Quand la guerre saigne le Liban : bilan d’un conflit ravageur
©Ici Beyrouth

Le Liban se trouve une fois de plus au cœur d'un conflit au prix exorbitant. La guerre entre Israël et le Hezbollah ne se limite pas à une confrontation militaire. Elle inflige des dégâts colossaux à un pays qui peine à se relever. Infrastructures détruites, économie paralysée, population déplacée: les retombées de ce conflit dépassent de loin les lignes de front, plongeant le Liban dans une spirale de pertes sans précédent.

La guerre qui sévit entre le Hezbollah et Israël continue d'affecter l’infrastructure et l'économie libanaises. Même si les dégâts et pertes sont encore difficiles à quantifier vu que les bombardements se poursuivent, les impacts sur le commerce et l'investissement sont significatifs. Les entreprises locales souffrent de l'incertitude et de la peur, ce qui entraîne une baisse sérieuse de l'activité économique.

La Banque mondiale (BM) a indiqué dans un rapport que les dommages causés aux structures physiques, à eux seuls, s’élèvent à 3,4 milliards de dollars au moins. Elle estime par ailleurs que le conflit a causé 5,1 milliards de dollars de pertes économiques à la date de la fin de l’étude. Les pertes finales dues au conflit devraient être considérablement plus élevées, vu que le conflit se poursuit et que d’autres secteurs sont de plus en plus touchés. La BM estime que le conflit a réduit la croissance réelle du PIB du Liban pour 2024 d’au moins 6,6%, alors qu’une croissance modeste avait été prévue avant le conflit. Cela s’ajoute à cinq années de forte contraction économique soutenue au Liban qui a dépassé 34% du PIB réel, perdant l’équivalent de 15 années de croissance économique.

Le ministre sortant de l'Économie et du Commerce, Amin Salam, a estimé que les pertes économiques totales du Liban dues au conflit actuel ont atteint 20 milliards de dollars. Alors que les économistes, eux, signalent des pertes directes d’environ 12 milliards de dollars, couvrant les dommages causés aux secteurs clés, aux habitations, aux bâtiments, aux infrastructures, aux pertes de revenus et au chômage.

Selon Information International, cabinet de recherche et de conseil régional indépendant basé à Beyrouth, 40.000 logements ont été complètement détruits au Liban à cause de la guerre, 25.000 l’ont été partiellement et 122.000 ont subi des dommages mineurs, ce qui porte le total à 193.000 logements. Ainsi, les pertes dans le secteur du logement jusqu'à la mi-novembre sont estimées à environ 4 milliards 300 millions de dollars.

Pour ce qui est de l’énergie et de l’eau, le ministre sortant de l'Énergie, Walid Fayad, a indiqué que les dégâts résultant des bombardements israéliens au Liban sont évalués à près de 440 millions de dollars. Il a précisé que les dégâts causés aux seuls réseaux de l'électricité et de l'eau atteignent 120 millions de dollars. Le reste des pertes est principalement attribué aux coûts supplémentaires liés aux réparations urgentes, aux investissements dans les infrastructures nécessaires pour améliorer les services dans les zones accueillant des déplacés et à la non-collecte des factures.

Du côté des télécoms, selon un rapport établi par le ministère des Télécommunications, les dégâts subis par Ogero et les opérateurs de téléphonie mobile Alfa et Touch à cause de la guerre en cours s’élèvent à environ 67 millions de dollars.

Le secteur de la restauration, lui, fait état d’une baisse du chiffre d’affaires de 90%, ce qui le met en danger, a averti le vice-président du Syndicat des restaurateurs, Khaled Nazha, soulignant que les pertes augmentent quotidiennement. Selon lui, les chiffres sont “hallucinants”. La Banque mondiale a estimé les pertes à 1.097 millions de dollars.

Le secteur agricole, a pour sa part, été touché de plein fouet. Le ministre sortant de l’Agriculture, Abbas Hajj Hassan, a avancé le chiffre de 70% de terres agricoles ravagées, selon une étude aérienne menée par la FAO en collaboration avec son ministère. Il a souligné que les bombardements israéliens ont causé des dommages considérables, tout en précisant qu’il est encore impossible d’évaluer précisément les pertes, les attaques se poursuivant et affectant des centaines de villages, de Baalbek-Hermel jusqu’au sud du pays.

Des sources au ministère de l’Agriculture indiquent que les pertes du seul secteur agricole se chiffrent à “plus de 2 milliards de dollars”. Elles insistent toutefois sur le fait qu’il s’agit d’une estimation théorique puisque la guerre n’a pas pris fin et que les tests sur les terres n’ont pas pu être encore réalisés. En effet, le phosphore blanc (utilisé par Israël) a pu faire des dégâts en profondeur encore plus importants.

Selon les sources précitées, et selon les dernières statistiques du ministère, 1.518 incendies ont complètement ravagé plus de trois mille deux cent vingt dounoums de forêts, terres agricoles, oliveraies et autres plantations. Les chiffres sont alarmants: 712 villages ont été pilonnés, 70.000 dounoums de terres agricoles ont été endommagés, plus de 2.000 serres, plus de 60.000 oliviers et plus de 5.000 arbres de diverses espèces (chênes et plus de 55% des pins) ont été détruits. En outre, 35% des arbres fruitiers ont brûlé et 10% des cultures d’herbes aromatiques (persil, menthe, coriandre) ont été endommagées, selon les mêmes sources.

Les cultivateurs de tabac ne pourront pas non plus semer cette année puisqu’ils ne peuvent pas tous accéder à leurs terrains (la production est d’environ deux millions de kilos de tabac, ce qui représente 55% de la production nationale et engendre plus de dix millions de dollars de revenus).

Pour ce qui est des fruits et des agrumes, sur une superficie cultivée de 7.500 hectares, le Sud génère à lui seul 72% des revenus de ce secteur (16.250.000 dollars sur un total de 22.500.000 dollars). Le Sud produit 22% des fruits et agrumes du Liban et 38% des olives du pays. Il fournit 5.000 des 25.000 tonnes d’huile d’olive produites chaque année au Liban. Ainsi, les bombardements peuvent affecter jusqu’à un cinquième des bénéfices de la production libanaise d’olives, qui s’élèvent à près de 23 millions de dollars.

La destruction a non seulement affecté les cultures, mais également le bétail. Plus de 25.000 têtes ont été tuées, ainsi qu’un million de volailles. 5.200 ruches ont été détruites et 20.000 partiellement endommagées. Vingt-quatre fermes ont aussi été visées, ainsi que 10.000 m2 d’entrepôts contenant de l’alimentation pour le bétail.

À titre informatif, une comparaison des pertes humaines et matérielles actuelles du conflit en cours entre le Hezbollah et Israël avec celles de la guerre de juillet 2006 montre que les pertes actuelles ont plus que doublé.

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