Que l’on soit attiré par l’élégance des valses viennoises, la splendeur de l’opéra italien ou la majesté de la musique germanique, les concerts du Nouvel An sauront satisfaire tous les goûts. Les festivités musicales au Musikverein, à La Fenice ou à la Philharmonie de Berlin sont le reflet de l’esprit festif et de l’espoir que chaque nouvelle année porte en elle.
Le passage à la nouvelle année est marqué par des célébrations mondiales, parmi lesquelles se distinguent particulièrement les concerts du Nouvel An. Réunissant orchestres et chefs de renommée internationale, ces événements sont devenus des rendez-vous incontournables pour les mélomanes, offrant une balade musicale à travers les héritages musicaux européens et insufflant un vent de joie et d’optimisme pour l'année à venir. À l'avant-garde de ces festivités, Vienne, Venise et Berlin accueillent, comme chaque année, des concerts qui célèbrent les traditions propres à leurs pays tout en rendant hommage à l'universalité de la musique classique occidentale.
L’héritage straussien au Musikverein
Le concert du Nouvel An de l'Orchestre Philharmonique de Vienne, donné les 30 et 31 décembre ainsi que le 1er janvier, dans la célèbre salle du Musikverein, est sans conteste l'un des évènements musicaux les plus prestigieux. Depuis sa première édition, en 1939, ce concert perpétue la tradition de célébration de la famille Strauss, figures incontournables de la musique viennoise. Sous la direction du maestro italien Riccardo Muti, le concert de cette année s'inscrit dans la continuité de cet héritage. Johann Strauss I (1804-1849), fondateur de la dynastie, ouvrira la soirée avec Freiheits-Marsch (Marche de la liberté), op. 226. Cette œuvre évoque les turbulences politiques de l'Europe, notamment la vague révolutionnaire qui a ébranlé le Vieux continent en 1848 (connue sous le nom de Printemps des peuples) et contraste avec les pièces plus légères et festives qui suivront.
Son fils, Josef Strauss (1827-1870), moins connu, mais tout aussi raffiné, marque de son empreinte le programme avec deux de ses compositions, dont la valse Dorfschwalben aus Österreich (Hirondelles villageoises d'Autriche), op. 164, aux couleurs bucoliques. Interprétée pour la dixième fois lors de ce prestigieux rendez-vous musical, elle a déjà été dirigée par de grands chefs tels que Carlos Kleiber, en 1992, et Zubin Mehta, en 2015. L'héritage de Johann Strauss II (1825-1899) domine incontestablement cette soirée, une mise en lumière qui s’inscrit dans le cadre du bicentenaire de celui que l’on célèbre comme le “roi de la valse”. Parmi les œuvres majeures à l'honneur figurent Lagunen-Walzer (Valse des lagons), op. 441, Wein, Weib und Gesang (Vin, femme et chant), op. 333, et l'Ouverture de Der Zigeunerbaron (Ouverture du "Baron tzigane”), une opérette viennoise aux couleurs hongroises, alliant le folklore tzigane et la Gemüth viennoise.
Le programme s’aventure également au-delà des sentiers battus de la tradition, mettant à l’honneur des pièces méconnues, telles que la marche Fidele Brüder (Marche fraternelle) de l’opérette Das Veilchenmädchen (La Fille-Violette) de Josef Hellmesberger II (1855-1907) et la Ferdinandus-Walzer (Valse de Ferdinand) de Constanze Geiger (1835-1890). Composée à l’âge de 12 ans par celle qui deviendra l’épouse du prince Léopold de Saxe-Cobourg et Gotha, cette valse marque un moment historique en étant la première œuvre d’une compositrice jouée lors du prestigieux concert du Nouvel An à Vienne.
L’opéra italien à La Fenice
Après avoir parcouru le programme du prestigieux concert du Nouvel An de Vienne, l'attention se dirige à présent vers une autre capitale culturelle européenne: Venise. Véritable épicentre de la tradition musicale italienne, le Teatro La Fenice reflète fidèlement le raffinement de la scène lyrique vénitienne. Depuis sa fondation au XVIIIe siècle, il demeure un lieu de création et de diffusion des chefs-d'œuvre opératiques, attirant chaque année des mélomanes du monde entier. Notamment pour le concert du Nouvel An. Comme chaque année, ce théâtre emblématique par excellence propose une programmation axée sur le répertoire lyrique, mettant particulièrement en valeur l’opéra italien qui a marqué l’apogée du romantisme musical européen au XIXᵉ siècle. Placée sous la baguette de Daniel Harding, la soirée s’articule autour d’un dialogue entre des œuvres symphoniques et d’autres vocales.
