Au sommet sur l'IA à Paris, deux visions du monde s'affrontent autour de la régulation
Le président français Emmanuel Macron (au centre, devant) pose avec des dirigeants mondiaux et des participants à la clôture de la session plénière du Sommet sur l'action en matière d'intelligence artificielle (IA), au Grand Palais à Paris, le 11 février 2025. ©Ludovic Marin / AFP

Le sommet de Paris sur l'intelligence artificielle a vu s'affronter mardi deux visions du monde, les États-Unis appelant à limiter la régulation pour "ne pas tuer une industrie en plein essor" qu'ils dominent et ne signant pas l'appel sur une IA "ouverte", "inclusive" et "éthique".

À la clôture du sommet à la mi-journée, 58 pays, dont la Chine, la France et l'Inde (les deux co-organisateurs), ainsi que l'Union européenne et la Commission de l'Union africaine, se sont prononcés pour une coordination renforcée de la gouvernance de l'IA nécessitant un "dialogue mondial" et ont appelé à éviter "une concentration du marché" afin que cette technologie soit plus accessible.

Une vision très éloignée de celle défendue par les États-Unis qui, comme le Royaume-Uni, ne figurent pas parmi les signataires de cette déclaration, voulue par le président français Emmanuel Macron et rassemblant des principes partagés de régulation, un thème maintes fois abordé lors de ce sommet.

Le gouvernement britannique a fait savoir qu'il ne souhaitait adhérer "qu'à des initiatives qui sont dans l'intérêt national du Royaume-Uni".

Ce grand raout mêlant pendant deux jours dirigeants politiques et patrons de la "tech" dans l'enceinte du Grand Palais a été marqué mardi par le discours très offensif du vice-président américain J.D. Vance, dont c'est le premier déplacement à l'international depuis la prise de fonction de Donald Trump fin janvier et l'annonce de "Stargate", un plan d'investissements dans l'IA américaine à hauteur de 500 milliards de dollars.

"Pas à vendre"

À rebours d'une Europe voulant aller plus vite tout en définissant un cadre à l'essor de l'IA, il a souhaité faire "tous les efforts possibles pour encourager les politiques pro-croissance" en la matière.

"Les États-Unis sont les leaders dans l'IA et notre administration entend qu'ils le restent", a-t-il souligné, quelques heures après la publication d'informations sur une offre non sollicitée d'Elon Musk, l'homme le plus riche du monde et membre de l'administration Trump, sur la start-up OpenAI, à l'origine de ChatGPT.

Selon le Wall Street Journal, le milliardaire (qui dispose déjà de sa propre start-up d'IA générative, xAI, lancée en 2023) veut, avec un groupe d'investisseurs, racheter l'organisation à but non lucratif qui contrôle OpenAI pour 97,4 milliards de dollars.

L'entreprise "n'est pas à vendre", a rétorqué mardi Chris Lehane, vice-président en charge des affaires publiques, de passage à Paris pour un événement "business" pour les entreprises de la "tech" à Station F, l'incubateur de start-up fondé par le milliardaire français Xavier Niel.

M. Macron doit aller à la rencontre des entrepreneurs sur place dans l'après-midi.

Avant de quitter la nef du Grand Palais pour déjeuner à l'Elysée, J.D. Vance a également mis en garde contre les partenariats avec les "régimes autoritaires", dans une référence à peine voilée à la Chine.

"S'associer avec eux (ces régimes, NDLR) revient à enchaîner votre nation à un maître autoritaire qui cherche à infiltrer, s'installer et s'emparer de votre infrastructure d'information".

"Opportunité ratée"

En réponse aux ambitions américaines, Emmanuel Macron a insisté sur le "besoin de règles" et d'un "cadre de confiance" pour accompagner le développement de l'IA.

"Nous avons besoin de ces règles pour que l'IA avance" et "besoin de continuer à faire avancer une gouvernance internationale de l'IA", a-t-il dit, en clôture du sommet qui s'est traduit pour la France en annonces sonnantes et trébuchantes, avec un plan d'investissements privés à hauteur de 109 milliards d'euros.

Pour le Premier ministre indien Narendra Modi, qui co-présidait le sommet IA et va accueillir le prochain, le défi est de ne pas laisser "le Sud global", dont son pays et ses 1,4 milliard d'habitants, à la traîne d'une révolution technologique en plein boom.

Mais pour Dario Amodei, patron de la start-up américaine Anthropic, ce sommet s'apparente à une "opportunité ratée".

"Il est nécessaire de se concentrer davantage" sur les enjeux démocratiques de l'IA, ainsi que les risques liés à la sécurité et à l'emploi que fait peser cette technologie, a-t-il souligné.

Alors que l'Union européenne tente d'avancer ses pions dans cette course à l'IA, elle a dévoilé mardi un plan d'investissements de 200 milliards d'euros, dont 150 milliards venant de grands groupes.

Il s'agit du "plus grand partenariat public-privé dans le monde pour le développement d'une IA fiable", au sein de l'alliance "EU AI Champions Initiative" qui regroupe plus de 60 entreprises, a souligné la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. Le "leadership mondial est toujours à saisir", a-t-elle estimé.

Avec AFP

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