Le 28 novembre dernier, le Parlement a opté pour un “package-deal” qui satisfait les intérêts des différents blocs parlementaires. Tous? Non, puisque 47 des 98 députés présents dans l’hémicycle se sont opposés au scrutin. Celui-ci a permis la prorogation, pour un an, du mandat du commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, mais aussi de ceux des chefs des appareils sécuritaires ainsi que de tous les officiers détenant le grade de général de brigade ou supérieur.
Favorables à la reconduction du seul commandant en chef de l’armée, ces 47 députés ont dit non à la conclusion d’un marché qui ne reflète en aucun cas la volonté commune. À première vue, le scrutin qui s’est soldé par par 51 voix pour et 47 contre, pourrait laisser croire à une division profonde au sein des élus. Or, une analyse plus fine de la situation révèle que ce vote, tel qu’il a été organisé, ne traduit pas fidèlement le soutien dont bénéficie le général Joseph Aoun, figure unanimement respectée et pilier de la stabilité nationale. Sous sa direction, l’armée reste l’une des rares voire seules institutions du pays à bénéficier d’une confiance unanime dans une société profondément divisée. Cette confiance s’étend à son commandant en chef, dont le rôle dépasse largement celui d’un simple chef militaire. Symbole d’unité et de résilience pour un pays en quête de stabilité, l’actuel commandant, dont le mandat a été renouvelé pour la seconde fois (la première datant de 2023), a su maintenir la cohésion des forces armées malgré des défis sécuritaires, politiques, économiques et sociaux sans précédent.
Un vote biaisé par une approche globale
Malgré des discussions préalables entre députés pour unifier le texte et quand bien même plusieurs propositions de lois avaient préalablement été avancées par différents blocs parlementaires, dont les Forces libanaises (FL), la Modération nationale et le Renouveau, seules deux versions de la loi ont été soumises au vote. La première concerne uniquement les chefs sécuritaires; la seconde comprend tous les généraux de brigade et les officiers de rang supérieur. C’est cette dernière qui a été adoptée par 51 députés, dont notamment ceux du Hezbollah, du mouvement Amal, de l’Entente nationale et des “anciens” du Courant patriotique libre (CPL). Y ont opposé leur veto les FL, les Kataëb, la Modération nationale, le Renouveau et le Parti socialiste progressiste (PSP) qui, eux, n’ont pas réussi à unifier les différentes propositions de loi élaborées dans ce sens.
Le scrutin du 28 novembre n’a donc pas permis aux députés de se prononcer séparément sur les différentes prorogations. En regroupant dans un même vote la reconduction du commandant en chef de l’armée et celle des chefs des autres appareils sécuritaires et brigadiers, les parlementaires se sont retrouvés face à un choix binaire, qui ne leur permettait pas d’exprimer une position distincte sur chaque volet. Si le vote avait porté uniquement sur le renouvellement du mandat du général Joseph Aoun, le résultat aurait sans doute été bien différent. De nombreux députés favorables à sa prorogation ont exprimé des réserves sur d’autres aspects de la proposition globale, ce qui les a poussés à voter contre l’ensemble de la proposition.
Si le résultat du vote du Parlement ne traduit pas fidèlement le soutien apporté au commandant en chef de l’armée, il met néanmoins en lumière la nécessité de réformes des processus décisionnels, qui devraient s’orienter vers plus de transparence et une meilleure représentativité.
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