En proie depuis plusieurs années à une sévère crise multidimensionnelle, le Liban fait face à une situation complexe concernant sa dette publique. Le pays, qui a accumulé une dette mirobolante au fil du temps, a vu sa situation se détériorer. Le rachat de ce passif faramineux serait-il une stratégie salvatrice pour tenter de stabiliser la situation économique et financière du pays?
En 2023, la dette publique du Liban a atteint environ 100 milliards de dollars, ce qui représente environ 200% de son PIB. Cela fait du pays du Cèdre l'un des pays les plus endettés au monde par rapport à son économie. Il se hisse à la 2ᵉ position derrière le Japon (260% du PIB) et devant la Grèce (180% du PIB) l’Italie (150% du PIB) et le Soudan (176% du PIB). Cette dette est la conséquence directe de plusieurs facteurs, notamment la corruption systémique, la mauvaise gestion des finances publiques, une dépendance aux financements externes et les crises économiques successives, sans oublier les guerres du Liban et les répercussions de l'explosion du port de Beyrouth en 2020. Rappelons, dans ce cadre, que le Liban a annoncé, en mars 2020, son premier défaut de paiement sur sa dette extérieure.
Le Liban se trouve à un carrefour où les décisions prises détermineront l'avenir économique du pays. Le rachat de la dette en fait partie. Toutefois, celui-ci, et les efforts pour réduire le fardeau financier ne seront efficients que si le pays du Cèdre parvient à stabiliser son économie, à restaurer la confiance des investisseurs et surtout à mettre en œuvre les réformes nécessaires.
Qu’est-ce que le rachat de la dette?
Il s’agit de l’opération par laquelle le gouvernement libanais tenterait de réduire la charge de la dette publique en achetant, sur les marchés ou auprès des créanciers, une partie de ses obligations. “Le but est de réduire l'encours de la dette ou de négocier des conditions plus favorables pour alléger les paiements d’intérêts et atténuer la pression financière à long terme. Cette démarche est souvent utilisée pour gérer le niveau de la dette, améliorer la situation budgétaire ou répondre à des objectifs économiques spécifiques”, explique un économiste à Ici Beyrouth.
Ce rachat peut se faire de deux manières. “La première consiste à racheter des obligations sur le marché secondaire, c’est-à-dire que le Liban pourrait acquérir ses propres obligations à un prix inférieur à leur valeur nominale”, poursuit-il.
Deuxièmement, le Liban pourrait renégocier sa dette. Il peut ainsi monnayer avec ses créanciers pour restructurer sa dette, obtenir des remises de passif ou prolonger les échéances des paiements. “Cette stratégie permet de réduire le fardeau immédiat tout en garantissant un remboursement futur”, estime-t-il.
Pourquoi le Liban devrait-il racheter sa dette?
Avec un taux d’endettement parmi les plus élevés du monde, le Liban consacrait une grande partie de son budget au service de la dette (paiement des intérêts). Le rachat permettrait de réduire ces intérêts et de libérer des ressources pour d'autres priorités économiques. De plus, le Liban fait face à une pression accrue des créanciers, notamment les détenteurs d’eurobonds (obligations libanaises émises sur les marchés internationaux), qui exigent des remboursements en devises étrangères. Le rachat ou la restructuration de la dette permettrait de gagner du temps et de négocier des conditions plus adaptées à la situation économique du pays. Par ailleurs, le rachat ou la restructuration de la dette pourront être perçus par les investisseurs comme un signe positif, renforçant la crédibilité du pays sur les marchés internationaux.
“Bien que le rachat de la dette semble être une solution pour alléger la charge financière du Liban, plusieurs défis rendent cette stratégie compliquée, indique l’économiste. En effet, le Liban dispose de peu de ressources financières pour procéder à un rachat.
Le FMI, la Banque mondiale et des pays comme la France ont exprimé leur volonté d'aider le Liban à gérer sa dette, mais ils ont conditionné leur soutien à la mise en place de réformes économiques et institutionnelles majeures.
En effet, les pays peuvent emprunter auprès d'autres gouvernements ou d'institutions financières internationales pour financer un rachat de dette. Ainsi, la Grèce, l'Argentine et le Venezuela ont utilisé des stratégies de rachat de dette dans le cadre de leurs réformes économiques après des crises financières.
Bien que le rachat de la dette puisse offrir des avantages, il comporte également des risques. Si un pays finance son rachat de dette en empruntant de nouveaux fonds, cela peut entraîner une augmentation de la dette à court terme, ce qui pourrait contrebalancer les avantages d’une réduction de la dette à long terme.
Ce qui est certain, c’est que le Liban devra tout d’abord mettre en œuvre des réformes structurelles pour restaurer sa solvabilité.
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