Pourquoi le monde arabe est-il incompatible avec la démocratie?
©Ici Beyrouth

Une véritable malédiction. Jamais aucun pays arabe n’a connu de régime démocratique. À l’exception notable du Liban et de son système (très) boiteux, les 400 millions d’Arabes ont le choix, depuis leurs indépendances, entre des dictateurs plus ou moins tyranniques. Le dernier en date est tombé en Syrie. Personne ne va le pleurer.  

La famille Assad, de son vrai nom, bien plus adapté, “El-Wahech” (le sauvage), a dépassé toutes les limites de la haine et de la violence. Après la fuite du dictateur et de ses acolytes, au fur et à mesure des jours qui passent, le monde découvre, effaré, l’ampleur des crimes contre l’humanité qui étaient la norme dans un pays détruit. Au Liban, nous savons depuis bien longtemps, dans notre chair, que ce régime était tout simplement monstrueux. Derrière chaque événement dramatique, chaque guerre, chaque assassinat… toujours le souffle fétide de ce régime se faisait sentir. Depuis l’indépendance du pauvre Liban, ce voisin insupportable était son bourreau attitré. Les larmes des Syriens ont le même goût que les nôtres.

Quelqu’un qui maltraite à ce point son peuple ne peut manifester aucune empathie envers un autre.

Alors, bien sûr, à un moment, les regards se tourneront vers les “valseuses” libanaises, qui prenaient régulièrement le chemin de Damas, non comme saint Paul, pour y trouver la lumière, mais pour aller engranger des points auprès de leurs seigneurs, nos saigneurs. On ne les entend pas réagir, ces personnalités libanaises qui allaient faire allégeance aux tyrans. Beaucoup ne doivent leur existence qu’à la famille Assad. Mais un jour viendra…

Pour le moment, l’heure est au retour de ces centaines de disparus que personne ne voulait voir. Ils reviennent hébétés de l’enfer. L’heure est aussi aux perspectives d’avenir. Le Liban et la Syrie seront-ils des voisins “normaux”? Pour l’instant, les rebelles ont fait un quasi sans faute. Pas de persécutions, ni d’exécutions… Souvent issus de mouvances islamistes, ils se présentent comme des dirigeants modérés qui souhaitent une nouvelle Syrie, libre, ouverte, en paix avec tout le monde et respectueuse de ses minorités. Ce serait le rêve pour le Liban tellement peu habitué à ce discours de tolérance. D’ailleurs, les rebelles ont pris tout le monde, en tout cas ceux qui n’étaient pas au courant de leurs desseins, par surprise. L’Occident ne sait pas encore trop comment sortir ces organisations de ses listes estampillées terroristes. Un habillage acceptable politiquement est en cours d’élaboration. Après, ce sera la reconstruction du pays, des corps et des esprits, annihilés par 54 ans de Baasisme fou. Et, si, pour notre plus grand bonheur, la Syrie devenait démocratique? Ce serait cela le vrai “printemps arabe”. Parce que depuis 2011, cette appellation est synonyme de “cauchemar arabe”. La saison des fleurs de la Liberté n’a fonctionné nulle part. La Tunisie est plongée dans un chaos politique d’où aucune décision ne peut sortir. La Libye, qui fut le pays le plus riche d’Afrique, est brisée en morceaux contrôlés par des chefs de guerre qui cumulent corruption et violence. Même si le souvenir lugubre de Kadhafi plane encore. L’Égypte est tenue par une main de fer, par l’armée, après l’expérience catastrophique des Frères musulmans au pouvoir. Le Yémen a plongé dans le Moyen Âge et les guerres insensées. Le Soudan fait peur à voir. Chaque quartier est tenu par un type hirsute, autoproclamé général et qui terrorise à tout-va. L’Irak est divisé en trois parties, sur lesquelles règnent des classes dirigeantes corrompues qui ne font strictement rien pour un peuple dépouillé de ses richesses.

Mais pourquoi donc la démocratie est-elle incompatible avec le monde arabe? Certains diront que c’est un problème de développement économique. Faux! En Amérique centrale et latine, des pays encore plus pauvres sont démocratiques. L’Union européenne a réussi, même de manière imparfaite, à faire coexister en son sein des peuples très différents qui furent pendant des siècles en guerre les uns avec les autres. Qu’y a-t-il de commun entre un Letton et un Grec? Strictement rien. Ni l’histoire, ni la langue, ni la religion, ni les traditions… Pourtant ils partagent le même passeport, la même liberté de circuler, de travailler et la même monnaie.

Comment se fait-il alors que du Maroc à l’Irak, sur un espace géographique continu, avec une langue commune et une religion dominante commune, le monde arabe soit dans cet état? L’astuce de certains pour s’en sortir est de renvoyer tout cela à un prétendu fameux complot secret qui viserait à nuire aux Arabes. Le drame, c’est que certains y croient. Non! Les responsables de cette situation sont les leaders au pouvoir partout. En attendant, ce sont les Turcs et les Iraniens qui décident de l’avenir des Arabes. Comme depuis la nuit des temps.

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