Royaume-Uni: alerte rouge sur la dette
Royaume-Uni: alerte rouge sur la dette ©Ici Beyrouth

Emprunter n'a jamais été aussi coûteux pour l'État britannique depuis la crise financière de 2008, une situation alarmante qui pourrait contraindre le gouvernement travailliste à ajuster ses ambitions budgétaires, soit en réduisant ses projets d'investissement, soit en augmentant davantage les impôts.

Quelle est la situation ?

Les taux d'intérêts des emprunts d'Etat à 10 ans, les plus significatifs dans l'estimation du coût de la dette, ont atteint jeudi leur plus haut niveau depuis 2008, à 4,9%.

Ils ont à cette occasion dépassé le niveau atteint en 2022 après la présentation par l'éphémère première ministre conservatrice Liz Truss d'un projet de budget aux dépenses massives et non financées, qui avait entraîné la panique du marché.

Dans le même temps, le taux de la dette à 30 ans, indicateur de la confiance à plus long terme, a atteint mardi un pic jamais vu depuis 1998.

Outre une dette plus chère à financer, ces coût ont largement contribué à affaiblir la livre face à la monnaie américaine, qui retrouve son plus bas niveau depuis fin 2023, à environ 1,23 dollar, alors qu'elle valait 1,27 dollar le 5 décembre, jour de l'élection de Donald Trump.

Plus rare, la monnaie britannique a reculé aussi face à l'euro, qui valait jeudi 84,1 pence contre 0,83 pence au 31 décembre et 0,8275 pence le 5 décembre.

Verdict d'Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote Bank: "Les démons du Royaume-Uni sont de retour."

Comment l'expliquer ?

"En peu de temps, l'économie britannique est passée d'un rythme de croissance décent à un ralentissement brutal, à l'origine des fluctuations du marché obligataire", selon Kathleen Brooks, analyste de XTB.

La croissance a ainsi stagné au troisième trimestre. Et l'inflation, si elle reste loin des niveaux démentiels de 2022, s'est affichée en novembre à 2,6%, en hausse, loin de l'objectif de 2% considéré comme bon pour l'économie.

Le budget présenté fin octobre par la ministre des Finances Rachel Reeves constitue la principale source d'inquiétude des marchés, avec d'un côté 40 milliards de livres de hausses d'impôts et de l'autre 100 milliards d'emprunts sur cinq ans pour investir.

Les entreprises, promises à 25 milliards de hausses d'impôts sur les 40 annoncés, ne cessent d'insister sur les conséquences sur les salaires, l'emploi et l'inflation.

A cela s'ajoute, comme pour le reste du monde, les incertitudes liées au retour de Donald Trump.

Quelles sont les craintes ?

Difficile actuellement d'imaginer le gouvernement en mesure de respecter ses règles budgétaires sans augmenter davantage les impôts ou réduire ses projets de dépenses.

"Pour réaliser ses ambitions, il a besoin du soutien des marchés", sans quoi "les coûts d'emprunt augmenteront en flèche, ce qui obligera à faire des choix", résume Ipek Ozkardeskaya.

Kathleen Brooks suggère à Rachel Reeves de mettre désormais l'accent "sur la réduction des dépenses du secteur public plutôt que sur de nouvelles augmentations d'impôts".

Mais "il n'existe aucune garantie qu'(elle) parviendra à calmer le marché", ajoute-t-elle, estimant que sa marge de manœuvre budgétaire est d'ores et déjà "réduite à néant".

Interrogé jeudi par les députés, le secrétaire en chef du Trésor britannique, Darren Jones, a répondu que le gouvernement ne commentait pas les mouvements sur les  marchés, rappelant son engagement "en faveur de la stabilité économique et de finances publiques saines".

Des raisons de rester optimiste ?

"Nous ne sommes pas dans un moment comme avec Liz Truss", où la panique avait été beaucoup plus soudaine, souligne Kathleen Brooks.

Bien que relativement faible face aux autres monnaies, la livre reste par exemple "considérablement plus forte qu'à l'époque" où la conservatrice dirigeait le pays, relève ainsi Russ Mould, analyste chez AJ Bell.

Il reste, en outre, une cartouche majeure au Royaume-Uni si la situation devenait incontrôlable: la Banque d'Angleterre peut toujours intervenir pour limiter la casse, avec par exemple des rachats de dette ou un ajustement de son taux directeur, actuellement à 4,75%.

Enfin, il faut noter que le Royaume-Uni n'est pas le seul pays où le coût de l'emprunt pour le gouvernement est plus élevé. Les États-Unis, par exemple, sont eux aussi concernés, le rendement des emprunts d'Etat américains à 10 ans s'étant nettement tendu à 4,69% en début de semaine, contre 4,27% fin octobre.

Avec AFP

 

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