Décédée le 17 décembre 2024 à Madrid à 78 ans, Marisa Paredes, muse emblématique de Pedro Almodóvar, laisse derrière elle une carrière marquée par des rôles inoubliables et un engagement profond pour la culture espagnole.
Marisa Paredes, figure emblématique du cinéma espagnol et muse de Pedro Almodóvar, s’est éteinte le 17 décembre 2024 à Madrid, à l’âge de 78 ans. Icône du septième art, elle laisse derrière elle une carrière riche, marquée par des rôles inoubliables, des collaborations mythiques et un engagement sans faille pour la culture et la démocratie.
Une enfance marquée par le franquisme
Née le 3 avril 1946 à Madrid, María Luisa Paredes Bartolomé, connue sous le nom de Marisa Paredes, grandit dans une Espagne étouffée par la dictature franquiste. Issue d’une famille modeste, quatrième enfant d’un concierge et d’une femme au foyer, elle traverse une enfance difficile. "J’ai vécu humiliation et maltraitance. Comment ne pas devenir féministe dans de telles conditions?", confiait-elle dans El País en février 2024.
À 11 ans, elle quitte l’école pour soutenir sa famille. Mais ses rêves d’art s’éveillent près du Théâtre national, où elle habite enfant. À 15 ans, elle décroche son premier rôle dans une pièce de José López Rubio. Ce début sur les planches marque le point de départ d’une carrière prolifique comptant plus de 75 films et de nombreux rôles au théâtre.
Une rencontre inoubliable et une voix marquante
En 1989, au Festival de San Sebastián, Marisa Paredes rencontre le réalisateur Daniel Schmitt, un moment qui restera gravé dans sa mémoire. Leur amour pour le théâtre les rapproche. "C’est une relation qui continuera jusqu’à la mort parce que son cinéma est éternel", confiait-elle dans un entretien accordé à la Cinémathèque suisse.
Dix ans plus tard, elle décroche le rôle de Becky del Páramo dans Talons aiguilles, un tournant dans sa carrière qu’elle qualifie de "chance incroyable". "Pedro Almodóvar a été mon ami et m’a ouvert les portes du monde", soulignait-elle lors de ce même entretien.
Une collaboration légendaire avec Pedro Almodóvar
La carrière de Marisa Paredes prend une dimension internationale grâce à Pedro Almodóvar, qui la dirige dans six films majeurs. Leur collaboration commence en 1983 avec Dans les ténèbres, où elle incarne une religieuse excentrique. Mais c’est avec Talons aiguilles (1991) que le succès explose. Le film, couronné du César du meilleur film étranger, révèle Marisa dans le rôle iconique de Becky del Páramo. La scène où elle interprète en playback Piensa en mí reste mythique.
Elle poursuit avec La Fleur de mon secret (1995), où elle joue une romancière en crise, puis Tout sur ma mère (1999), hommage vibrant aux mères et aux artistes, récompensé par l’Oscar du meilleur film étranger. Enfin, La Peau que j’habite (2011) scelle leur longue complicité artistique. "Marisa avait une confiance absolue en moi. Elle m’a tout donné", déclarait Almodóvar.
Des rôles inoubliables par-delà des frontières espagnoles
Marisa Paredes se fait connaître également dans des productions internationales. En 1986, elle joue Griselda dans Prison de cristal d’Agustí Villaronga, un rôle sombre et intense. Elle apparaît ensuite dans L’Échine du diable (2001) de Guillermo del Toro, un chef-d’œuvre du cinéma fantastique espagnol.
En 1997, elle travaille avec Roberto Benigni dans La Vie est belle, où elle livre une performance marquante, en dépit d’un rôle secondaire. Pour elle, la qualité des projets est essentielle: "On m’a toujours confié des personnages spéciaux", soulignait-elle.
Le théâtre, son premier amour
Passionnée par les planches, Marisa Paredes se forge une carrière théâtrale impressionnante. Elle interprète des œuvres de García Lorca, Tchekhov, Ibsen et Dostoïevski, notamment pour la télévision espagnole. "Lorsque la télévision […] diffusait du théâtre, j’ai joué tous les grands drames. C’était l’âme russe, le grand drame", disait-elle. Elle n’a jamais renié ses racines théâtrales, déclarant: "Le théâtre est ma véritable école. Il m’a appris à ressentir, à transmettre et à incarner."
Engagements et distinctions
Présidente de l’Académie espagnole du cinéma entre 2000 et 2003, Marisa Paredes utilise sa voix pour défendre des causes progressistes. Elle est lauréate de quatre Fotogramas de Plata, de trois prix Sant Jordi, du prix national de cinématographie et d’un Goya d’honneur.
Une disparition saluée par le monde entier
Décédée à 78 ans, Marisa Paredes laisse derrière elle un héritage indélébile. Antonio Banderas l’a saluée comme "une grande dame de l’interprétation", tandis que Penélope Cruz a rendu hommage à "une légende qui nous quitte trop tôt".
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a rappelé son engagement pour la démocratie: "Sa présence dans le cinéma et son combat resteront un exemple pour les générations futures." Avec sa voix unique et son charisme, Marisa Paredes demeure une icône du septième art.
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