En vertu de l’accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël conclu sous l'égide des États-Unis et de la France, et entré en vigueur le mercredi 27 novembre, un comité international technique militaire est chargé de surveiller l’arrêt des échanges de tirs, dérivés en combats violents, entre le Hezbollah et Israël. Il sera présidé par les États-Unis, et y prendront part la France, Le Liban, Israël et la Finul.
Ce comité de surveillance n’est pas encore formé, les violations du cessez-le-feu laissent planer un doute sur le bien-fondé de sa mise en place et sur la validité de son fonctionnement, d’autant plus que beaucoup de spéculations parient sur une reprise des confrontations entre le Hezbollah et Israël.
Or, contrairement aux souhaits de beaucoup de Libanais, il ne revient pas à ce comité d’éradiquer les infractions sur le terrain ni de confronter la violation du cessez-le-feu, jusque-là pour le moins précaire, par des actions coercitives et répressives. Néanmoins, son champ d’action dépasse les limites de la stricte surveillance passive.
Retour sur le passé
Comme stipulé dans l’accord de cessez-le-feu, le comité international de surveillance s’inscrit dans la continuité du comité tripartite prévu par la résolution 1701, ce qui permet aux parties prenantes de court-circuiter des obligations légales et des recours institutionnels éventuels. “On part donc d’un comité qui existe juridiquement, tel que prévu et stipulé par la 1701. Ce comité composé d’un représentant de l’armée libanaise, d’un autre de l’armée israélienne et d’un troisième de la Finul a été élargi en ‘invitant des observateurs’, d’où la présidence américaine et la participation française” tel que clarifié par des sources informées. Du fait de cet “élargissement”, ce comité est désormais désigné sous le nom de “Mécanisme”.
L’idée d’un tel comité international multipartite trouverait ses origines en 1996, à la suite de l’opération “Raisins de la colère” – première version des guerres de 2006 et 2024 – à laquelle les “Accords d’avril” ont mis un terme. À l’époque, la Syrie comptait parmi ses cinq composantes, aux côtés des États-Unis, de la France, du Liban et d’Israël.
Composition du comité
Présidé par les États-Unis, avec le général de division Jasper Jeffers à sa tête, ce comité compte parmi ses membres le général de brigade français Guillaume Ponchin et le général de brigade libanais Edgar Lawandos.
Un bref communiqué du commandement central des États-Unis (Centcom) a annoncé que le général Jeffers travaillerait dans un premier temps aux côtés de l’émissaire américain, Amos Hochstein, en attendant qu’un coprésident “civil et permanent” soit nommé.
En effet, selon des sources informées, les équipes de collaborateurs assignés pour épauler les représentants militaires ne sont pas exclusivement technico-militaires, mais incluent des diplomates qui assureront le lien au niveau politique.
Au rythme des violations incessantes du cessez-le-feu, les cinq membres du comité devraient commencer leur travail dans les prochaines heures au quartier général de la Finul à Naqoura, au Liban-Sud.
Rôle du comité: observation et… sollicitation politique
Toujours selon ces sources, la mission du comité, bien que définie par “la mise en œuvre et le suivi du cessez-le-feu entre Israël et le Liban”, souscrit en fait à la perspective d’Amos Hochstein: “We’ll figure it out as we go” (“Nous trouverons la solution au fur et à mesure”), dans la mesure où les procédures pour surveiller les violations et la manière de les traiter restent à déterminer. Chose qui se fera lorsque le comité se réunira au siège de l'ONU à Naqoura, où il établira son bureau.
Comme stipulé dans l’accord de cessez-le-feu, le comité devra aussi œuvrer pour “renforcer la formation de l’armée libanaise et développer ses capacités à inspecter et à démanteler les sites et les infrastructures non autorisés, en surface et en sous-sol, à confisquer les armes illégales et à empêcher la présence de groupes armés non autorisés”.
Parallèlement, “la Finul poursuivra ses activités dans le cadre de son mandat”, conformément aux termes de l’accord. Cela signifie pratiquement, comme l’a souligné le porte-parole de la Finul, Andrea Tenenti, que la Finul ne surveille pas l’application du cessez-le-feu.
“Nous participons aux réunions du Mécanisme de supervision de la cessation des hostilités et apportons notre expertise et nos contributions. Nous restons déployés dans le sud du Liban, surveillant et soutenant l’armée libanaise dans son déploiement au sud du Liban. Nous continuerons d'œuvrer au rétablissement de la stabilité dans le sud et d'aider les communautés locales. Nous continuerons à surveiller et à signaler les violations de la résolution 1701 et non du cessez-le-feu. Nous ne sommes pas mandatés pour le faire. Il appartiendra au Mécanisme de s'en charger» affirme M. Tenenti.
Partant, une fois l’information concernant la ou les violation(s) de la résolution 1701 transmise au “Mécanisme d’observation”, celui-ci ne se contente pas d’effectuer un “enregistrement automatique” de l’information et de “l’établissement d’une liste des infractions”, mais veille également à ce que l’armée libanaise intervienne (par exemple en démontant une rampe de missiles repérée, etc.) et assure un suivi de l’annulation des effets de la violation (confiscation des missiles, etc.).
Cela ne signifie pas que le "Mécanisme" dispose d’un "pouvoir exécutif" ou de la "faculté de donner des ordres" à l’armée libanaise ou à la Finul, tel que souligné par la source informée. Et celle-ci d’ajouter: “Mais la présence d’officiers américain et français qui feront la liaison entre les parties prenantes, Israël et le Liban, s’assurera de la bonne mise en œuvre des actions prises pour limiter la présence d’armes au sud du Litani. Et du fait des présences américaine et française, le pouvoir politique peut intervenir auprès des gouvernements des pays”, que ce soit les États-Unis auprès d’Israël ou la France auprès du Liban.
Il s’agirait donc d’une sorte de “bureau de plaintes” permettant aux parties d’enregistrer de manière plus efficace leurs observations sur les violations au quotidien, avec la possibilité de les traiter grâce à la sollicitation du pouvoir politique des deux pays (États-Unis et France), dans la mesure où les diplomaties sont impliquées.
En effet, la source informée insiste sur “le capital politique” du “Mécanisme” en rappelant qu’”en 1996, c’était le secrétaire général des Nations unies qui exprimait la position de la communauté internationale en signalant les violations (du cessez-le-feu). Il y a trois jours, c’est le président (Emmanuel) Macron […] qui a lui-même fait état de violations du côté israélien.” À noter également que les États-Unis ont mis en garde Israël contre toute violation de l'accord de cessez-le-feu au Liban, l’envoyé américain Amos Hochstein ayant envoyé une lettre à Israël en ce sens.
L’intervention politique des États-Unis et de la France sous couvert du comité de surveillance fera toute la différence entre l’échec de la mise en œuvre du cessez-le-feu et le succès potentiel de l’accord proclamé entre le Hezbollah et Israël. La mise sur pied du comité international de surveillance serait perçu comme un passage obligé vers une trêve ressuscitée… jusqu’à nouvel ordre.
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