Le président Joseph Aoun a promis, dans son discours d’investiture, de faire valoir le droit de l’État au monopole des armes, assurant qu’il compte convoquer un débat autour de la stratégie nationale de défense, suivant un cadre qu’il a lui-même défini. Pour lui, seul l’État libanais est habilité à mener une lutte contre Israël. Aucun président n’avait tenu ce discours avant lui.
Il est rare que l’élection d’un président au Liban soit accueillie avec autant de soulagement. Avec joie peut-être – une joie exprimée normalement par les partisans – mais pas avec soulagement.
Si de nombreux Libanais ont ressenti ce sentiment jeudi, c’est parce qu’ils savent, au fond d’eux-mêmes, que l’élection de Joseph Aoun à la magistrature suprême marque le début de la fin d’un style de gouvernance malfaisant et destructeur. Avec lui, l’espoir d’une réédification de l’État (avec tout ce que cela implique) renaît, pour reprendre les termes employés par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Comme elle, de nombreuses personnalités internationales ont estimé qu’avec Joseph Aoun à la tête de l’État, la voie est désormais ouverte aux réformes. Celui dont la prestation irréprochable à la tête de l’armée lui avait déjà valu l’appréciation de la communauté arabe et internationale, a d’ailleurs choisi, dans son discours d’investiture, jeudi, au Parlement, de sortir des sentiers battus.
Il a formulé des promesses impopulaires pour une certaine classe politique habituée à manipuler la Constitution et les lois en fonction de ses intérêts, mais ô combien attendues par les Libanais.
En tête de ces promesses, le fait que les autorités auront, seules, le monopole des armes, même pour lutter contre Israël. Il l’a dit sur un ton qui ne prête à aucune équivoque, allant même jusqu’à définir avec précision le cadre au sein duquel une stratégie de défense – autour de laquelle il compte engager un débat – devrait être établie. Aucun président n’avait, avant lui, osé ou voulu, du moins avec la même fermeté, en finir avec les armes du Hezbollah, qui ont essentiellement servi à miner l’État et à plonger le Liban dans des spirales de violence dont il se serait bien passé.
L’importance de cet engagement réside aussi dans le fait qu’il donne à la communauté internationale la garantie que le Liban respectera les dispositions de l’accord de cessez-le-feu qui a mis fin, en novembre 2024, à la guerre totalement inutile dans laquelle le Hezbollah a plongé le Liban.
Joseph Aoun n’y est pas allé par quatre chemins pour faire savoir, tant à ses partisans qu’à ses détracteurs, qu’il compte redonner ses lettres de noblesse à l’État libanais. Son mandat a un nom qui est aussi celui de sa mission: “Mon mandat sera placé sous le signe du respect de la Constitution”, a-t-il lancé sous un tonnerre d’applaudissements, sous la coupole de l’hémicycle, après une présentation concise et un bref pronostic du mal libanais. “Je suis honoré d’être le premier président de la République après la commémoration du centenaire de l’État du Grand Liban, alors qu’un séisme vient de se produire dans la région, ébranlant des alliances et renversant des régimes. Des frontières sont même susceptibles d’être changées. Le Liban est cependant resté tel quel, en dépit des guerres, des attentats, des interventions (dans ses affaires intérieures), des agressions, des visées et de la mauvaise gestion de nos crises”, a-t-il dit, avant d’ajouter: “Nous faisons face à une crise de gouvernance qui commande un changement du comportement politique pour préserver notre sécurité et nos frontières, de nos politiques économiques, de notre gestion des affaires sociales, du concept de la démocratie, de l’image du Liban à l’étranger, de nos relations avec l’émigration, des principes de reddition des comptes et de contrôle (…). C’est une crise de gouvernance et de gouvernants, d’une non-application des lois ou de leurs mauvaises application, interprétation et formulation”.
“Plus d’îlots de sécurité”
“Une nouvelle étape de l’Histoire du Liban s’ouvre aujourd’hui”, a poursuivi le président qui s’est engagé d’emblée à protéger les libertés individuelles et collectives.
Les uns après les autres, ses engagements se sont enchaînés, dans le même ordre d’idées. Joseph Aoun a insisté sur le respect des lois et sur le fait qu’“il n’est plus question, à ce niveau, de pratiquer une politique de deux poids, deux mesures”. “Plus de mafias, plus d’îlots de sécurité, de contrebande, de blanchiment d’argent, d’interférence dans les affaires de la justice et des gendarmeries. Plus de protectorat et d’immunité assurés à des criminels, des corrompus ou des malfaiteurs”, a-t-il lancé, avant de s’engager à “œuvrer avec le nouveau gouvernement à faire approuver un nouveau projet de loi sur l’indépendance de la justice” et à procéder aux nominations judiciaires qui avaient été bloquées par son prédécesseur, Michel Aoun.
Il a promis de convoquer sans tarder des consultations parlementaires contraignantes pour la nomination d’un chef du gouvernement, “qui sera un partenaire et non pas un rival”, mettant en avant l’importance “des compétences et non pas du clientélisme et du sectarisme” dans le choix des commis de l’État.
Parmi ses promesses, la restructuration de l’administration publique, qui implique entre autres, selon lui, “l’alternance au niveau des postes de première catégorie”. Le président a dans le même temps fait part de son souci de voir une élite accéder à des postes clés administratifs.
La stratégie de défense
Au niveau sécuritaire, Joseph Aoun a assuré qu’il compte exercer pleinement son rôle de commandant des forces armées et de président du Conseil supérieur de la défense “pour œuvrer à travers eux à confirmer le droit de l’État à avoir le monopole des armes, un État qui va investir dans son armée pour qu’elle puisse contrôler les frontières, lutter contre la contrebande et le terrorisme et préserver l’intégrité du territoire libanais”.
Promettant de veiller à la dynamisation des services de sécurité, le président a affirmé qu’il compte également “convoquer un débat autour d’une stratégie complète de défense qui serait partie intégrante d’une stratégie nationale de sécurité, aux niveaux diplomatique, économique et militaire, pour que l’État libanais, je le répète, l’État libanais, puisse en finir avec l’occupation israélienne et faire cesser les agressions d’Israël contre le Liban”.
Dans ce même contexte, il a insisté sur sa volonté de reconstruire les zones détruites lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah, avant de faire part de son souci d’établir “les meilleures relations” avec les pays arabes.
Les relations avec la Syrie
“Compte tenu des développements régionaux accélérés, nous avons aujourd’hui une chance historique d’entamer un dialogue amical avec la Syrie pour régler tous les dossiers en suspens avec le Liban, notamment le respect réciproque de la souveraineté et de l’indépendance des deux pays, le contrôle des frontières, le règlement du problème des populations déplacées syriennes, loin de tout racisme, afin qu’elles puissent rentrer chez elles”, a poursuivi Joseph Aoun, qui a promis entre autres, de développer la loi électorale et de faire approuver le projet de loi sur la décentralisation administrative”.
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