À  Damas, des anciens militants du Baas remettent leurs armes
A rebel fighter walks in the broken headquarters of the Baath party offices in Damascus, on December 12, 2024. ©LOUAI BESHARA/AFP

Maher Semsmieh est venu jeudi remettre son fusil dans une permanence du Baas à Damas, au lendemain de la suspension des activités de ce parti qui a régné sans partage sur la Syrie pendant un demi-siècle.

"Nous ne sommes plus des baasistes", dit cet homme de 43 ans, laissant échapper un grand soupir de soulagement. "Nous étions obligés de faire partie du Baas, car pour eux, si tu n'es pas avec eux, tu es contre eux."

Le parti Baas, qui a été au pouvoir en Syrie pendant plus de 50 ans, a annoncé mercredi la suspension de ses activités "jusqu'à nouvel ordre", trois jours après la chute du président Bachar el-Assad, chassé par les rebelles.

Il raconte que tous ses supérieurs ont disparu depuis dimanche, le jour de la chute de Damas aux mains des rebelles. "Ils ont brusquement disparu (...) on ne les voit plus du tout", lance-t-il.

À l'entrée de la permanence, des hommes armés, faisant partie des groupes ayant pris Damas, entassent les fusils d'assaut que les anciens baasistes leur remettent.

Maher Semsmieh faisait partie de "l'avant-garde du Baas", un groupe chargé "de recruter des civils et de les armer pour qu'ils se tiennent aux côtés de l'armée syrienne", explique-t-il.

"Nous avons perdu beaucoup de martyrs (...) ils sont partis pour une cause dont ils ne savaient rien", déplore-t-il.

Tout comme Maher Semsmieh, Firas Zakaria, 53 ans, est venu remettre son arme. "On nous a demandé de remettre nos armes, et nous sommes en faveur de cela (...) nous coopérons dans l'intérêt du pays", affirme ce fonctionnaire du ministère de l'Industrie.

À l'image de nombreux Syriens, Firas Zakaria raconte qu'il était contraint de faire partie du Baas pour entrer dans la fonction publique. "Dans le pays, il fallait être membre du Baas pour obtenir un emploi", explique-t-il.

Au pouvoir depuis plus d'un demi-siècle en Syrie, le règne du parti Baas, qui s'est achevé dimanche avec la chute de Damas aux mains des rebelles, a été pour beaucoup de Syriens le symbole de la répression.

Le parti, prônant l'unité des pays arabes, a été fondé en 1947 par deux nationalistes syriens formés à Paris : Michel Aflaq, un chrétien orthodoxe, et Salah Bitar, un musulman sunnite.

Ses deux fondateurs étaient loin de se douter que deux branches rivales de ce parti, l'une en Irak et l'autre en Syrie, allaient être à la tête de deux régimes autocratiques et ennemis.

"Trahi la nation"

Le siège de la direction centrale du Baas, dirigé par le secrétaire général Bachar el-Assad, a été le théâtre de la nuit de la fuite.

Le temps s'y est arrêté depuis dimanche. Sur les murs, des portraits déchirés du président déchu, qui s'est enfui à Moscou, pendent encore. Les voitures sont abandonnées, des papiers éparpillés jonchent le sol, les bureaux sont vides, et des combattants de Hay’at Tahrir al-Sham montent la garde.

Il ne reste plus aucun responsable dans ce bâtiment où Bachar el-Assad présidait les réunions de la direction du parti.

Devant l'immeuble, une statue de Hafez el-Assad, le père du président, à qui il avait succédé, gît fracassée. Des voitures luxueuses de fabrication chinoise, apparemment utilisées par les apparatchiks, sont stationnées, leurs portes et vitres brisées.

Au rez-de-chaussée, un grand portrait mural de Hafez al-Assad et de son fils aîné Bassel, mort dans un accident de voiture en 1994, a miraculeusement échappé à la colère de la foule qui a pris d'assaut le bâtiment dimanche.

Dans l'un des bureaux abandonnés, un document daté du 12 novembre 2024 gît sur le sol, proposant de "radier" du parti "des camarades ayant trahi la nation et le parti en collaborant avec des groupes terroristes".

Dans un autre bureau, des tasses de café et des morceaux de pain restent sur la table, témoignant de la fuite précipitée des membres du parti.

Les combattants ayant pris le contrôle du bâtiment ont découvert, dans un entrepôt, des caisses de grenades de fabrication russe.

Dans le centre de Damas, Moqbel Abdel Latif, 76 ans, raconte avoir adhéré au Baas lorsqu'il était encore écolier, dans les années soixante. "Si le Baas était resté sur la bonne voie, le pays serait aujourd'hui dans une bien meilleure situation", déclare-t-il.

Avec AFP

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