Budget 2025: vers une nouvelle crise

Avec des dépenses en hausse et des revenus inférieurs aux prévisions, le projet de budget 2025 est désormais obsolète. Le gouvernement doit le retirer sans tarder du Parlement, où il avait été déposé dans les délais, afin d’éviter le pire au pays.

Pourquoi le pire? Parce que le projet de budget 2025, dans sa version actuelle reposant sur des recettes irréalisables, amènera inéluctablement le gouvernement à recourir à des avances du Trésor. Celles-ci équivalent à ce que Nicolas Chammas, secrétaire général des organismes économiques, appelle un “budget parallèle”. Une telle situation annonce inévitablement une nouvelle crise, d’autant que les caisses de l’État sont vides.

 

Même la solution du moindre mal sera catastrophique pour le Liban: les sources de financement possibles sont à la fois incertaines et limitées. L’État n’aurait d’autre choix que de recourir à l’impression de livres libanaises, à l’endettement ou à un prélèvement sur les réserves de la Banque du Liban. Or, chacune de ces options serait désastreuse pour la stabilité du taux de change de la monnaie nationale.

Compte tenu des bouleversements économiques fondamentaux provoqués par la guerre, il est impératif de réviser et d’amender structurellement le projet de budget. Le texte est actuellement devant la commission des Finances et du Budget, qui n’arrive pas à se réunir pour des raisons d’ordre sécuritaire.

Le temps presse, mettant à rude épreuve le Trésor public et les Libanais. Si le Parlement ne parvient pas à adopter le budget d’ici au 31 janvier, il sera promulgué par décret, dans sa version initiale, par le gouvernement chargé des affaires courantes.

   

Des recettes improbables

Le projet de budget 2025, qui s'élève à 3,2 milliards de dollars, prévoit une augmentation de près de 40% des dépenses par rapport à 2024 et une hausse de 30% des recettes. 80% de celles-ci sont censées provenir de la fiscalité et 20% de revenus non fiscaux. Les principales sources fiscales incluent l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le capital et les taxes sur le commerce international. 

Cependant, ces prévisions semblent peu réalistes, voire illusoires, dans un contexte où la moitié des huit mohafazats sont désormais en marge de l'activité économique, conséquence de l’ouverture par le Hezbollah du front sud contre Israël et de la guerre qu’il a ainsi imposée au pays.

Par ailleurs, l’économie informelle, basée sur le cash, complique davantage la mise en œuvre et la collecte des impôts. Selon le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, le Trésor aurait pu dégager un excédent de près d’un milliard de dollars sur les neuf premiers mois de 2024 si la guerre n'avait pas éclaté. 

En octobre 2024, les revenus effectifs du Trésor n'ont représenté que 30% des recettes initialement prévues. Sur ce seul mois, les recettes réalisées en cash ont atteint 3,3 milliards de dollars, contre 2,7 milliards de dollars de dépenses en cash, générant un excédent de 600 millions de dollars. Ces dépenses ont principalement couvert des postes prioritaires tels que les salaires du secteur public et les dépenses du ministère de la Santé, du Conseil du Sud et du Haut comité de secours.

 

La communauté internationale et le Liban

Cela dit, le ministère des Finances et la Banque du Liban misent sur l’appui financier de la communauté internationale pour couvrir les aides humanitaires. L'objectif est de permettre au ministère de préserver au maximum les fonds du compte 36 du Trésor, tandis que la Banque centrale cherche à protéger ses réserves pour défendre la valeur de la livre libanaise face au dollar.

Cependant, une question légitime se pose: la communauté internationale serait-elle prête à accorder des financements au-delà de l’aide humanitaire? Selon certaines sources, le ras-le-bol international face au “cas libanais ”devient palpable. À cet égard, Saadé Chami, vice-président du gouvernement, a confié aux représentants des organismes économiques qu’il a perçu une certaine “fatigue du Liban”.

En visite à Washington, où il avait rencontré des responsables du FMI et de la Banque mondiale, M. Chami avait sollicité une aide d’urgence pour le Liban.

Toutefois, le soutien international pourrait se heurter à une lassitude croissante face à la gestion des crises successives du pays. Jusqu’à nouvel ordre, les Libanais devraient faire avec une ligne de crédit accordéepar le passé par la Banque mondiale, dont 250 millions de dollars restent à disposition.

 

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