Le Liban navigue en eaux troubles depuis plusieurs années, avec une inflation galopante, la dévaluation de la livre libanaise et un effondrement généralisé des services publics. Parmi les secteurs les plus touchés, celui de la santé a été gravement affecté, avec des augmentations significatives des tarifs hospitaliers et une incapacité des citoyens à payer leurs primes d’assurance. Au pays du Cèdre, l’accès aux soins est désormais un luxe.
L'une des conséquences directes de la crise économique de 2019 a été l'explosion des coûts des soins de santé. La dévaluation de la livre libanaise a contraint les compagnies d'assurance maladie à augmenter leurs primes, rendant l'accès à une couverture de santé adéquate de plus en plus difficile pour de nombreux Libanais, notamment ceux des classes moyenne et pauvre. Par conséquent, les Libanais se retrouvent souvent dans l’incapacité de payer des primes en dollars, disproportionnées par rapport à leurs salaires.
Augmentation des tarifs hospitaliers
Les hôpitaux au Liban ont également dû ajuster leurs tarifs face à la crise économique. Cette situation s'est aggravée en raison de l'augmentation des coûts des médicaments et des équipements médicaux, qui sont souvent importés et payés en devises étrangères. Entre 2019 et 2025, les tarifs hospitaliers ont bondi de 120%. Par ailleurs, le syndicat des propriétaires d'hôpitaux au Liban a annoncé une augmentation de 15% des tarifs contractés avec les compagnies d’assurance à partir du 2 février 2025, “pour pouvoir continuer de fournir des services de qualité aux patients assurés”.
Le syndicat estime que “le coût réel des services ne suit plus le rythme de la hausse des prix des produits, notamment des biens de consommation inclus dans le coût des services hospitaliers (articles non facturables), en particulier après la levée de la subvention sur certains d'entre eux”. À cela s’ajoutent, selon lui, “d'autres facteurs qui ont contribué à la hausse du coût des services”.
Interrogé par Ici Beyrouth, le président de l'Association des compagnies d'assurance, Assaad Mirza, a dit “refuser catégoriquement” cette augmentation.
M. Mirza a indiqué avoir contacté les hôpitaux universitaires, qui lui ont confirmé que l’augmentation des frais oscille entre 3% et 5%. Dans une lettre adressée au syndicat des propriétaires d’hôpitaux, il a rappelé que les assurés – et les Libanais en général – “souffrent déjà assez de la cherté de la vie” et qu’il est “impensable de leur infliger une augmentation de plus”. Par conséquent, les compagnies d’assurance vont traiter avec les hôpitaux qui ne vont pas hausser leurs tarifs.
En outre, la majorité des polices d’assurance ont déjà été émises et n’intègrent pas cette hausse significative, mais seulement une augmentation modérée d’environ 5%. “Elles demeurent d’ailleurs de 15% moins chères qu’en 2019. À titre d’exemple, une prime d’assurance pour une personne de 50 ans s’élevait à 1.850 dollars en 2019, contre 1.700 dollars en 2025”, indique M. Mirza.
Il ajoute que le secteur des assurances médicales ne peut pas supporter cette surcharge financière, d’autant plus qu’il accuse une perte de 130%. “Près de 200.000 personnes ont délaissé le secteur des assurances, sans compter celles qui se sont déclassées, passant de la première à la deuxième classe”, souligne-t-il.
Le recours croissant aux mutuelles religieuses
Face à la réévaluation des primes d'assurances maladie et des tarifs hospitaliers, de plus en plus de Libanais se sont tournés vers des mutuelles religieuses pour accéder à des soins de santé à des prix plus abordables. Celles-ci, souvent gérées par des institutions religieuses (orthodoxes, grecs-catholiques, sunnites, chiites ou druzes), offrent des options d'assurance maladie moins coûteuses que les compagnies d'assurance traditionnelles.
Les mutuelles religieuses, bien qu’elles soient parfois critiquées pour leur manque de transparence et leur couverture limitée, représentent une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles libanaises. Ces mutuelles ont l'avantage d’être souvent plus souples en termes de paiement, et certaines proposent des tarifs préférentiels réservés aux membres de leur communauté religieuse.
Elles ont gagné en popularité non seulement en raison de leurs coûts réduits, mais également grâce à un réseau de partenaires, comprenant des hôpitaux et des cliniques qui acceptent leurs cartes sans avance de frais. Ces systèmes ont prouvé leur capacité à fournir un soutien médical à un grand nombre de Libanais, bien que la qualité des soins puisse varier selon les ressources disponibles.
L'augmentation des tarifs hospitaliers et le réajustement des primes d’assurance ont exacerbé l'inégalité d'accès aux soins, laissant de nombreux Libanais dans l'incapacité de se faire soigner. Il est grand temps que les autorités interviennent pour réformer le système de santé et garantir un accès à des soins de qualité pour tous, indépendamment de la capacité financière de chaque personne.
En attendant, l'accès à la santé est désormais un privilège pour certains et un luxe inaccessible pour d'autres.
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