Dans quelques heures, la treizième séance électorale devrait enfin avoir lieu pour élire un président, après plus de deux ans de vacance à la tête de l’État et douze scrutins infructueux, principalement en raison d’obstructions incessantes. À cette occasion, nous sommes allés tâter le pouls des citoyens dans plusieurs quartiers. Sont-ils impatients? Qu’attendent-ils de ce futur chef de l’État et comment l’imaginent-ils? Surtout, croient-ils que cela pourra changer quelque chose au destin si malmené de notre pays?
Pour Paul Haddad, le scrutin de jeudi ne sera pas “historique”. Rencontré dans les souks de Zalka, ce cambiste estime que le destin du Liban “ne dépend pas d’un seul jour. Il a besoin de beaucoup plus qu’un président pour se remettre sur pied”. Il espère toutefois que l’élection d’un chef de l’État sera “un premier pas dans la bonne direction”.
“Impatiente” de voir un président élu, Maya Noueihed souhaite surtout “vivre dans un pays normal, comme tant d’autres dans le monde”. Pour l’heure, et malgré la récente guerre entre le Hezbollah et Israël, cette ancienne responsable des ressources humaines au Qatar, qui s’est réinstallée il y a un an au Liban, ne regrette pas son retour au bercail.
Même son de cloche pour le commerçant Kamal Kastoun, qui considère que “chaque Libanais est animé de la même impatience”, et pour Mitri Hage, propriétaire d’un magasin de vêtements à Bourj Hammoud. Ce dernier insiste: “Ce vide a trop duré et il est en train de léser la communauté chrétienne, dont le président est issu.”
Mère de deux enfants et employée dans le secteur de l’assurance au centre-ville de Beyrouth, Patricia el-Hélou refuse, elle aussi, d’avoir un président “issu de la classe politique actuelle”. Pour elle, ce profil “n’apportera rien de bon au pays”, qu’elle dit pourtant “chérir tant”.
Lorsque nous avons interrogé Samar Daoud, habitante de Nabatiyé, désormais réfugiée à Achrafieh dans un appartement prêté par des amis depuis la guerre récente entre le Hezbollah et Israël, le pessimisme était au rendez-vous. Amère, elle considère qu’un nouveau chef de l’État “ne pourra rien faire, tout comme ses prédécesseurs”. Et pour cause? “Ses mains sont liées par des décisions externes”, qui ont eu pour conséquence “un contrôle et une humiliation constante subis par la population”.
Habitant de Mar Élias, Hussein Hachem, 28 ans, travaille au cœur de la capitale. D’un ton réaliste et plutôt désillusionné, il craint “un scénario identique aux précédents scrutins, à moins d’une bonne nouvelle”.
Un président libanais, libre, et pas une marionnette!
M. Haddad souhaite voir “un président libanais au vrai sens du terme, et non une marionnette, qui saura prendre des décisions en faveur des intérêts des citoyens et qui aura de réelles prérogatives de chef d’État”. Toutefois, ce nostalgique soixantenaire des présidences de Camille Chamoun, Fouad Chéhab, et Elias Sarkis, rêve de voir un homme de cette trempe, répondant pleinement à ses attentes. Des présidents, ajoute-t-il, qui ont fait du Liban “un paradis”.
Il en est de même pour Samar Daoud, qui soutient la venue d’un homme “libre et indépendant dans ses décisions, qui pourrait relever le Liban du marasme dans lequel il se trouve ainsi que les Libanais”. Hussein Hachem estime, lui aussi, qu’“à moins d’être relevé vers le haut, mieux vaut rester sans président”.
De son côté, Maya Noueihed, d’un ton réaliste, sait que le prochain président n’aura pas de “baguette magique” pour tout chambouler après tant de “crises et de corruption”. Tout ce qu’elle lui demande, c’est d'“améliorer au moins de 30 à 40% la situation du pays. Même 20% ferait l’affaire”, poursuit-elle.
Kamal Kastoun, lui, espère surtout voir élu un chef de l’État “peu importe son nom. L’essentiel, ajoute-t-il, est qu’il soit fortement soutenu par la communauté internationale afin qu’il puisse avoir les mains libres pour agir”.
Quant à May Gebran, elle souhaite avant tout que le Liban “soit protégé, ainsi que ses frontières”, afin que les citoyens puissent “vivre en sécurité”.
Le plus important pour Mitri Hage est d’ordre économique. Il souhaite que le prochain chef de l’État “puisse assurer une stabilité au pays, ramener les investissements directs étrangers (IDE), en particulier ceux des ressortissants des pays du Golfe (GCC), et que les affaires reprennent”.
Inchallah, qu’un des vœux susmentionnés puisse se réaliser demain jeudi, afin que le Liban et, surtout, sa population retrouvent enfin un tant soit peu d’espoir en des lendemains meilleurs.
Commentaires