcer ses capacités et lui permettre d’assurer la sécurité intérieure et d’aider aux opérations de protection des civils.

Le Royaume-Uni a, lui, fourni une aide substantielle au Liban. En octobre, le gouvernement britannique a annoncé l’octroi d’une enveloppe supplémentaire de 10 millions de livres sterling pour assurer des abris, de l’eau potable, des services de santé et des produits d’hygiène. Le gouvernement britannique collabore, dans ce sens, avec des organisations humanitaires internationales pour garantir que cette assistance soit distribuée efficacement sur le terrain. Cette annonce fait suite à un paquet d’aide humanitaire de 5 millions de livres sterling octroyé précédemment via l’Unicef, pour assurer l’accès à la santé, à l’eau potable et aux provisions, et pour l’assainissement de l’eau. Par ailleurs, le Fonds central d’intervention d’urgence des Nations unies (CERF), dont le Royaume-Uni est l’un des plus grands donateurs, a également annoncé, en octobre, une aide de 7,6 millions de livres sterling pour répondre aux besoins urgents liés au conflit et aux déplacements de populations au Liban.

Les États-Unis ont également intensifié leur aide humanitaire au Liban. En octobre, le gouvernement américain a annoncé une assistance de près de 157 millions de dollars visant à soutenir les populations libanaises affectées, ainsi que les réfugiés et les déplacés internes. Ce financement est alloué à des besoins essentiels, notamment la distribution de nourriture, d’eau potable et de soins médicaux pour les personnes en situation de grande vulnérabilité. Les États-Unis collaborent avec des agences locales et internationales pour garantir une distribution rapide et efficace des ressources, tout en coordonnant des opérations d’évacuation pour leurs ressortissants en cas d’aggravation du conflit.

Pour sa part, la Russie a également envoyé des cargaisons d’aide humanitaire contenant des vivres, des médicaments et des générateurs pour soutenir les infrastructures libanaises endommagées. Le ministère russe des Situations d’urgence avait déclaré qu’un avion privé Il-76 avait livré une cargaison d’aide humanitaire d’un poids total de 33 tonnes. Ce fret comprend, selon un communiqué du ministère russe, “des vivres, des médicaments, des tentes, des produits de première nécessité et des groupes électrogènes d’une capacité de 80 kilowatts”. Les autorités russes, par le biais de leur ambassade à Beyrouth, coopèrent avec le gouvernement libanais pour assurer une distribution efficace de cette aide dans les zones largement affectées par le conflit en cours, notamment dans le sud du Liban et autour de Beyrouth, où les impacts humanitaires sont particulièrement graves.

Le Brésil a lui aussi contribué à cette manœuvre humanitaire. Le pays d’Amérique du Sud a envoyé 11 tonnes de matériel médical à destination du Liban, par l’intermédiaire du consulat général du Liban à Rio de Janeiro, qui œuvre en collaboration avec une cellule de crise qu’il a formée. Ces dons sont le résultat de contacts établis par le consulat à Rio avec des laboratoires pharmaceutiques brésiliens, qui ont immédiatement répondu à l’appel.

Des organisations non gouvernementales, comme Solidarités International, distribuent des vivres et de l’eau potable, réhabilitent les points d’eau et assurent des abris dans les zones les moins exposées aux hostilités. Toutefois, certaines régions comme la vallée de la Békaa restent difficiles d’accès en raison des risques de bombardements.

Mobilisation régionale

Sur le plan régional, plusieurs pays se sont empressés de lancer des projets d’aide humanitaire en faveur du Liban, dont notamment l’Arabie saoudite, le Qatar et le sultanat d’Oman. C’est ainsi que le Centre d’aide humanitaire et de secours du roi Salmane (KSRelief) a lancé, en octobre, un pont aérien de secours vers le Liban, conformément aux directives des dirigeants de l’Arabie saoudite. Il entend, de ce fait, assurer une aide médicale et de secours au peuple libanais. Des avions chargés de fournitures médicales urgentes, de secours et de denrées alimentaires ont décollé, dans ce contexte, à destination de l’aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth (AIB).

Le Qatar a de son côté envoyé un avion humanitaire transportant 50 tonnes d’aide médicale en direction du Liban, alors que le sultanat d’Oman a livré le 14 octobre dernier, via l’Autorité caritative d’Oman, 40 tonnes de médicaments et d’aide humanitaire au Liban.

Les Émirats arabes unis s’ajoutent à la longue liste de pays dont le soutien au Liban s’est intensifié. En octobre 2024, le président cheikh Mohammed ben Zayed a lancé une campagne nationale, “UAE with you, Lebanon,” pour une aide d’urgence de 100 millions de dollars au pays. Cela comprend l’envoi d’un avion transportant 40 tonnes de fournitures médicales essentielles, la première d’une série de livraisons destinées à répondre aux besoins urgents des populations touchées au Liban.

En parallèle, le hub humanitaire de Dubaï a expédié environ 100 tonnes de matériel de secours, comprenant des médicaments et de l’équipement pour abris, en collaboration avec des organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé, l’Unicef et le Croissant-Rouge. Des milliers de bénévoles et de diverses organisations émiriennes ont également contribué à emballer et à distribuer cette aide humanitaire.

À son tour, le Pakistan a déployé ses efforts en accordant au Liban 617 tonnes d’aide (fournitures médicales, matériel de secours, abris, nourriture et produits de première nécessité pour les déplacés).

 

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