En ces temps de bouleversements profonds, souvenons-nous des figures marquantes de notre histoire.
Alors que nous commémorions hier la fête de l’indépendance du pays, force est de constater que nous nous éloignons chaque jour un peu plus de l’essence de cette occasion.
Parmi ces souvenirs, celui d’un 22 novembre meurtrier demeure poignant. René Moawad, assassiné le jour de l’indépendance, rejoint la liste tragique des présidents éliminés avant même leur investiture, tout comme Bachir Gemayel avant lui. Une autre occasion manquée pour la République de se relever.
René Moawad se distingue parmi les hommes d’État libanais. Contrairement à de nombreux autres qui ont exploité l’État à des fins personnelles, il était l’incarnation de l’intégrité, de l’honnêteté et du respect.
Son parcours est magnifiquement relaté dans le récit poignant du général Tannous Moawad, Dix-huit jours dans la vie du Liban, qui retrace l’histoire brève mais marquante de ses journées présidentielles.
Une présidence brève, mais porteuse d’un immense espoir, rapidement anéanti, tout comme les rêves d’un peuple qui aspirait à sortir des ravages de la guerre pour construire un véritable État. Pourtant, trente-cinq ans après l’assassinat de René Moawad, le Liban reste une illusion.
René Moawad était un homme qui gouvernait selon “le Livre”, comme le général Fouad Chehab aimait bien à désigner la Constitution. Fidèle à cet idéal, il incarnait la droiture et la probité, refusant de céder au confessionnalisme, tout en portant haut les valeurs d’une maronité enracinée, portée sous les ailes protectrices de Notre-Dame d’Ehden, son refuge spirituel.
L’assassinat de René Moawad, qui était l’un des principaux architectes de l’accord de Taëf – cette version revisitée du “Livre” –, a été l’un des premiers signes de rejet de cet accord.
Si ses principes avaient été appliqués, le Liban aurait pu éviter les guerres et les crises successives ainsi que les victoires illusoires, et nous ne serions pas aujourd’hui réduits à quémander l’application des résolutions internationales.
Le souvenir de René Moawad se perpétue à travers ceux qui ont porté son héritage avec dignité et détermination. Son épouse Nayla a continué d’incarner son éclat en tant que Première Dame, à travers son engagement politique et social; son fils Michel, a, pour sa part, tracé un chemin politique ambitieux, devenant une figure influente et un candidat sérieux à la présidence, dans un contexte marqué par les abus constitutionnels et la prolifération des mensonges. Cet héritage transcende également la sphère politique grâce à la fondation René Moawad, qui s’illustre dans l’aide humanitaire, le développement communautaire et le soutien aux initiatives individuelles.
Se souvenir de René Moawad, c’est aussi se rappeler une injustice criante: son assassin n’a jamais été jugé. Ce criminel n’a pas seulement tué un homme, mais a aussi tenté d’anéantir l’idée même de nation. Il a visé d’autres figures emblématiques, comme Pierre Gemayel, dont nous avons récemment commémoré l’assassinat.
Le responsable demeure le même; seules ses exécutants ont changé.
Dans cette phase cruciale de l’histoire du Liban, le besoin d’un René Moawad se fait pressant. Un homme capable de transcender les clivages, respectant à la fois ses alliés et ses opposants, comme il l’a fait avec la famille Frangié. Un homme dont l’intégrité et la vision pourraient servir de modèle. Un homme qui, loin des discours creux et des divisions stériles, agirait pour restaurer l’État dans sa vocation première: être un refuge pour tous, une source de force collective, et non un théâtre d’excès de puissance et de propagande.
Ces mots, aussi justes soient-ils, ne suffisent pas à rendre pleinement hommage à René Moawad. Cependant, ils sont porteurs d’espoir: celui de voir le Liban, après trente-cinq ans marqués par les dérives et les crises, tirer enfin les leçons du passé. Le jour où nous sortirons du modèle des “États dans l’État” pour reconstruire une véritable nation sera celui où nous rendrons enfin justice à René Moawad.
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