Cette année, le président du Parlement, Nabih Berry, s’est chargé de prononcer le discours de la fête de l’indépendance, habituellement réservé au président de la République. Par ailleurs, le Hezbollah a déclaré avoir organisé un défilé militaire pour l’occasion, mais selon ses propres règles. Le Liban est-il désormais sous l’emprise de la formation pro-iranienne? Et M. Berry serait-il devenu le président de cet État parallèle?
La situation actuelle semble confirmer ces interrogations. Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a également adapté son rôle à cette nouvelle réalité. Le 22 novembre, jour de la fête de l’indépendance, il s’est rendu au ministère de la Défense, à Yarzé, où il a reçu les honneurs militaires. Mikati a semblé reproduire le protocole des défilés militaires traditionnels des célébrations passées, à une époque où le Liban disposait d’une autorité pleinement constituée. Il a ensuite déposé une gerbe de fleurs, au nom de la “République libanaise”, sur le monument dédié aux martyrs de l’armée.
Le discours de Nabih Berry, à l’occasion de la fête de l’Indépendance, n’a fait aucune allusion à la vacance de la présidence de la République. Rappelons que M. Berry, élu président du Parlement en 1992, occupe ce poste depuis plus de trois décennies. Il a accompagné le mandat de quatre présidents successifs, apparaissant à leurs côtés lors des célébrations officielles de cette fête.
Cette année, pour la troisième fois consécutive, l’absence de président a été marquée par celle de l’armée libanaise et des forces de sécurité. En lieu et place de cette tradition, le Hezbollah a annoncé des “démonstrations militaires en direct” le long de la ligne de front, mettant en scène des hommes armés de missiles et de drones, “célébrant l’indépendance et pas seulement son souvenir”, comme rapporté vendredii dernier dans l’introduction du journal télévisé de la chaîne Al-Manar, affiliée au Hezbollah.
Le 81e anniversaire de l’indépendance s’est ainsi déroulé dans un contexte marqué par une guerre dévastatrice menée par Israël contre le Liban, sous prétexte de combattre le Hezbollah. Ce dernier a déclenché le conflit le 8 octobre 2023, en soutien au Hamas à Gaza, confirmant ainsi qu’il détient seul le pouvoir de décision en matière de guerre et de paix au Liban.
L’histoire nous rappelle que l’État libanais indépendant est né dans le contexte tumultueux de la Seconde Guerre mondiale. Un rapport médiatique récent, visant à raviver la mémoire collective après huit décennies, a souligné que l’indépendance du Liban a été obtenue “sans condition” en 1943.
“Après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Vichy en France en 1940, à la suite de l’occupation nazie, le général Henri Dentz a été nommé haut-commissaire au Liban. Cette nomination a conduit à la démission d’Émile Eddé de son poste de président de la République le 4 avril 1941. Cinq jours plus tard, Dentz a désigné Alfred Naccache comme président de l’État. Cependant, la domination de Vichy au Liban a pris fin quelques mois plus tard, lorsque ses forces n’ont pas réussi à stopper l’avancée des troupes britanniques et françaises libres vers le Liban et la Syrie. Cette débâcle a abouti à la signature de l’armistice d’Acre le 14 juillet 1941”, peut-on lire dans ce rapport.
“Après la signature de cet armistice, le général Charles de Gaulle, représentant de la France libre, s’est rendu au Liban, officialisant la fin de la domination de Vichy. Les dirigeants libanais ont saisi cette opportunité pour exiger la fin du mandat français et la reconnaissance de l’indépendance du Liban. Sous une pression nationale et internationale accrue, le général Georges Catroux, haut-commissaire de De Gaulle, a proclamé officiellement l’indépendance du Liban au nom de son gouvernement le 22 novembre 1941”, est-il mentionné dans le rapport.
Dans les mois qui ont suivi, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union soviétique, les pays arabes et plusieurs nations asiatiques ont reconnu cette indépendance et ont établi des relations diplomatiques avec Beyrouth, échangeant des ambassadeurs. Cependant, bien qu’ayant officiellement reconnu l’indépendance libanaise, la France a maintenu de facto son autorité.
Le 21 septembre 1943, des élections générales ont eu lieu, marquant une étape décisive. Le 8 novembre 1943, le Parlement libanais a modifié la Constitution, supprimant les articles relatifs au mandat et révisant ceux qui définissaient les pouvoirs du haut-commissaire français, mettant ainsi fin unilatéralement au mandat. En représailles, les autorités françaises ont arrêté plusieurs figures politiques libanaises de premier plan, dont le président de la République, Béchara el-Khoury, et le Premier ministre, Riad el-Solh, avant de les déporter à la citadelle de Rachaya.
Sous la pression de l’opinion publique libanaise, ainsi que celles des États-Unis, du Royaume-Uni et des pays arabes, la France a libéré les prisonniers de Rachaya le 22 novembre 1943. Cette date est devenue dès lors un symbole, célébrée comme la fête de l’Indépendance.
Le Liban a pleinement réalisé son indépendance le 1er janvier 1944, et les dernières troupes françaises et britanniques ont quitté le pays en 1946.
Une description des festivités de cette fête nationale a conclu le rapport:
“Chaque année, Beyrouth, qui a payé un lourd tribut dans sa lutte pour l’indépendance, a organisé des festivités marquées par le discours traditionnel du président de la République la veille de la fête. Pendant plusieurs jours, le Liban a vibré au rythme d’événements culturels divers, honorant à la fois son histoire et son héritage.”
Cette réflexion, qui pourrait être approfondie ou nuancée, évoque une période de l’histoire de l’État libanais tout en établissant un parallèle troublant avec la situation actuelle. Elle suggère que l’Iran occupe aujourd’hui une position comparable à celle de l’Allemagne nazie, tandis que le Hezbollah joue un rôle analogue à celui du gouvernement de Vichy, exerçant une influence décisive sur l’État libanais, notamment en matière de décisions de guerre et de paix, un pouvoir qui, en réalité, demeure entre les mains de la République islamique d’Iran.
Dans ce contexte, Nabih Berry et Najib Mikati apparaissent comme des figures clés d’un cercle de pouvoir clairement sous l’influence de Téhéran. Lors des célébrations du 81ᵉ anniversaire de l’indépendance, le média officiel du Hezbollah, agissant comme porte-voix de la République islamique, a relayé les éloges d’Ali Larijani, principal conseiller d’Ali Khamenei, qui a salué la performance du président du Parlement en déclarant: “M. Nabih Berry est un homme politique habile, et ses efforts portent leurs fruits.
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