20 Novembre 2024,
Je prends l’avion retour Dubaï-Beyrouth, les nouvelles ne sont pas très bonnes, mais j’ai l’habitude, le principe d’incertitude me colle à la peau, je suis Libanais, ce flottement imperceptible entre le bonheur inégalable de regagner le foyer et l’insécurité insupportable de m’y trouver prisonnier est mon quotidien.
Je m’y conforme parce qu'être Libanais n’est pas une fatalité, c’est un choix qui comporte à la fois le bonheur et la souffrance absolus, une harmonie improbable mais réelle entre la fête continuelle et l’expiation éternelle.
Être Libanais est une colère biblique tonitruante, c’est une passion religieuse qui intègre la foi et le doute, c’est la tragédie infanticide étouffante de Médée, c’est appartenir à la mère universelle, incandescente qui refuse de voir grandir ses enfants, qui les étouffe de baisers jusqu’au dernier tremblement de la mort.
En m’installant sur mon siège, une réplique d’un film de Truffaut s’immisce subtilement dans la solitude de mes pensées: “Ni avec toi, ni sans toi.” Longtemps associés au romanesque dans mon esprit, ces quelques mots surannés prennent un sens différent au moment de me rendre au Liban. Je sens l’attraction de cette terre que j’insulte pour son ingratitude, mais qui m’imprègne malgré tout, de sa beauté simple, sauvage et dure. Je me dis, c’est la dernière fois, mais je sais que je reviendrai à chaque fois avec la joie des grands retours, l’appel amoureux de ma femme, l’appel inquiet de ma mère, la folie joyeuse de ma fille, l’énergie attachante de mon fils, les messages de mes amis.
J’entends la voix sécurisante de ma pilote, douce et ferme, des gens autour de moi murmurent: “C’est Rola, elle est bien.” Ils sont tous biens de toute façon, même les hôtesses qui te réveillent parce qu’il faut manger.
Cette sollicitude perpétuelle m’énerve un peu, mais me rassure. Je sais que ma vie est là, quoiqu’il arrive, et c’est tout ce qui compte… pour le reste, en bon Libanais, je verrai bien.
Bonne fête de l’indépendance!
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