Des pourparlers se tiennent vendredi à Genève entre l'Iran, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni pour évoquer le dossier nucléaire iranien, la Russie et la situation au Moyen-Orient, à moins de deux mois du retour à la Maison Blanche de Donald Trump.
À la veille de ce rendez-vous, le numéro deux de la diplomatie européenne, Enrique Mora, a dit avoir eu jeudi une "discussion franche" à Genève avec Majid Takht-Ravanchi et Kazem Gharibabadi, deux adjoints du ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi.
Celle-ci a porté "sur le soutien de l'Iran à la Russie, qui doit cesser, sur la question nucléaire, qui doit trouver une solution diplomatique, sur les tensions régionales -- il est important que toutes les parties évitent l'escalade -- et les droits humains", a-t-il dit sur X.
Placée dans le prolongement d'une rencontre à New York en septembre, la réunion de vendredi est entourée de la plus grande discrétion, ni le nom des participants ni l'endroit où les diplomates des quatre pays doivent se retrouver n'ayant été révélés.
Elle se déroule dans un contexte de fortes tensions au Proche-Orient, entre l'Iran, ses alliés et Israël, et à moins de deux mois du retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui avait été artisan d'une politique dite de "pression maximale" à l'encontre de l'Iran durant son premier mandat.
Arrondir les angles
Pour Téhéran, le but des pourparlers en Suisse est d'éviter une situation "doublement désastreuse" qui placerait l'Iran de nouveau face à cette politique américaine avec en plus, cette fois-ci, celle des Européens, explique à l'AFP le politologue iranien Mostafa Shirmohammadi.
Car à l'épineux dossier nucléaire viennent s'ajouter les accusations des Occidentaux selon lesquelles l'Iran fournit à l'armée russe des drones explosifs pour sa guerre en Ukraine, ce que nie Téhéran.
Dans ce contexte, "l'Iran n'a pas les Européens de son côté", souligne M. Shirmohammadi depuis la capitale iranienne.
L'Iran espère arrondir les angles avec les Européens. Tout en faisant preuve de fermeté.
Dans un entretien au quotidien britannique The Guardian publié jeudi, M. Araghchi a ainsi expliqué que l'Iran pourrait se doter de l'arme nucléaire si les Européens réimposaient des sanctions.
La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, associés aux États-Unis, ont reproché à l'Iran -- encore la semaine dernière -- son manque de coopération sur le nucléaire.
En riposte, Téhéran a annoncé mettre en service de nouvelles centrifugeuses "avancées" pour enrichir l'uranium mais n'a pas donné de calendrier.
Les autorités n'ont par ailleurs jamais fermé la porte à des discussions.
Les Iraniens défendent un droit au nucléaire à des fins civiles et nient vouloir se doter de l'arme atomique, ce dont les Occidentaux les soupçonnent fortement.
Jeudi soir, le Premier ministre israélien a redit sa détermination absolue d'empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique.
"Je ferai tout pour l'empêcher de devenir (une puissance) nucléaire", a déclaré Benjamin Netanyahou en réponse à une question sur l'Iran. "J'exploiterai toutes les ressources qui peuvent l'être" pour y arriver, a-t-il ajouté, sur la chaîne 14 de la télévision israélienne.
L'ayatollah Ali Khamenei, au pouvoir depuis 1989 et ultime décideur dans les dossiers sensibles du pays, a interdit dans un décret religieux (fatwa) tout recours à l'arme atomique.
"Il y a un débat en ce moment en Iran sur le fait que c'était peut-être une mauvaise politique", a déclaré Abbas Araghchi au quotidien.
Si les Européens réimposent des sanctions contre Téhéran, "ils auront alors convaincu tout le monde en Iran que, oui, cette doctrine est erronée", insiste-t-il.
Accord moribond
En 2015, l'Iran avait conclu à Vienne un accord avec la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les États-Unis pour encadrer son programme nucléaire.
Le texte prévoyait en contrepartie un allègement des sanctions internationales contre Téhéran.
Mais en 2018, Donald Trump a retiré unilatéralement son pays de l'accord - auquel se conformait Téhéran, selon l'AIEA - et rétabli de lourdes sanctions à l'encontre de l'Iran.
En représailles, Téhéran a considérablement augmenté ses réserves d'uranium enrichi et porté le degré d'enrichissement à 60%, proche des 90% nécessaires pour fabriquer une arme atomique.
"Nous n'avons pas l'intention d'aller au-delà de 60% pour le moment", a assuré M. Araghchi au Guardian.
L'accord sur le nucléaire de 2015, que des négociations ont échoué à ranimer et qui arrivera à échéance en octobre 2025, plafonnait ce taux à 3,67%.
Par Christophe VOGT avec Sébastien RICCI à Téhéran, AFP
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