Le leader druze et ancien chef du PSP, Walid Joumblatt, a accusé l’Iran d’exploiter le Liban pour améliorer ses conditions dans les négociations avec l’Occident sur le dossier du nucléaire. Il a, dans le même ordre d’idées, appelé à briser le lien que le Hezbollah avait établi entre le Liban et Gaza, pour pouvoir justifier l’ouverture du front sud avec Israël, au profit de son parrain, Téhéran.
Dans une interview accordée en soirée à la MTV, M. Joumblatt a mis en relief l’urgence d’un cessez-le-feu au Liban, en soulignant toutefois que la balle est actuellement dans le camp d’Israël, à qui le médiateur américain, Amos Hochstein, a remis les observations libanaises au sujet de la proposition de Washington pour une trêve.
Pour lui, un cessez-le-feu devrait s’articuler autour de trois éléments: une mise en œuvre intégrale de la 1701, un retour à l’accord d’armistice et une consolidation des capacités militaires de l’armée, dont il a souligné le rôle fondamental pour maintenir la sécurité et la stabilité, à long terme, dans le pays.
S’il n’a pas critiqué ouvertement l’Iran et le Hezbollah pour avoir entraîné le Liban dans une guerre destructrice inutile, le leader druze n’en a pas moins caché son ras-le-bol face à une instrumentalisation du pays, dont la partie sud peut, selon lui, bénéficier d’une paix pour peu qu’on la laisse tranquille.
Dans ce contexte, il a plaidé pour “un développement” de l’accord d’armistice et rappelé que la 1701 “englobe toutes les résolutions précédentes, notamment la 1559 et la 1602, et confirme les accords de Taëf et d’armistice”. Des documents qui constituent autant de garde-fous pour une paix pérenne au Liban, s’ils sont respectés.
Pour l’heure, l’important reste, selon lui, de dissocier le Liban de Gaza, cette communauté de destin imposée au pays par l’Iran, “qui a détruit le Liban et n’a pas empêché Israël de raser Gaza et d’éliminer sa population”. “L’Iran, a-t-il martelé, ne peut plus utiliser le Liban et le lier à la Palestine, afin d’améliorer ses conditions dans le cadre des négociations sur le nucléaire. Le nucléaire est une chose et la trêve au Liban est une autre. Ça suffit avec les destructions. Nous avons eu notre dose”.
M. Joumblatt a reconnu qu’il a refusé d’accueillir Ali Larijani, le conseiller du guide spirituel de la Révolution islamique, lors de sa visite au Liban, la semaine dernière. Il a laissé entendre qu’il boycotte les responsables iraniens qui défilent en permanence au Liban depuis qu’Israël a lancé son offensive d’envergure contre le Hezbollah, lorsqu’il a constaté à quel point leur instrumentalisation du Liban est nocive. À ce même propos, il a reconnu que cette position “aurait dû être prise depuis longtemps”. “C’était pour dire, cela suffit. Nous ne sommes pas une scène, mais un État indépendant qui doit l’être”, a-t-il encore lancé, en jugeant “nécessaire d’en discuter avec les alliés, notamment le Hezbollah”, dans le cadre d’un dialogue qu’il a désigné comme étant “exécutif”, une fois qu’un président de la République est élu.
M. Joumblatt a rappelé que dans son dernier discours, le chef du Hezbollah, Naïm Qassem, a affirmé que son groupe se plaçait sous Taëf. Ce document, approuvé au terme de la guerre de 1975, prévoyait, entre autres, la dissolution des milices et le monopole des armes aux mains de l’armée.
Celle-ci devrait, selon lui, être la seule déployée au sud et aux frontières pour empêcher l’afflux d’armes. Encore une fois, il a estimé que cela devrait faire l’objet d’un dialogue avec le Hezb, sinon avec l’Iran.
Walid Joumblatt a préconisé la constitution d’une ou de deux nouvelles brigades de l’armée au sein desquelles les combattants de la formation pro-iranienne seraient enrôlés, à condition qu’il y ait un mélange au niveau des militaires “même si les membres du Hezbollah ont leur propre idéologie”. “Ils peuvent être endoctrinés, mais ils restent des Libanais”, a-t-il insisté.
Il s’est cependant exprimé contre toute tentative de vider les régions où l’armée est actuellement déployée, de ses unités, pour les envoyer au Liban-Sud. “Le ministre de la Défense et ceux qui le soutiennent doivent recruter de nouveaux soldats et agents des FSI”, a-t-il insisté, avant de mettre en garde contre les appels à un “retour au petit Liban”.
“Je veux que le Grand Liban demeure. Je veux que la Jordanie hachémite soit préservée et que la Syrie soit libérée de ses nombreuses occupations mais que son régime soit réformé”, a poursuivi l’ancien chef du PSP.
S’il a relevé que le président de la Chambre, Nabih Berry, et le Premier ministre sortant, Najib Mikati, “déploient des efforts énormes pour un cessez-le-feu et un retour à l’armistice”, M. Joumblatt a reconnu qu’il appartient à l’Etat libanais, notamment à l’Exécutif et non pas au chef du Parlement, seul, de mener les pourparlers pour un accord de cessez-le-feu qui engage l’ensemble du pays. “Mais certaines urgences peuvent justifier des entorses” aux règles, a-t-il essayé de justifier.
Le leader druze a rendu hommage à M. Mikati “qui effectue un travail monstre pour gérer le pays”, mais estimé que la priorité devrait être l’élection d’un président.
Dans ce contexte, il a confirmé qu’il a pris contact avec le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, pour discuter avec lui de ce dossier, entre autres questions, en relevant qu’une remarque de ce dernier, sur la possibilité d’élire un président, en l’absence de la composante chiite au Parlement, l’avait inquiété.
Walid Joumblatt s’est par ailleurs dit contre la conclusion d’un accord de paix avec Israël “en raison de l’engagement en faveur de la cause palestinienne et de l’étendue des destructions du fait des raids israéliens”.
Sur un autre plan, il a fait état d’une entente pour une rallonge d’un an du mandat du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, et des chefs de sécurité.
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