Après cinq ans de travaux de restauration, le grand orgue de Notre-Dame de Paris, endommagé lors de l'incendie de 2019, retrouve progressivement sa voix sous les mains expertes d'Itaru Sekiguchi, avec l'espoir de résonner à nouveau lors de la réouverture de la cathédrale le 7 décembre prochain.
À 10 ans, Itaru Sekiguchi a vécu un choc qui allait changer le cours de sa vie. Un “bruit infernal”, se remémore-t-il. Et il l'a justement entendu pour la première fois alors qu’il se trouvait devant le grand orgue de Notre-Dame de Paris. Ce moment marquant a éveillé en lui une passion irrépressible pour la musique et l’instrument roi, un amour qui, quarante ans plus tard, occupe encore ses journées et ses nuits.
Rares artisans
Originaire de Sendai, au Japon, Itaru s’installe en France dans sa vingtaine, avec un rêve bien précis: devenir facteur d’orgue. “Je voulais venir en France parce que c’est là où ça se passe”, confie-t-il aujourd’hui pour l’AFP dans un français impeccable. Mais sa décision surprend sa famille, qui peine à comprendre ce choix audacieux, tant l’idée de travailler sur un instrument aussi complexe semble lointaine, voire irréaliste.
Aujourd’hui âgé de 54 ans, Itaru a vu son rêve se réaliser en devenant un des rares artisans à comprendre le grand orgue de Notre-Dame dans ses moindres détails. Depuis 2018, il est le facteur d’orgue attitré de la cathédrale, chargé de son entretien quotidien. Mais la tragédie de l’incendie d’avril 2019 a bouleversé sa vie et mis à l’épreuve son lien avec cet instrument exceptionnel.
Couleurs et timbres
“J’ai eu peur pour l’orgue”, avoue-t-il, se rappelant l’angoisse de ne pas savoir si l’instrument allait survivre au désastre. Le feu a ravagé une grande partie de la cathédrale, mais heureusement, le grand orgue, bien que menacé par les fumées et les températures extrêmes, a été épargné par les flammes. Toutefois, les dégâts collatéraux ont été nombreux. Les résidus de plomb ont pénétré dans l’instrument, et la chaleur intense a fragilisé ses parties en bois.
Démonté pour la troisième fois de son histoire – après les rénovations de 1990 et 2014 –, le grand orgue est aujourd'hui en phase de restauration. Plus de 8.000 tuyaux ont été soigneusement démontés et ont été réinstallés à partir de 2023, en parallèle des travaux de la nef. C’est là qu'Itaru intervient, aux côtés de facteurs d’orgues venus des quatre coins de France pour redonner à l’instrument son timbre d’origine. Une mission délicate, d’autant que, comme l’explique Olivier Chevron, “un tuyau peut parler de 1.000 manières différentes”, et retrouver le son exact de l’orgue est un défi technique et artistique.
Travail titanesque
Mais pour Itaru, la tâche est encore plus personnelle. Après avoir passé des années à entretenir l’orgue, il s’appuie sur “ses souvenirs” pour retrouver la couleur sonore unique de l’instrument. “C'est difficile de décrire le son du grand orgue. Pour moi, il est de la couleur sonore de la cathédrale, c'était un instrument chaleureux, pas tendu, pas agressif”, se souvient Bertrand Cattiaux, ancien responsable de l’entretien de l’orgue et mentor d’Itaru.
Pour ce Japonais installé depuis plus de 25 ans en Corrèze, travailler sur un symbole du patrimoine français est un honneur, mais aussi une lourde responsabilité. “C’est juste incroyable, dit-il. Ça fait beaucoup de choses, d'honneur mais aussi de charges et de responsabilités.” Alors que le grand orgue devrait reprendre vie à l’occasion de la réouverture de Notre-Dame, le 7 décembre prochain, Itaru pourra enfin savourer, avec ses collègues, le fruit de ce travail titanesque.
Avec AFP
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