Washington classe les Houthis comme \
Un combattant Houthi monte la garde lors d'une manifestation à la suite des frappes des forces américaines et britanniques, dans la capitale contrôlée par les Houthis, Sanaa, le 12 janvier 2024 ©MOHAMMED HUWAIS

La décision du président américain Donald Trump de classer de nouveau les Houthis comme une "organisation terroriste étrangère" pourrait affecter l'aide humanitaire et le processus de paix dans ce pays ravagé par la guerre, estiment des experts.

L'année dernière, l'ancien président démocrate américain Joe Biden avait opté pour la qualification, moins sévère, d'entité "spécialement désignée comme terroriste au niveau mondial", en invoquant la nécessité de maintenir le flot d'aide au pays, dont les deux tiers de la population dépendent.

Quelles conséquences à cette nouvelle désignation? 

La Maison Blanche a annoncé mercredi que M. Trump avait signé un décret visant à désigner les Houthis comme "terroristes", exposant quiconque engagerait des transactions avec eux au risque d'être poursuivi en justice par les États-Unis.

"Ce cadre élargi et plus répressif ne se contente pas d'interrompre les sources de financement, il impacte également de manière significative les capacités opérationnelles, la mobilité internationale et la légitimité du groupe", explique à l'AFP Mohammed Basha, fondateur de Basha Report, un cabinet de conseil basé aux États-Unis.

Les Houthis pourraient toutefois "l'interpréter comme une déclaration de guerre et reprendre leurs attaques contre les navires américains" d'ici l'entrée en vigueur de la décision, en mars, prévient-il.

Le nouveau locataire de la Maison Blanche cherche à "montrer d'emblée qu'il appliquera une politique de tolérance zéro à l'égard des Houthis", souligne pour sa part la directrice du Girton College à l'Université de Cambridge, Elisabeth Kendall.

"La question n'est pas de savoir si cette désignation est justifiée. La plupart des analystes occidentaux s'accordent à dire qu'elle l'est", poursuit-elle. "La question est plutôt de savoir si cela mettra la pression sur les Houthis et contribuera à faire cesser leurs attaques. C'est moins clair."

Quel impact sur la population yéménite? 

Les Houthis avaient déjà été placés sur cette liste à la fin du premier mandat de M. Trump, début 2021, mais son successeur avait fait marche arrière face au tollé des organisations humanitaires.

Ces dernières avaient alors prévenu qu'elles n'avaient pas d'autres choix que de traiter avec les Houthis, qui gouvernent de facto une grande partie du pays.

Au-delà des opérations humanitaires, la sanction américaine pourrait paralyser le secteur bancaire, et les importations de produits de première nécessité dans le pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, précise Abdulghani al-Iryani, chercheur au Sana'a Center For Strategic Studies.

Le décret donne un délai de plusieurs semaines pour préparer la mise en oeuvre de la mesure. "Il faut espérer que le département d'Etat et d'autres agences américaines feront en sorte d'atténuer les souffrances de la population", dit-il à l'AFP.

Les "États-Unis cherchent à briser les os des Houthis", poursuit le chercheur. Ils y parviendront peut-être à long terme, mais "la famine pourrait s'installer bien avant" que cela n'arrive.

Quid du processus de paix? 

Depuis une trêve négociée en 2022, l'ONU tente de faire avancer les pourparlers entre les rebelles et le gouvernement, soutenu par une coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite, pour parvenir à la paix après une décennie de guerre dévastatrice.

Le processus, déjà mis à mal par la campagne d'attaques des Houthis en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, est aujourd'hui plus compromis que jamais, affirme M. Iryani, puisque la désignation américaine "tue toute perspective" de dialogue avec le mouvement.

Mais si la décision américaine s'inscrit dans une "stratégie globale", elle pourrait aussi offrir une "opportunité historique" au gouvernement et ses alliés, pour "imposer un projet national renforçant les piliers de la paix et de la stabilité", a écrit sur X Ibrahim Jalal, du Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center.

 

Par Sahar Al Attar, AFP

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