Le concert du Nouvel An, faisant partie d'une série donnée du 29 décembre au 1er janvier, s'ouvre sur la Symphonie n°5 en ut mineur, op. 67 de Ludwig van Beethoven (1770-1827). Souvent perçue comme une allégorie de la lutte et de la victoire sur l’adversité, cette œuvre préfigure les bouleversements romantiques qui marqueront le XIXe siècle. Le programme se poursuit avec l’ouverture de La Gazza Ladra (La Pie voleuse) de Gioachino Rossini (1792-1868), prélude à des moments de ferveur collective, comme l’iconique Va, pensiero, sull'ali dorate (Va, pensée, sur tes ailes dorées) de Giuseppe Verdi (1813-1901), symbole d’une italianité sublimée, Je veux vivre dans le rêve, extrait de Roméo et Juliette de Charles Gounod (1818-1893), le célébrissime Nessun Dorma (Que personne ne dorme!), extrait de Turandot, et Recondita armonia (Secrète harmonie), un aria extrait de Tosca, de Giacomo Puccini (1858-1924), ainsi qu’un florilège de pièces de ces compositeurs et bien d’autres.
L’interprétation des solistes, notamment Mariangela Sicilia (soprano) et Francesco Demuro (ténor), promet de restituer, avec fidélité, l’intensité émotionnelle et la virtuosité technique que requièrent ces partitions. Le concert s’achèvera avec Libiam Ne' Lieti Calici (Buvons dans ces joyeuses coupes) de La Traviata de Verdi, un moment festif pour trinquer à la nouvelle année.
La tradition germanique à Berlin
Le Concert du Nouvel An à Berlin, dirigé par le maestro russe Kirill Petrenko, propose, le 31 décembre, une expérience contrastée, entre majesté et exubérance. Le programme combine des œuvres symphoniques et opératiques, avec une attention particulière pour la musique germanique. Interprété par le pianiste virtuose Daniil Trifonov, le Concerto pour piano n°2, op. 83 de Johannes Brahms (1833-1897) inaugurera le concert sur une note poignante. Composée en 1881, cette œuvre marque les premiers pas de l'apogée de la maturité créative de Brahms. Pourtant, en dépit de l'ampleur de cette composition, son auteur qualifie les esquisses de l'Op. 83, dans une correspondance adressée à son ami, le chirurgien viennois Dr. Theodor Billroth, de “petites pièces pour piano”. Structurée en quatre mouvements, au lieu des trois traditionnels, elle juxtapose des passages de virtuosité absolue avec des moments de profonde introspection, où l’intensité dramatique atteint les plus hauts sommets.
Après l'entracte, la musique de Wagner prendra le relais avec le Prélude de Die Meistersinger von Nürnberg (Les Maîtres chanteurs de Nuremberg), WWV 96, une œuvre qui “contient toutes les contradictions du monde et cherche à les réconcilier à travers l'art”, selon le chef russe. S'ensuivra la deuxième série des valses de l'Acte 3 de Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose), un opéra en trois actes de Richard Strauss (1864-1949). Très populaires, mais controversées pour leur anachronisme, ces valses ont été réarrangées par Strauss pour permettre au public de les découvrir en dehors du contexte de l'opéra complet. La Danse des sept voiles, point culminant de l’opéra Salomé op. 54 du même compositeur, sera ensuite interprétée. Elle retrace l’histoire de Salomé, fille de la reine Hérodiade, qui danse pour son beau-père Hérode en échange de la tête du prophète emprisonné Jochanaan (selon le texte d’Oscar Wilde) – qui n’est autre que Jean le Baptiste dans la tradition chrétienne. Lié par son serment, Hérode se voit contraint d’ordonner l’exécution du prédicateur austère.
Le concert s’achève avec Stürmisch in Lieb’ und Tanz (Impétueux en amour et dans la danse), op. 393, une polka rapide de Johann Strauss II, marquant l'aube d'une nouvelle année dans une atmosphère de joie et d’élégance.
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