Qassem persiste et signe: “Nous sommes prêts à des négociations indirectes conditionnées”
Durant le discours télédiffusé de Naïm Qassem, l'armée israélienne a mené une série de raids sur Baalbeck et la banlieue sud de Beyrouth. ©Ici Beyrouth

Le secrétaire général du Hezbollah, Naïm Qassem, a confirmé mercredi que sa formation avait développé et étendu son arsenal, depuis la fin de la guerre de 2006, en violation de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU.

Le secrétaire général du Hezbollah, Naïm Qassem, a annoncé que sa formation serait prête à accepter des négociations indirectes “conditionnées” entre Beyrouth et Tel Aviv “si l’ennemi israélien mettait fin à son agression contre le Liban”. Il a également demandé à l’armée et à la Finul, notamment le contingent naval allemand, de “fournir des explications sur l’opération commando israélienne de Batroun”. Mais le plus important, dans son discours de mercredi, reste qu’il a reconnu que le Hezb a foulé au pied la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, en s’employant, dès la fin de la guerre de juillet 2006, à développer son arsenal et à former ses combattants dans la perspective de la prochaine guerre avec Israël.

Dans son discours pour le quarantième jour de l’assassinat de l’ancien chef du Hezb, Hassan Nasrallah, tué le 27 septembre dernier dans un raid israélien sur la banlieue sud de Beyrouth, Naïm Qassem a surtout tenu des propos destinés à remonter le moral de ses troupes et à rassurer ses partisans sur “une victoire certaine” face à la machine de guerre israélienne.

Sauf que quand on part de faux constats, l’argumentation qui suit devient branlante. Le chef du Hezbollah a balayé par quelques mots les raisons pour lesquelles Israël a lancé une guerre destructrice contre ses fiefs au Liban, pour se concentrer – encore – sur d’hypothétiques projets expansionnistes israéliens qui, selon lui, ont poussé sa formation à s’armer depuis 2006. En d’autres termes, Naïm Qassem veut que les Libanais oublient que c’est sa formation qui a pris l’initiative d’attaquer en premier Israël, en ouvrant le front sud il y a plus d’un an pour soutenir le Hamas palestinien dans sa guerre contre ce pays, faisant la sourde oreille aux avertissements de Tel Aviv qui répétait qu’il ne voulait pas d’une guerre sur sa frontière nord, mais qu’il n’allait pas garder longtemps les bras croisés face aux attaques hezbollahis sur ses régions nord. Naïm Qassem veut que les Libanais se concentrent sur l’épouvantail qu’il a créé et qu’il s’évertue à vouloir faire ancrer dans leurs esprits: “une modification de la face du Moyen-Orient”, pour justifier la guerre dans laquelle sa formation les a entraînés, sans leur demander leur avis, et en oubliant que nombre de pays arabes ont normalisé leurs relations avec l’État hébreu.  

“Il n’est plus important de savoir comment la guerre a commencé et pour quelles raisons. L’important est que nous faisons face à une agression israélienne. (Benjamin) Netanyahou (le Premier ministre israélien) a déclaré après sa rencontre avec l’émissaire américain, Amos Hochstein: “Je ne sais pas quand la guerre finira, mais je fixe des objectifs précis pour une victoire. Nous allons changer la face du Moyen-Orient”, a dit le chef du Hezbollah en expliquant que pour ce faire, Israël veut “détruire le Hezbollah, occuper le Liban, même à distance, par voie aérienne (en allusion à une proposition de Tel Aviv d’être autorisé à surveiller une éventuelle mise en œuvre de la résolution 1701) pour en faire une nouvelle Cisjordanie et œuvrer pour établir une nouvelle carte de la région”. “Mais parce que nous avions prévu ce résultat que nous vivons aujourd’hui, nous avons commencé dès la fin de la guerre de 2006 à nous préparer à tous les niveaux, en nous armant, en recrutant, en formant des combattants et en développant nos capacités dans tous les domaines, ce qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes dans une situation de légitime défense face à l’agression et aux projets expansionnistes israéliens”, a-t-il dit, tentant ainsi de justifier le fait que de nombreux villages au sud du Litani sont devenus autant d’arsenaux et de centres de dépôts d’armes, en violation de la 1701, tout comme d’ailleurs des quartiers de la banlieue sud de Beyrouth ou de bourgades de la Békaa.

Selon lui, dans cette guerre contre Israël, “c’est le terrain qui va trancher”, parce que, dans sa logique, “les éléments de force dont dispose l’ennemi ne vont pas l’aider à marquer une victoire face à ceux de la Résistance”. “Nos combattants suivent une doctrine islamique ferme et inébranlable qu’ils maintiennent quoi qu’il arrive et pour laquelle ils sont prêts à mourir. Le terme martyre ne signifie pas qu’un individu veut mourir, mais qu’il n’a pas peur de la mort lorsqu’il est sur un champ de bataille”, a-t-il avancé, en insistant sur le fait que sa formation “a des dizaines de milliers de combattants qui n’ont pas peur de mourir” et que “les capacités militaires (du Hezb) sont toujours puissantes et renouvelables, alors que l’ennemi ne dispose que de ces avantages: sa capacité à détruire et à tuer des civils, ainsi que sa puissance aérienne et le contrôle du réseau de communications”. “Les cinq brigades qu’il a déployées à la frontière ne lui ont pas permis d’atteindre ses objectifs”, a-t-il estimé.

Sur base de cet exposé, il est parvenu à la conclusion selon laquelle ce sont “le terrain et le front intérieur israélien qui vont trancher parce que les missiles et les drones vont arriver partout en Israël où les gens vont hurler parce qu’ils vont payer le véritable prix pour cette guerre”. “Israël va savoir qu’il ne pourra pas la remporter”, a encore jugé Naïm Qassem. “Avec ses 65.000 soldats, il aurait pu arriver au Litani, mais il n’a pas réussi à le faire parce qu’il fait face à une résistance coriace”, a-t-il dit, avant de réaffirmer qu’il ne compte pas “mendier un cessez-le-feu”. “Mais, a-t-il ajouté, si l’ennemi décide de mettre fin aux combats, nous avons établi clairement la voie pour des négociations indirectes, à travers l’État libanais et le président de la Chambre, Nabih Berry, qui est le porte-étendard de la résistance politique”. Selon lui, “toutes négociations doivent reposer sur deux éléments: la cessation des hostilités et la préservation, entière, de la souveraineté libanaise”.

C’est dans ce contexte que cheikh Qassem a évoqué l’opération commando israélienne de vendredi dernier. “Elle soulève de nombreuses interrogations. Je ne veux accuser personne, mais je demande à l’armée qui est en charge de la protection des frontières d’expliquer, dans un communiqué, comment cette violation de la souveraineté libanaise a pu se produire, même si, pour cela, il doit dire qu’il n’a pas pu l’empêcher. Que la Finul fournisse également des précisions, notamment le contingent allemand: qu’ont-ils vu cette nuit? Qu’ont-ils fait?”

Et de conclure en promettant, encore une fois, une victoire certaine et en vantant longuement “la contribution” de sa formation “au développement du Liban dans tous les domaines et à l’édification de l’État”.

Il y a lieu de préciser que le discours était enregistré et non pas diffusé en direct, cheikh Qassem ayant évoqué la présidentielle américaine et son impact potentiel sur la suite de la guerre, en affirmant qu’il ne misait pas sur son issue pour parvenir à un cessez-le-feu avec Israël, “quel que soit le candidat qui sera élu”, alors que la victoire de Donald Trump était confirmée. 

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