Un observateur averti qui suivait de près le conflit du Proche-Orient avait relevé en pleine guerre libanaise que les régimes arabes sont toujours en “retard d’une trêve”. En clair, à chaque tournant de la crise régionale, ils acceptaient souvent des conditions ou se soumettaient à une situation qu’ils rejetaient quelques années auparavant. Cette triste réalité s’applique aujourd’hui parfaitement au cas du Hezbollah…
En juillet 2006, après avoir provoqué une guerre contre Israël – à l’instigation des Gardiens de la révolution islamique, sous la houlette de Qassem Souleymani – le directoire du Hezbollah avait pressé le gouvernement de Fouad Siniora d’obtenir un accord de cessez-le-feu afin de mettre un terme aux violents bombardements israéliens qui s’étaient étalés sur 33 jours. Ces efforts avaient débouché sur la résolution 1701 du Conseil de sécurité qui prévoyait un cessez-le-feu, certes, mais aussi, de manière concomitante, un ensemble de mesures restreignant dans une large mesure la liberté d’action milicienne du parti pro-iranien.
Dans la pratique, le Hezbollah n’avait retenu à l’époque de la 1701 que le cessez-le-feu et avait totalement occulté par la suite, au fil des mois et des années, toutes les autres dispositions prévues dans la résolution onusienne. Au cours des dernières semaines, après les immenses pertes subies à tous les niveaux, il s’est prononcé pour l’application de la 1701, mais avec près de 18 ans de retard!
Le leader du mouvement Amal, et néanmoins chef du législatif, Nabih Berry, n’a cessé de souligner qu’il fallait s’en tenir au texte de la résolution onusienne sans y apporter un quelconque amendement. C’est aujourd’hui chose faite, avec l’accord de cessez-le-feu annoncé le 26 novembre. Sauf que ceux qui se déclarent satisfaits du résultat obtenu feignent d’ignorer la teneur réelle de la résolution onusienne et des dispositions prévues dans le cadre de ce nouvel arrêt des hostilités. Les faits sur ce plan ne trompent pas…
Le document du 26 novembre interdit, sur base de la 1701, toute présence armée illégale et tout entreposage de matériel militaire en dehors de l’armée et de la Finul au sud du Litani et aux frontières avec Israël. Il est précisé que le Hezbollah et les autres groupes armés présents au Liban ne mèneront aucune attaque contre Israël. Parallèlement, et pour éviter toute équivoque, l’accord souligne explicitement que “les forces de sécurité légales et l’armée libanaise seront les seules parties autorisées à porter les armes au Liban-Sud”.
Comme conséquence de ces dispositions, le Hezbollah perd totalement le rôle de “défense” et de “résistance” qu’il s’était arrogé manu militari toutes les années écoulées. Et ce, d’autant plus que l’accord précise que la frontière et les positions frontalières au sud passent sous le contrôle de l’armée et des forces légales.
Au cours des dernières années, le tandem Hezbollah-Amal et l’axe qualifié d’“obstructionniste” refusaient d’admettre que la 1701 inclut explicitement la résolution 1559 (approuvée en 2004) qui porte sur la dissolution et le désarmement de toutes les milices. L’accord de cessez-le-feu ne mentionne pas la 1559, mais dans la pratique, il stipule implicitement la mise en application de facto des dispositions de cette résolution en prévoyant le “démantèlement de toutes les installations illégales consacrées à la production d’armes ou de matériel en rapport avec un équipement militaire”. Plus encore: au chapitre du désarmement du Hezbollah, le texte de l’accord prévoit explicitement le “démantèlement de toutes les infrastructures et positions militaires (illégales) ainsi que la saisie de toutes les armes non déclarées”.
Les garanties américaines à Israël
L’accord de cessez-le-feu remet ainsi sur le tapis, 18 ans plus tard, tout le volet de la 1701 que le Hezbollah s’est employé à ignorer durant ces dernières années. Une différence fondamentale apparaît cependant à cet égard: le Hezbollah se retrouve aujourd’hui face à une 1701, non seulement intégrale, mais surtout renforcée. L’accord rendu public durant les dernières quarante-huit heures s’accompagne en effet d’un autre document non moins important: celui, non déclaré, portant sur les “garanties” présentées par les États-Unis à Israël.
Les garanties US accordent à Israël le droit d’intervenir directement par les voies militaires, avec la couverture américaine, en cas de violation par le Hezbollah des termes de l’accord de cessez-le-feu. Elles créent en outre un précédent historique en donnant un feu vert américain aux survols (très fréquents) de l’espace aérien libanais par l’aviation israélienne, pour des missions de surveillance et de renseignement. Une coopération étroite bilatérale dans le domaine du renseignement est par ailleurs prévue pour tout ce qui touche à l’infiltration et à l’implantation miliciennes du Hezbollah, notamment au sein des institutions étatiques ayant un rôle sécuritaire.
Cerise sur le gâteau: pour parfaire ce strict contrôle américano-israélien de l’évolution sur le terrain, une mesure fondamentale est prévue dans le document. La supervision de l’application des termes de l’accord est confiée à un commandement américain qui prendra les rênes de la commission de contrôle chargée de s’assurer du respect des dispositions du cessez-le-feu.
Pour les besoins de la cause, le Hezbollah s’abstiendra sans doute désormais de crier sur tous les toits, en phase avec le Guide suprême iranien, que les États-Unis représentent le Grand (méchant) Satan…
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