![Courts métrages: deux films libanais primés au Festival de Clermont-Ferrand](/images/bibli/1920/1280/2/whatsapp-image-2025-02-11-at-07.47.19.jpeg)
Le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand s’est clôturé, samedi 8 février, marquant une édition particulièrement mémorable avec un focus sur le Liban. Deux films libanais en compétition officielle ont remporté des Prix du jury. Retour sur la 47ᵉ édition du festival et la remise des prix.
L’invité d'honneur de la 47ᵉ édition du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand était, cette année, le Liban, avec un programme riche en films, discussions et événements culturels focalisant l’intérêt sur le cinéma libanais et ses talents. L’événement a été coorganisé avec la Beirut Film Society, une organisation qui soutient la production et la diffusion de films au Liban et dans le monde.
Pour sa journée de clôture, samedi 8 février, le festival a surtout mis à l’honneur plusieurs films primés, dont deux films libanais, parmi les trois qui étaient en compétition officielle et que le public a pu découvrir tout au long de la semaine dernière (Ship of Fools; What if They Bomb Here Tonight; et Le Diable et la bicyclette).
C’est avec beaucoup d’enthousiasme que le public a applaudi longuement Ship of Fools (Liban, Allemagne) d'Alia Haju, qui a remporté une mention spéciale du jury étudiant Labo ainsi que le Prix spécial du jury Labo. Le film, tourné dans le tumulte de Beyrouth, raconte l’histoire d’un homme qui cherche à acquérir des super-pouvoirs. La réalisatrice, qui est en même temps actrice, choisit d'accompagner l'homme dans ses exercices pour devenir un surhomme. Avec l'aide de leurs monstres, à eux deux, ils s'attellent à retrouver le sens perdu du Liban. Ce film, mêlant documentaire et animation, a particulièrement ému le jury et le public.
Le deuxième film en compétition, Le Diable et la bicyclette (France, Liban) de Sharon Hakim, explore la jeunesse d’une Libanaise de 13 ans, issue d’un mariage multiconfessionnel qui, entre préparatif au rituel de la première communion et l’éveil de la sensualité, installe un rituel d’un tout autre genre. Le film remporte le Prix étudiant de la section des films français; également très applaudi et retenu par le public et le jury pour sa justesse et sa profondeur.
Ces prix, décernés à deux films libanais parmi plus de 140 films en compétition répartis en quatre catégories (films internationaux, films Labo, films français, films immersifs), témoignent de l’excellence du cinéma libanais; un cinéma qui, malgré les défis socio-économiques auxquels est confronté le pays, continue de briller sur la scène internationale. C’est une reconnaissance méritée pour des artistes qui parviennent à transformer leurs souffrances et émotions en œuvres d’art, offrant un cinéma libanais puissant et inspirant, capable de toucher l’âme au-delà des frontières.
Retour sur le Focus Liban
Le festival présentait deux thématiques, celle du Liban mais aussi celle du son au cinéma. Pour l’occasion, une séance spéciale intitulée “Décibels”, mêlant les deux thématiques, a été présentée soulignant l'importance de la musique dans la culture libanaise. Ce programme a exploré des collaborations musicales internationales marquantes, comme celle entre Suuns et Jerusalem in My Heart (Canada, Liban), et a aussi mis en évidence des talents français, comme le groupe PAR.SEK et Alexandre Delano.
Dans le cadre du Focus Liban, deux “collections” spéciales de films ont été présentées. La première, la “Collection Jocelyne Saab”, a présenté trois films issus d’un projet de restauration mené entre 2019 et 2022, offrant une vision poignante de la ville de Beyrouth et de ses habitants. L'autre collection phare, “Letters”, a permis de découvrir un ensemble de films mêlant échanges épistolaires, poésie et documentaire. Initiée par Josef Khallouf (The Film Monk), cette collection de 17 films a brossé un portrait émouvant et complexe de Beyrouth et du Liban.
Le cinéma libanais, malgré des années marquées par des crises politiques et économiques profondes, reste un terrain fertile pour des créations innovantes et audacieuses. Les quatre programmes consacrés à ce pays, représentant 20 films, témoignent de cette vitalité. Bien que le Liban ait connu des bouleversements dramatiques, les réalisateurs libanais continuent de se réinventer. Leur cinéma se distingue par un mélange de genres et de styles, façonnés par des expériences personnelles, des références multiples et un enracinement profond dans la réalité de leur pays. Et pour cause, la Beirut Film Society a également projeté dans le cadre du Marché du court, où il tenait un stand, une série de courts métrages pour mettre en évidence une série de films supplémentaire qui est venue s’ajouter aux séries proposées par le Festival.
Parmis ces films figuraient Loin de là du réalisateur libanais Mario Ghabali, découvert dans le cadre du Beirut Woman Film Festival, pour la prochaine édition qui aura lieu en 2025. Nous avons rencontré le réalisateur de Loin de là, qui a évoqué le processus créatif qui a sous-tendu son film et l’opportunité de le projeter au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand. Le réalisateur souligne l'importance de la subtilité dans ses créations. "Je suis obsédé par la subtilité et je cherche à explorer des émotions complexes sans les exposer de manière évidente, souligne-t-il à Ici Beyrouth. Le film n'est pas autobiographique, mais il y a des éléments qui résonnent avec mes propres expériences."
Le réalisateur ajoute que bien que le film traite de thèmes personnels, il ne s’agissait pas d’un récit autobiographique mais plutôt d'une réflexion plus large sur les expériences humaines. "Depuis la guerre, je ressens ce besoin de faire un film libanais, en langue arabe libanaise et sur un autre sujet que celui de la guerre ou de la politique. Je souhaite plutôt revenir à l’essentiel, à mes proches et à des souvenirs. Je travaille actuellement sur ce projet, malgré le fait que Loin de là soit sélectionné dans un festival en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis”, poursuit le réalisateur. Un chemin qu’il partage avec beaucoup d’autres cinéastes.
L’engagement des jeunes cinéastes
Wissam Charaf, le cinéaste libanais particulièrement mis à l'honneur cette année – un habitué du festival et primé à plusieurs reprises – raconte aussi son parcours de cinéaste libanais. Il partage son expérience, ses inspirations et sa manière d'aborder l’écriture et la réalisation de films lors de sa master class. Un parcours illustré lors du programme 4 du Focus Liban, que le public a eu l’occasion de découvrir ou redécouvrir. Plusieurs réalisateurs ont eux aussi exposé les défis auxquels ils font face pour créer dans un pays où les moyens sont souvent limités. Dans le cadre de la table ronde “La jeune garde du cinéma libanais entre création et engagement”, le public a notamment pu découvrir l’engagement des jeunes cinéastes qui, malgré un contexte économique difficile, réussissent à faire vivre leur art et à partager leur vision du monde à travers des films puissants.
Enfin, les expositions ont eu aussi une place centrale dans le programme, notamment avec la participation de l’artiste libanais Brahim Samaha dans l’exposition collective Anatomie du Labo 17. Une autre exposition importante, Extended Spectrum, Photographies, présentait des travaux fascinants mêlant science et art, de l’artiste Lara Tabet (également membre du jury des films en compétition Labo), à l’hôtel Fontfreyde, tandis que le ciné-concert de l’artiste Nâr (Nadine Daou, membre aussi du jury des films en compétition Labo) au lieu-dit, a offert une expérience sensorielle immersive aux spectateurs.
Le Festival de Clermont-Ferrand aura ainsi marqué les esprits avec un Focus Liban aussi riche qu’impressionnant et méritant.
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