Syrie: Joulani promet de dissoudre les factions combattantes
Une femme soulève une photo du chef du groupe islamiste Hay'at Tahrir al-Cham (HTC), Abou Mohammad al-Joulani, alors que les gens se rassemblent pour fêter l'événement dans la ville portuaire de Lattaquié, à l'ouest de la Syrie, le 11 décembre 2024. ©Aaref WATAD / AFP

Face au défi d'unifier un pays ravagé par 13 ans de guerre, le chef de la coalition dominée par des islamistes qui a pris le pouvoir en Syrie s'est engagé à dissoudre dans l'armée les factions qui ont contribué à la chute de Bachar el-Assad, et a réclamé la levée des sanctions internationales.

Après quelque 50 années de règne sans partage du clan Assad, les nouvelles autorités s'emploient à rassurer les capitales étrangères, qui prennent peu à peu contact avec leurs dirigeants, dont Abou Mohammad al-Joulani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmad al-Chareh.

Après le Royaume-Uni, la France envoie ainsi mardi une mission diplomatique à Damas, la première depuis 12 ans.

Les groupes combattants "seront dissous et leurs combattants préparés à rejoindre les rangs du ministère de la Défense, et tous seront sous le coup de la loi", a affirmé Abou Mohammad al-Joulani, dans des propos rapportés mardi matin par la chaîne Telegram de la coalition menée par le groupe sunnite radical Hay’at Tahrir al-Cham (HTC).

Lâché par ses alliés, la Russie et l'Iran, Bachar el-Assad a fui pour Moscou quand une coalition de groupes rebelles menée par des islamistes radicaux s'est emparée le 8 décembre de Damas, après une offensive éclair menée depuis le nord de la Syrie. Sorti de son silence lundi, l'ex-président a affirmé qu'il n'avait fui la Syrie qu'après la chute de Damas et qualifié de "terroristes" les nouveaux dirigeants du pays.

Retour des réfugiés

Sa chute a été accueillie par des scènes de liesse, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, qui a fait un demi-million de morts et provoqué la fuite à l'étranger de six millions de personnes.

Mais unifier le pays morcelé par des années de guerre sanglante et où sont présentes de nombreuses factions aux allégeances divergentes et de nombreuses minorités religieuses et ethniques reste un défi pour HTC. Cette ex-branche d'Al-Qaïda affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classée comme une organisation terroriste par plusieurs capitales occidentales.

Dans un complexe militaire près de Damas, des habitants, dont des enfants, ont mis le feu à des maisons d'officiers de l'ancien gouvernement, selon des journalistes de l'AFP. Tables, armoires, chaises ont été auparavant pillées.

À Lattaquié, le deuxième port de Syrie, sur la Méditerranée, des centaines d'hommes et quelques femmes membres des anciennes forces gouvernementales faisaient la queue lundi à l'extérieur de bureaux où les nouvelles autorités leur ont demandé de venir rendre les armes.

"La Syrie doit rester unie, et il faut qu'il y ait un contrat social entre l'État et l'ensemble des confessions pour garantir une justice sociale", a assuré Ahmad al-Chareh.

Il a tenu ces propos lors d'une rencontre lundi avec des membres de la communauté druze, branche de l'islam chiite, estimée à environ 3% de la population syrienne d'avant-guerre.

Le nouvel homme fort de la Syrie a également reçu une délégation de diplomates britanniques, devant qui il a "évoqué l'importance de rétablir les relations" avec Londres, dans des propos rapportés sur Telegram.

Il a "souligné la nécessité de lever toutes les sanctions imposées à la Syrie afin de permettre le retour des réfugiés syriens dans leur pays".

"Réconciliation" 

Alors que Bachar el-Assad se posait en protecteur des minorités dans un pays à majorité sunnite, plusieurs pays et organisations, tout en saluant sa chute, disent attendre de voir comment les nouvelles autorités vont traiter les minorités du pays cosmopolite.

Face à une situation régionale inflammable, les pays occidentaux ne veulent cependant pas passer à côté de l'opportunité de renouer les liens avec la Syrie, conscients du risque de fragmentation et de résurgence du groupe jihadiste État islamique, qui n'a jamais été totalement éradiqué du pays.

L'armée américaine a annoncé avoir tué lundi 12 membres de l'EI lors de frappes aériennes en Syrie.

Les États-Unis ont également établi des contacts avec HTC, tandis que l'Union européenne a annoncé lundi envoyer un haut représentant à Damas.

La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a affirmé que la Russie et l'Iran ne devaient "pas avoir de place" dans la Syrie de demain, et que l'UE soulèverait la question du devenir des bases militaires russes en Syrie avec le nouveau pouvoir.

Dans un entretien à l'AFP, Riad Assaad, un chef rebelle, a appelé Moscou à "revoir ses calculs" et "abandonner (son) hostilité", défendant l'idée d'une Syrie qui aurait de "bonnes relations avec tous les pays du monde".

Ancien colonel fondateur de l'Armée syrienne libre (ASL), composée de militaires dissidents, il a réclamé que les membres du gouvernement évincé répondent devant la justice des crimes commis: "Notre objectif c'est le pardon et la réconciliation, mais il doit y avoir une justice transitoire pour qu'il n'y ait pas d'actes de vengeance."

Par Layal ABOU RAHAL avec Jonathan SAWAYA, AFP

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