Le secrétaire général du Hezbollah, Naïm Qassem, a placé son premier discours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu avec Israël sous le signe de la “victoire divine qui a de loin dépassé celle de 2006”, bien qu’il ait défini cette “victoire” par la négative: “Nous sommes victorieux, car nous avons empêché Israël d’éliminer la résistance”.
Avec une tonalité nettement plus ferme que celle qui a caractérisé ses allocutions précédentes, Qassem a d’emblée réaffirmé que le Hezbollah n’a pas voulu la guerre, mais, confronté à celle-ci, et malgré les graves attaques qu’il a subies (explosion des bipeurs, assassinats de ses chefs, etc), il a rapidement réussi à dépasser l’état de confusion qu’il a vécu.
Aussi, put-il faire face au triple objectif d’Israël, en l’occurrence “exterminer le Hezbollah, ramener les habitants du nord d’Israël chez eux et édifier un nouveau Moyen-Orient”. Plus encore, le Hezbollah, selon les dires de Qassem, a fait subir à Israël des pertes très importantes: des centaines de milliers de personnes auraient été déplacées, un grand nombre de soldats auraient été éliminés et “l’Israélien est parvenu à un état d’obstruction de son horizon”. À croire qu’il s’était trompé d’adresse et décrivait la situation au Liban!
Dans le volet politique de son allocution, Qassem a avancé une interprétation personnalisée de l’accord de cessez-le-feu: “Il ne s’agit ni d’un traité ni d’un nouvel accord qui exige la ratification d’États, mais un programme d’exécution de la résolution 1701”.
Qassem n’a pas répondu aux questions suivantes: pourquoi un tel programme, si futile soit-il, aurait-il requis une guerre dévastatrice pour voir le jour? Pourquoi n’y a-t-on pas pensé plus tôt, en temps dû, il y a près de vingt ans, lorsque la résolution 1701 a été adoptée? Pourquoi le Hezbollah n’a-t-il pas admis la présence de l’armée libanaise au sud du fleuve Litani pendant toutes ces années, alors qu’aujourd’hui Qassem vient affubler cette même armée de “la responsabilité de l’éviction de l’armée israélienne” du Liban-Sud? Il a également insisté à placer l’accord de cessez-le-feu “sous l’égide de la souveraineté libanaise”, une souveraineté que le Hezbollah mettait lui-même un point d’honneur à bafouer.
Pour ce qui est de “la prochaine étape”, Qassem en a défini les contours selon un ordre de priorité propre au Hezbollah:
- entamer la reconstruction et pourvoir à un hébergement digne pour les déplacés;
- élire un président de la République à la date du 9 janvier prochain;
- assurer une présence active au niveau économique (sans fournir de plus amples détails sur la manière et les retombées de cette “présence”);
- s’engager dans “une action nationale avec les forces politiques qui veulent un Liban uni et indépendant dans le cadre de l’accord de Taëf”, (excluant de facto “ceux qui ont parié sur l'affaiblissement du Hezb”);
- œuvrer en vue de “préserver l'unité nationale, la souveraineté et la paix civile, et la résistance sera prête à empêcher l'ennemi d'affaiblir la patrie”.
Autrement dit, nous voilà de retour à la case de départ!
Qassem a réitéré l’appui du Hezbollah à la Palestine, soulignant que “la libération peut être achevée par des voies multiples” – sous-entendu autres que la guerre. (Mais pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt, avant de s’engager dans cette “guerre victorieuse”?)
S’est ensuivie une liste interminable de remerciements incluant le président de la Chambre Nabih Berry, salué pour ses talents de “négociateur résistant", et toutes les strates de la société libanaise, communautés confessionnelles incluses, mais surtout l’Iran, son Guide suprême, sa hiérarchie officielle et toutes les factions dont il est le commanditaire (les Houthis au Yémen, Al-Hachd el-Chaabi en Irak, etc.).
Qassem se serait inspiré, ainsi qu’il l’a affirmé, “des attitudes et des réactions de joie des déplacés rentrant chez eux” pour donner le ton à son discours: ceux-ci n’évoquaient que “la grande victoire” et louaient les prouesses de la “Résistance”. D’où son “annonce officielle” plusieurs fois répétée: “Nous sommes victorieux, car nous avons empêché Israël d’éliminer la résistance” et conjuguée à une hypothèse qui reste à prouver: “(Benjamin) Netanyahou a dû convaincre les Israéliens de la nécessité de restaurer son armée et de la réarmer, reconnaissant ainsi qu’ils sont sortis affaiblis de cette guerre”.
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