Le nouveau dirigeant syrien, Ahmad el-Chareh, a défini, dimanche, les grandes lignes de la politique qu’il compte suivre avec le Liban, fondée, selon ses propos, sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays. Il a notamment invité les Libanais à "effacer de leur mémoire le souvenir de l'ancienne Syrie au Liban".
Ahmad el-Chareh a tenu ces propos devant le leader druze et ancien chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, qu’il a reçu au palais présidentiel.
M. Joumblatt s’est rendu dimanche à Damas, pour sa première visite en Syrie depuis plus de 13 ans. Il était accompagné d’une importante délégation de députés du bloc parlementaire de son parti, et de dignitaires religieux druzes, notamment le leader spirituel de la communauté au Liban, le cheikh Akl Sami Abi el-Mona.
Lors de cette visite, la première d’une personnalité libanaise en Syrie depuis la chute du régime de Bachar el-Assad, Walid Joumblatt s’est entretenu de questions d’intérêt commun avec Ahmad el-Chareh, apparu pour la première fois en costume cravate. Dans une brève allocution, il a salué le peuple syrien pour son soulèvement, ainsi que ses dirigeants pour le combat qu’ils ont mené “afin de mettre fin à l’oppression et à la tyrannie”.
Le leader druze a exprimé l’espoir que ceux qui ont commis des crimes contre le peuple libanais soient tenus pour responsables de leurs actes. “Nous souhaitons aussi des procès équitables pour juger ceux qui ont commis des crimes contre le peuple syrien, et que certaines prisons soient transformées en musées”, a-t-il aussi déclaré.
De plus, Walid Joumblatt a souligné que “les relations libano-syriennes devraient revenir à leur cours naturel par le biais des canaux diplomatiques”. Dans ce contexte, il a remis à son hôte un mémorandum au sujet des relations libano-syriennes ainsi qu’un ouvrage historique de l’émir Chakib Arslan.
Le leader druze a en outre réaffirmé que les fermes de Chebaa sont syriennes, en abordant avec son hôte, la question de la délimitation terrestre des frontières libano-syriennes. Un sujet qui fait polémique au Liban, où ces hameaux sont considérés libanais, notamment par l’ancien axe dit de la résistance. Il a estimé que "les fermes de Chebaa tombent sous le coup de la résolution 242” du Conseil de sécurité de l’ONU. “Si dans le cadre de la démarcation des frontières entre les États libanais et syrien, ces fermes sont considérées libanaises, nous accepterons ce choix même si nous pensons qu’elles sont syriennes".
La résolution 242 a été adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU à la suite à la guerre de six jours, entre Israël et ses voisins arabes, en 1967. Elle exige le retrait d’Israël des territoires occupés. Lors de cette guerre, l’État hébreu avait envahi et occupé le Sinaï, en Égypte, le Golan syrien (dont les hameaux de Chebaa feraient partie, selon Walid Joumblatt), la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Israël s'était retiré du Sinaï en 1978, suite aux accords de paix avec l’Égypte.
Ahmad el-Chareh n’a pas voulu se prononcer au sujet de l’appartenance des fermes de Chebaa. Interrogé plus tard à ce sujet, il a jugé “prématuré d’en parler durant la phase de transition” en Syrie.
Le nouveau dirigeant syrien a cependant promis devant ses hôtes que son pays n'exercerait plus une influence "négative" au Liban et respecterait la souveraineté du pays voisin.
La Syrie n'aura plus "d'ingérence négative au Liban et respectera la souveraineté du Liban, son intégrité territoriale, son indépendance de décision et sa stabilité", a assuré M. Chareh. "Elle se tiendra à distance égale de tous" au Liban, a-t-il ajouté, affirmant que la Syrie était "source de peur et d'anxiété" au Liban.
Il a reconnu le rôle du régime syrien dans les assassinats, notamment ceux de l’ancien président, Bachir Gemayel, du leader druze, Kamal Joumblatt et de l’ancien chef du gouvernement, Rafic Hariri. M. Chareh a conclu en appelant de ses vœux les Libanais à "effacer de leur mémoire le souvenir de l'ancienne Syrie au Liban".
Plus tard, répondant à une question de la presse, il a demandé au gouvernement libanais d’envoyer une liste des noms des Libanais portés disparus et qui auraient été détenus dans les prisons syriennes, pour que son équipe puisse suivre le dossier.
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