
L’interlude meurtrier n’a que trop duré dans un Moyen-Orient qui vit au gré des guerres idéologiques concoctées par des dictatures aux hybridations multiples. Les narratifs des régimes arabes n’ont d’autre représentation du monde que celle des binarités idéologiques qui retraduisent leur pauvreté intellectuelle et la mesure des dislocations systémiques qui traversent de part en part des sociétés qui ont perdu leurs équilibres structurels armatifu profit de vides nos et institutionnels béants.
La prise d’assaut des millénarismes islamistes n’est pas un effet du hasard; c’est le revers des réalités politiques et sociales d’une modernité naufragée. La mort des sociétés traditionnelles et de leurs équilibres homéostatiques a été relayée par des sociétés entièrement disloquées où les pathologies mentales répercutent les éclatements d’une déculturation à multiples paliers. La violence et ses relents nihilistes ne sont pas l’effet du hasard, ils sont l’expression d’un monde sans repères.
Les islamismes sont le produit d’un bricolage idéologique ou la désémantisation du corpus islamique et ses réinterprétations servent d’étayages à des totalitarismes en action. Le nationalisme arabe et ses variants idéologiques n’ont jamais pu se ressourcer dans une modernité intellectuelle faisant la part belle aux valeurs de la démocratie libérale, où le pluralisme et la discursivité définissent la trame de la vie politique et sociale, le référent socialiste n’étant que le travestissement d’un mécanisme de défense qui cherche à déjouer les angoisses d’un univers aux désarrois multiples. Nous sommes véritablement dans le registre de l’indifférenciation entre le pathologique et le politique, où la folie retrouve sa fonction structurante au niveau de la conscience et de l’agir politique.
Les épisodes sanglants de l’islamisme militant qui ont relayé l’ère nationaliste et ses élucubrations idéologiques, n’ont fait que creuser de nouveaux sillons dans des terrains en friche où la violence servait de régulateur des rapports sociaux. L’attraction pour les totalitarismes idéologiques et identitaires puisait dans les terreaux tribal et religieux, et leurs interfaces mutantes. La défaite de l’État islamique (Daech), et la destruction des plateformes opérationnelles du régime iranien s’avèrent préjudicielles à toute politique de stabilisation et de réformes dans cette région du monde. La fin des dystopies meurtrières est un passage obligé si l’on veut amorcer des dynamiques de changement. La clôture de l’ère islamiste est un passage obligé en vue d’amorcer le virage vers une ère de paix démocratique et libérale.
Le Liban vient juste de rompre avec l’immobilisme paradoxal d’une transition rendue possible par la contre-offensive israélienne et ses effets restructurants. La diplomatie américaine, ayant pris le relais de l’état de blocage qui verrouillait la vie politique, est venue à bout des récalcitrances tant idéologiques que politiques. La rupture avec le Hezbollah et ses effets émancipateurs devrait relancer les dynamiques de libéralisation en milieu chiite, casser les liens de dépendance vis-à-vis du régime iranien, promouvoir les politiques de réconciliation et d’accommodation aux dépens des stratégies de domination et de leurs variables agonistiques. La nouvelle mouvance politique est en pleine épreuve et ses succès ou échecs vont largement décider de l’avenir du pays et de ses impératifs de restructuration. De toute façon, le Liban ne peut plus s’accommoder de régimes intérimaires où la paix n’est qu’un intermède entre la guerre qui finit et celle qui se prépare.
Le conflit meurtrier à Gaza touche à la fin qui pourrait s’avérer aussi dramatique que les diverses séquences qui ont scandé cette guerre, où le nihilisme et la criminalité la plus abjecte illustrée par la stratégie des boucliers humains furent à l’origine d’une tragédie propulsée au devant de la scène par la secte terroriste du Hamas. La politique intentionnelle de victimisation et l’instrumentalisation des écosystèmes au service d’une stratégie nihiliste qui faisait entièrement fi de la distinction entre les théâtres opérationnels et les zones civiles, rendent compte des effets dévastateurs de cette guerre asymétrique. L’instrumentalisation des questions du ravitaillement par le Hamas et l’ambiguïté du rôle des agences onusiennes expliquent la perversité des politiques discrétionnaires de la faim.
L’épilogue de cette trame où la perversité et la volonté du mal ont fini par définir les coordonnées du régime d’adversité et de guerre totale. Espérons que la fin de cet épisode douloureux mettrait fin à l’ensauvagement qui définit désormais le conflit israélo-palestinien. Il est déjà grand temps de mettre fin aux perversions idéologiques qui se sont emparées de ce conflit et de redonner à la reprise des négociations leur rôle dans la gestion de ce conflit et de ses épilogues multiples. La radicalisation des deux côtés n’est pas de nature à faciliter la quête d’une solution négociée.
Les dérives idéologiques et identitaires des conflits en question gagneraient à être repris de manière réaliste et largement déliée des scotomes idéologiques comme paramètres structurants. L’islamisation des conflits ayant succédé aux configurations politico-stratégiques de l’ère nationaliste, n’ont fait que les aggraver au profit d’hypostases idéologiques et d’intérêts sournois de tous ordres. En contrepartie, la montée des messianismes politiques en milieu israélien n’est pas de bon augure. Autrement, la nouvelle dynamique imprimée par la contre-insurrection israélienne a fini par redéfinir la donne stratégique dans ses multiples ramifications. La relecture de cette nouvelle donne est le prélude nécessaire à toute démarche irénique si l’on veut véritablement mettre fin à ce conflit.
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