À force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. C’est exactement ce que font le gouvernement libanais et le Hezbollah.
Le premier, dominé par le tandem chiite, signataire de l’accord de cessez-le-feu et de son annexe secrète, sait parfaitement qu’il a accepté de laisser une liberté d’action à l’armée israélienne au sud, mais fait mine de s’offusquer de ces mêmes actions. Le second, le Hezbollah, joue sur l’interprétation des termes de l’accord et affirme mordicus qu’il n’est pas question de remettre ses armes au nord du Litani. Pourtant, c’est ce qui est prévu dans le fameux accord.
La question est de savoir contre qui seraient tournées les armes au nord du fleuve. La route de Jérusalem repasserait-elle par Jounieh, pour reprendre la célèbre phrase de Yasser Arafat? L’opposition libanaise ne s’y trompe pas et comprend bien que le maintien des armes de la milice pro-iranienne aurait pour seule conséquence de vouloir la “neutraliser” et jeter son ombre menaçante sur toute velléité de modifier l’équilibre des forces sur la scène interne.
Les Israéliens, pour leur part, poursuivent leur plan. Benjamin Netanyahou avait certainement les informations concernant les mouvements de troupes rebelles en Syrie, mais ne pensait peut-être pas que le régime Assad tomberait si rapidement. Sinon, quelle urgence y aurait-il eu à signer la veille un accord de cessez-le-feu au Liban?
La chute des Assad a considérablement renforcé le dispositif militaire israélien qui, désormais, prend le Hezbollah en tenailles au sud et à l’est, depuis le mont Hermon et le Golan. Parallèlement, Israël est en train de reconstituer son stock d’armements. Il est à noter que les habitants du nord d’Israël n’ont toujours pas été autorisés à rentrer chez eux. C’est un indice que la guerre n’est peut-être pas terminée.
La trêve de soixante jours se termine le 26 janvier. Six jours après l’investiture de Donald Trump, qui n’est pas très connu pour être sensible aux atermoiements, spécialité libanaise basée sur un mélange d’impuissance officielle et de l’habituelle mauvaise lecture stratégique iranienne. Il peut très bien donner son feu vert aux Israéliens pour “finir le travail”, termes qu’il apprécie particulièrement.
Au milieu de tout cela, les éternels pauvres Libanais qui se demandent s’ils vont devoir repartir dans une guerre qui ne les concerne pas. Un scénario cauchemardesque, parce que si la reprise des combats se confirme, cette fois, la première phase du conflit ressemblera à une promenade.
De manière très imprudente, le gouvernement libanais, à qui personne n’avait rien demandé, a apposé sa signature sur le document de cessez-le-feu. Il serait donc tenu pour responsable de sa non-application, même si tout le monde sait qu’il n’a aucune marge de manœuvre réelle. En cas de reprise des combats, l’État, ses institutions et l’infrastructure du pays pourraient être ciblés. La promesse faite aux Libanais de les renvoyer à l’âge de pierre se réaliserait. C’est peut-être pour éviter ce scénario que l’infatigable Amos Hochstein revient dans la région après les fêtes. Peut-être aussi pour cela que deux ministres français, fait rarissime, ceux de la Défense et des Affaires étrangères, arrivent ce lundi au Liban, officiellement pour aller passer le réveillon avec les soldats de la Finul.
Le moment décisif sera le 9 janvier, date de la convocation du Parlement pour élire un président de la République. Si cette session se tient et si elle aboutit à l’élection d’un président fort, capable de prendre les décisions politiques et militaires d’urgence qui s’imposent, le pire sera probablement épargné au Liban. Si les politiciens libanais, fidèles à leur réputation tergiversent, font échec à l’élection ou sortent de leur chapeau un président de compromis dans la compromission, cela rajoutera de la mollesse à l’impuissance et dans ce cas, tout sera possible. Pourtant, c’est simple, il s’agirait d’arrêter de faire les malins et d’appliquer à la lettre l’accord. “La simplicité est la sophistication suprême”, disait Léonard de Vinci. Le génie de la Renaissance inspirera-t-il certains esprits suicidairement obtus?
Commentaires