Le terrorisme d’État et l’État de terreur
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Lorsque j’ai été interpellé par les services de sécurité de l’État, je me suis rappelé les méthodes de la police politique du temps de l’Allemagne nazie, la fameuse Gestapo de Heinrich Himmler. À la différence de la police politique de l’ère nazie, la police politique instrumentalisée par le fascisme chiite est un ramassis de tueurs à gage et de mafieux qui instrumentalisent des soldats intègres qui ont rejoint l’armée pour servir sous les drapeaux et assurer une vie décente à leurs familles. Les paradoxes et les contresens en tous genres m’ont sauté aux yeux lors de l’application de la procédure: la soldatesque me demande de signer une interpellation sans me préciser la nature de cette interpellation, alors qu’il est de mon droit de connaître les chefs d’accusation et les griefs retenus contre moi. La seule réponse à laquelle j’ai eu droit, c’est de signer la requête qui m’est lancée sans autres formes de procès. 

Je dois signer sans rien savoir sur les motifs de l’interpellation. S’ajoute à cela une demande formelle de me rendre à la mal famée Ramlet el-Baïda, le chef-lieu de la police politique du Baas du temps de l’occupation syrienne et le lieu emblématique de l’ère de la torture et des tortionnaires de la dictature alaouite et de ses sbires meurtriers (Ghazi Kanaan et Roustom Ghazali). Les réminiscences meurtrières sont tellement associées à la nature de l’interpellation en cours, que j’ai résolument refusé d’obtempérer, et j’ai expressément demandé aux soldats de me mettre en lien avec leur supérieur hiérarchique. J’ai eu droit à la même réponse, la venue inconditionnelle, sans pour autant préciser les motifs de cette interpellation, tout en concédant sur le lieu d’interrogation. 

Un État qui se dit de droit s’autorise des interpellations arbitraires: on débarque en début de soirée (pas la moindre notion d’Habeas Corpus), on interdit à la conciergerie de m’informer alors qu’elle est tenue de le faire de par les règlements statutaires; arrivés à ma porte, ils tapent de manière nerveuse, alors qu’ils pouvaient très bien sonner. Les techniques habituelles d’intimidation d’une république bananière qui m’ont surpris et profondément irrité. Je réalisais qu’il s’agissait d’une malfaisance qui a redoublé ma détermination à faire face à l’imprévu sans aucune précaution et avec l’intrépidité du vieux gladiateur et du militant qui n’a cessé depuis cinquante-deux ans de porter les fardeaux de cette lutte sans merci et sans répit contre la terreur et les dictatures qui ont ponctué ce calvaire qui ne finit plus, soixante ans après. 

L’inculture démocratique de cette police politique est d’autant plus inquiétante qu’elle confirme l’état de décomposition des institutions de ce qui fut jadis le seul État de droit dans une région qui évoluait entre les abîmes du tribalisme le plus archaïque, de la religiosité totémique et du totalitarisme primitif qui ont délibérément détruit les socles anthropologiques et historiques de la démocratie constitutionnelle et pluraliste, et ceux du libéralisme qui ont miroité les chances d’un paradigme alternatif dans cette région du monde. En décidant de faire face à la terreur d’État, j’ai reçu l’appui du monde journalistique, des avocats des droits de l’homme, des partis de l’opposition démocratique, de l’ULCM et des diverses diasporas, des universitaires, des milieux d’Église et de mes camarades de lutte, comme pour mieux marquer notre détermination, notre opiniâtreté et notre lutte jusqu’au-boutiste. 

Notre société civile n’a jamais eu les institutions d’État qu’elle mérite, alors qu’elle subissait les soubresauts des impérialismes régionaux qui se sont acharnés sur notre modèle de civilité politique et de convivialité dans ce monde où le choc des sauvageries est sans rebords. Je mènerai ma défense au nom de toutes les victimes sans voix, et j’en ferai un exemple de rigueur et de ténacité en vue de défendre notre droit national, notre État de droit et nos valeurs humanistes qui restent à jamais le fondement ultime du vivre en commun qui nous a caractérisés. Nous nous opposerons fermement aux enfermements totalitaires et à cet univers concentrationnaire qui nous sont imposés. Notre pays se définit et à jamais au croisement entre le patriotisme constitutionnel d’un État de droit et celui de l’humanisme multiséculier et ses fonds baptismaux. Y la lucha continua.

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