L'Iran lève l'interdiction de WhatsApp, mais les restrictions restent nombreuses
Des gens marchent dans une rue, certains naviguant sur leur téléphone, à Téhéran. ©Atta Kenare / AFP

Le patron d'un café de Téhéran, Ardavan Youssefi, était tellement habitué à trouver des moyens de contourner les restrictions d'internet qu'il a à peine remarqué la récente levée de l'interdiction de WhatsApp en Iran.

"Donc le blocage est vraiment levé?", s'étonne l'homme de 31 ans, qui envoie un message après avoir éteint son VPN, le réseau privé virtuel utilisé pour contourner les restrictions.

"Cela ne change pas grand-chose pour moi, car je dois toujours acheter et utiliser des VPN pour Instagram, Telegram et d'autres plateformes" toujours interdites, ajoute-t-il.

Les autorités iraniennes ont levé le 24 décembre l'interdiction qui frappait depuis plus de deux ans l'application de messagerie WhatsApp et Google Play.

Ces deux applications ainsi que Instagram avaient été bloquées lors des manifestations de l'automne 2022, déclenchées par la mort en détention de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne arrêtée pour avoir enfreint le code vestimentaire strict imposé aux femmes.

"Un minimum de satisfaction"

La levée du blocage intervient à un moment où les Iraniens sont confrontés à des difficultés économiques liées à une flambée des prix, une dévaluation de la monnaie et des sanctions internationales qui paralysent l'économie.

Ces dernières semaines, la vie quotidienne en Iran a été perturbée par la fermeture généralisée des banques, des administrations et des écoles en raison d'une vague de froid et de pénuries d'énergie.

En outre, la pollution de l'air s'est aggravée depuis le début de l'hiver.

Cette mesure "était destinée à créer un minimum de satisfaction dans l'opinion", relève Amir Rashidi, directeur des droits numériques et de la sécurité du groupe Miaan, basé à New York.

Le déblocage de Google Play "ne constitue pas une menace significative pour la stabilité de la République islamique, car ce n'est pas une plateforme de dissidence politique", souligne M. Rashidi.

De même, ajoute-t-il, WhatsApp "est moins populaire en Iran" que d'autres applications comme Instagram et Telegram.

L'accès à Facebook, X et YouTube est lui restreint depuis 2009.

L'ancien président ultraconservateur, Ebrahim Raïssi, avait accusé les applications d'avoir fomenté la contestation après la mort de Mahsa Amini et déclaré qu'elles ne seraient rétablies que si elles avaient un représentant légal dans le pays.

Meta, le géant américain propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp, a répondu qu'il n'avait pas l'intention de s'installer en Iran, un pays soumis à de sévères sanctions américaines.

Le président Massoud Pezeshkian, qui a pris ses fonctions en juillet, s'était engagé, lors de sa campagne, à assouplir les restrictions sur internet.

"Première étape"

Les opposants aux restrictions font valoir qu'elles entravent les communications et les activités commerciales en ligne, tout en obligeant les usagers à payer pour des VPN.

Plus de 80% des internautes utilisent des logiciels de déblocage, selon l'agence de presse Mehr, citant le vice-ministre des Télécommunications, Hamid Fatahi.

Des dizaines de députés iraniens ont toutefois averti que l'assouplissement des restrictions pourrait être un "cadeau aux ennemis" de la République islamique, d'autres ont estimé qu'il devrait être conforme aux "valeurs islamiques et aux lois" de l'Iran.

Le ministre des Télécommunications, Sattar Hashemi, a souligné que la récente décision était "la première étape" vers un accès plus large à internet.

Selon l'agence Mehr, le gouvernement envisage de rétablir l'accès à YouTube et Telegram, mais uniquement via des "portails gérables".

Amir Heidari, un développeur de logiciels âgé de 26 ans originaire de Téhéran, s'est réjoui du déblocage de WhatsApp. "C'est beaucoup plus facile maintenant de joindre mes amis et ma famille", "c'est déjà un bon signe", a-t-il déclaré, même s'il se dit peu optimiste sur la suite.

Pour Elaheh Khojasteh, une entraîneure de sport de 31 ans habitant à Ahvaz, dans le sud-ouest de l'Iran, cette décision ne change pas grand-chose. "Il y a des problèmes bien plus importants qui doivent être résolus", a-t-elle souligné.

Menna Zaki et Ramin Khanizadeh, avec AFP

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