Houthis: le calme avant la tempête?
Des partisans des Houthis au Yémen brandissent un portrait du général de division Mohammed al-Ghamari, chef militaire des Houthis, à Sanaa, le 17 octobre 2025. ©MOHAMMED HUWAIS / AFP

Entre pressions régionales, crise interne et perte d’influence iranienne, le mouvement yéménite traverse une phase de relative retenue.

Lors d’une réunion à huis clos ce jeudi 27 novembre, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a estimé qu’Israël n’était «pas en voie» de faire la paix avec la Syrie, en raison de forces présentes à la frontière, susceptibles d’envisager une incursion terrestre vers le Golan. Parmi elles, a-t-il affirmé, figureraient même des combattants houthis opérant depuis le territoire syrien. Une hypothèse qui traduit moins une menace imminente qu’une réalité diplomatique plus large: l’évolution rapide – et parfois contradictoire – du rôle des rebelles yéménites dans le paysage régional depuis le cessez-le-feu mis en œuvre le 11 octobre par le plan Trump pour Gaza.

Car depuis un mois, le mouvement houthi, longtemps moteur des tensions régionales, apparaît inhabituellement discret. Les tirs de missiles vers Israël ont cessé, les attaques contre les cargos en mer Rouge se sont espacées, et l’attention du groupe semble se recentrer vers l’intérieur du Yémen. Un calme relatif, qui s’explique autant par des pressions externes que par une crise interne sans précédent.

Un choc stratégique: la mort du général Mohammed al-Ghamari

Le 16 octobre, les Houthis ont annoncé la mort de leur chef militaire, le général Mohammed al-Ghamari, tué dans une attaque israélienne. Figure centrale de l’appareil militaire rebelle, artisan des frappes de drones contre Israël et symbole de la projection régionale du mouvement, al-Ghamari incarnait la dimension transfrontalière de la stratégie houthie.

Selon Israël Katz, le général avait en réalité succombé à ses blessures infligées par une frappe en août, la même qui avait tué le Premier ministre houthi Ahmed Ghaleb al-Rahwi, le plus haut responsable politique du mouvement éliminé depuis 2023. Benjamin Netanyahou s’est félicité de l’élimination d’une «série de commandants terroristes», promettant de poursuivre la campagne.

La disparition d’al-Ghamari a été vécue à Sanaa comme une fissure majeure. Malgré leur rhétorique martiale – les Houthis promettent qu’Israël «recevra une punition dissuasive» –, les faits montrent pour l’instant une forme de retenue tactique. Le mouvement a affirmé rester en «alerte» depuis le cessez-le-feu à Gaza, mais n’a plus mené d’attaque significative.

Un mouvement en voie d’autonomisation face à Téhéran

Si la mort d’al-Ghamari fragilise la direction militaire, l’autre évolution notable est la prise d’autonomie croissante des Houthis vis-à-vis de l’Iran. Selon plusieurs responsables iraniens cités par The Telegraph, le lien de commandement traditionnel se serait considérablement affaibli. Les Houthis «ne prennent plus les ordres» de Téhéran, et agissent selon leurs propres priorités.

Le Corps des gardiens de la révolution (IRGC) a dépêché à Sanaa un de ses plus hauts cadres, Abdolreza Shahlaei, pour tenter de reprendre la main. Une démarche révélatrice: le «dernier proxy significatif» de l’Iran dans la région semble aujourd’hui suivre une logique davantage nationale qu’idéologique.

Les raisons de ce tournant sont multiples: frustration ancienne des Houthis face à l’absence de soutien iranien lors de frappes américaines; montée en puissance militaire autonome grâce à des réseaux locaux et un savoir-faire acquis pendant des années de guerre; et volonté d’apparaître comme un acteur souverain plutôt que comme une simple extension de Téhéran.

Comme le résume pour The Telegraph le chercheur Bader al-Saif: «L'Iran et les Houthis coopèrent, mais chacun poursuivra ses intérêts quand il le jugera utile».

Priorité intérieure: répression et consolidation du pouvoir

Parallèlement, le mouvement mène depuis plusieurs semaines une vaste campagne d’arrestations destinée à resserrer son contrôle interne. Le 22 novembre, un tribunal houthi a condamné à mort 17 personnes pour espionnage au profit d’Israël, des États-Unis et de l’Arabie saoudite. Les accusations visent également des employés de l’ONU, que les dirigeants rebelles soupçonnent d’activités hostiles.

Cette intensification de la répression intervient dans un contexte politique tendu, marqué par l’assassinat d’al-Rahwi en août et les répercussions internes de la mort d’al-Ghamari. Pour les Houthis, restaurer l’autorité interne semble aujourd’hui aussi crucial que maintenir leur posture régionale.

La mer Rouge retrouve un calme relatif

Depuis le 11 octobre, les attaques contre les navires marchands en mer Rouge, qui avaient fait des Houthis un acteur perturbateur du commerce mondial, ont nettement diminué. Les frappes américaines et israéliennes, les résolutions du Conseil de sécurité et la pression diplomatique ont contribué à cette pause.

Le Conseil de sécurité, dans une résolution adoptée le 14 novembre, a «exigé» la fin immédiate des attaques maritimes et durci l’encadrement du trafic d’armes. Une pression internationale accrue, qui semble avoir pesé dans le choix houthi d’une forme de prudence.

Un moment charnière

Entre crise de leadership, montée en autonomie stratégique, pressions internationales et recentrage intérieur, les Houthis traversent une phase de transition. Leur silence relatif ne signifie pas un renoncement: le mouvement reste armé, organisé et idéologiquement mobilisé.

Mais l’équation a changé. L’Iran n’a plus la même emprise, Israël revendique une série de frappes dévastatrices et le Yémen se trouve à un moment diplomatique délicat, notamment face aux demandes américaines d’intégrer la force internationale à Gaza.

Reste une question que beaucoup à Jérusalem comme à Téhéran se posent déjà: ce calme est-il durable, ou n’est-il qu’une parenthèse stratégique avant une recomposition plus agressive du mouvement?

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