Avec «Alpha», Julia Ducournau fait revivre le trauma des années sida
L'acteur français Tahar Rahim, la réalisatrice française Julia Ducournau et l'actrice Melissa Boros posent lors d'une séance photo pour le film «Alpha» à la 78e édition du Festival de Cannes, à Cannes, dans le sud de la France, le 20 mai 2025. ©Bertrand GUAY / AFP

Après sa Palme d’or pour Titane, Julia Ducournau signe son retour avec Alpha, un drame familial fantastique en salles ce mercredi. Porté par Golshifteh Farahani et Tahar Rahim, le film met en scène une adolescente confrontée à une mystérieuse épidémie, dans un récit qui évoque en filigrane les débuts de la crise du sida dans les années 1980. Entre mutation des corps, peur de la contamination et mémoire collective, la cinéaste explore une fois de plus les liens entre maladie, filiation et résilience.

Après sa Palme d'or pour Titane en 2021, Julia Ducournau revient avec un nouveau film de genre, Alpha, en salles mercredi, l'histoire d'une famille confrontée à une épidémie mystérieuse rappelant furieusement les débuts de l'épidémie de sida dans les années 1980.

Moins violent que Titane, Alpha est une fable familiale. Mais reste un film de genre, hallucinatoire, piochant dans les ingrédients préférés de Ducournau: des corps qui mutent, du sang, du fantastique.

Alpha, une ado de 13 ans jouée par une nouvelle venue, Mélissa Boros, vit dans un monde qui s'effondre. Une maladie, que personne n'ose nommer et qui se transmet par le sang, fait des ravages.

Incurables, ceux qui sont contaminés se pétrifient peu à peu. Accueillis dans les rares hôpitaux qui l'osent, ils finissent par se changer en statues de pierre.

La mère d'Alpha, jouée par Golshifteh Farahani, est l'un de ces médecins courage. Mais lorsque sa fille se fait tatouer un bras avec une aiguille pas franchement stérile, la panique la gagne: est-elle contaminée ?

A la maison, la mère d'Alpha héberge son frère, un toxicomane qui a contracté ce virus: pour le rôle, Tahar Rahim a perdu 20 kilos et a travaillé trois mois avec des travailleurs sociaux aux côtés de toxicomanes à Paris.

«Les adultes n'en parlaient pas ou alors mentaient», a rappelé à l'AFP Julia Ducournau au festival de Cannes, où le film était en compétition.

«État de sidération»

«Il y avait cette idée, qui existe toujours, qu'il faut protéger les enfants de tout. Mais le problème, c'est que c'était présent sur tous les JT, tout le temps, partout. Même dans la cour d'école, dès que quelqu'un saignait, il était pointé du doigt. Les gens ne voulaient plus l'approcher. En deux secondes, on pouvait se retrouver seul au monde. On a tendance à oublier que ça a existé», se souvient-elle.

«Alpha, c'est un personnage dont la vie commence dans un monde où tout meurt», poursuit la réalisatrice, qui évoque aussi l'époque actuelle qui la plonge dans «un état de sidération».

«Sentant le sable se dérober sous mes pieds, je suis revenue à la première fois de ma vie où j'ai eu cette même impression, une impression d'apocalypse imminente», celle des débuts du sida, lorsqu'elle était enfant.

Les traumatismes liés au sexe et à la mort, qui se transmettent de génération en génération dans cette famille française d'origine kabyle, filmée avec tendresse, sont aussi au cœur de ce long-métrage, son troisième.

Malgré la mort et la maladie, Alpha est aussi le plus lumineux des films de Julia Ducournau, montrant l'amour d'une famille face à un mal mystérieux. «Ce qui se passe dans cette famille, c'est une manière pour moi de montrer que la seule réponse logique à tout ça, c'est juste de s'aimer», ajoute la cinéaste.

Comme dans ses autres films, musique et photographie sont extrêmement travaillées, entre les tempêtes de sable de Dune et l'univers de David Cronenberg.

Chez elle, dès le tournage, «le film existe déjà dans sa tête, exactement, précisément», a raconté Golshifteh Farahani à l'AFP. Dans son cinéma, «il ne faut pas poser de questions, il faut faire confiance.»

Par François BECKER / AFP

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