Quel rôle pour les opposants chiites à l'avenir ?
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Les revers subis ces derniers mois par le Hezbollah au cours de plus d’une année de confrontations et d’un conflit des plus dévastateurs avec Israël marquent le début d’une nouvelle phase au Liban. L’accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre, exigeant le désarmement du Hezbollah et le déploiement de l’armée dans le sud du Liban, place le groupe soutenu par l’Iran à un carrefour critique. La chute de l’allié du Hezbollah, Bachar el-Assad, en Syrie, à peine deux semaines après le cessez-le-feu, rend cette réalité encore plus difficile.

Pour de nombreux Libanais, y compris des chiites opposés au Hezbollah, ce moment marque le début du déclin de la formation. Quel rôle jouera l’"opposition chiite"?

Dynamique en marche

Ali al-Amine, rédacteur en chef de Janoubia, a souligné que si "le Hezbollah accepte de passer de son rôle militaire à un rôle politique, cela ne diminue en rien l’importance des dynamiques en cours au sein de la communauté chiite."

"Ces dynamiques existent et persisteront, mais aujourd’hui, elles sont plus actives que jamais. Nous pouvons nous attendre à ce que ce mouvement soit diversifié", a-t-il déclaré à Ici Beyrouth. 

"Une telle diversité est nécessaire pour que la communauté chiite retrouve son état naturel de pluralisme – un état qui existait avant la domination du tandem Hezbollah-Amal et le monopole généralisé que les deux partis imposent. Dans l’histoire moderne du Liban, ces pratiques n’existaient pas", a-t-il ajouté.

M. Al-Amine estime que "cette dynamique est en train de se développer et portera ses fruits". Il note, cependant: "Elle ne vise pas nécessairement à remplacer le tandem chiite actuel."

"Au contraire, ce qui est requis est une approche fondamentalement différente, posant un défi au niveau national. Il existe des groupes ayant des affiliations plus larges, nationales, qui opèrent au sein du milieu chiite. Ce qui importe le plus, c’est que la communauté chiite commence à ressentir un vrai changement – au moins dans la capacité de ses membres à exprimer librement leur opinion en tant que citoyens libanais."

"Cela représente en soi une étape significative vers la revitalisation du dynamisme politique au sein de l’environnement chiite. Cela ne se manifestera pas sous la forme d’un parti ou d’une entité unique, mais par divers genres d’activisme qui redonneront de la vitalité à la communauté."

Approche nationale et liberté

Selon M. Al-Amine, "le Hezbollah laissera un vide qui devra être comblé. Cependant, ce vide devrait être traité au niveau national. Les problèmes entourant le Hezbollah et la question chiite concernent tous les Libanais, pas seulement la communauté chiite. Par conséquent, ces questions nécessitent une approche nationale".

"Au sein même de l’environnement chiite, il existe des forces, des familles, des personnalités, des opinions et des élites intellectuelles qui s’exprimeront sans aucun doute. La phase à venir verra émerger ces voix. Bien qu’elles puissent d’abord s’exprimer individuellement, elles convergeront bientôt en divers groupes", a-t-il ajouté.

Al-Amine a affirmé qu’elles "se rejoindront sur des principes de souveraineté, de loyauté envers le Liban, d’adhésion à l’idée qu’aucune arme ne devrait exister en dehors du contrôle de l’État libanais et d’un retour à la Constitution et à l’État de droit".

"C’est une vision qui résonne chez tous les Libanais, les chiites en particulier. Je suis convaincu que la majorité de la communauté chiite aspire à un État régi par la loi, la Constitution, une vie démocratique et la liberté", a-t-il conclu.

Mona Fayad, professeure universitaire et chercheuse ouvertement anti-Hezbollah, a confirmé que "les factions de l’opposition travaillent ensemble pour établir un discours plus unifié".

"Elles s’efforcent de créer une cohésion dans leur message pour gagner en influence et provoquer un changement significatif", a-t-elle déclaré à Ici Beyrouth.

Pour Mme Fayad, les figures de l’opposition chiite joueront un rôle dont elles ont été privées du fait de l’intimidation du Hezbollah et d’Amal.

"Ce que nous voulons, c’est un Liban uni pour tous ses citoyens – une nation souveraine gouvernée par les lois libanaises et la Constitution."

Silence

Pendant des décennies, le Hezbollah a réduit au silence toutes les voix opposées au Liban. Parmi elles figuraient l’écrivain chiite et détracteur féroce du Hezbollah, Lokman Slim, assassiné dans le sud du Liban en 2021, ainsi que d’éminents journalistes tels que Gebran Tueni et Samir Kassir.

Les chiites au Liban et à travers le Moyen-Orient ont subi une perte significative avec la disparition de l’imam Moussa Sadr, président du Conseil islamique chiite suprême (CICS), en Libye en 1978. L’imam Sadr était un leader charismatique et nationaliste qui avait travaillé sans relâche, se hissant à la tête de la communauté chiite au Liban, après être revenu de Qom dans les années 1960, où il avait suivi des études de théologie dans une école prestigieuse.

Il était le contemporain de Mohammad Mehdi Chamseddine et de Mohammad Hussein Fadlallah, deux autres érudits chiites patriotes dont l’influence au Liban est considérable. 

 

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